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À La Une - Rétro 2013

Les 30 Libanais(e)s qui ont (dé)fait 2013

Rationalisée autant que possible, scientifisée presque, cette deuxième édition reste un exercice obligatoirement subjectif : chacun y regrettera l'absence de quelques-uns de ses coups de cœur/griffe, mais personne ne contestera à ces 30 Libanais leur présence dans ce classement : en 2013, ils ont fait le buzz. Bonne année !

Nidal Darwiche et Khouloud Succariyé, premier couple marié civilement au Liban.

1 Darwiche / Succariyé

 

Dans un Liban sclérosé et misfit, aux mentalités empaillées, maudit des dieux et suicidaire, le geste de cet homme et de cette femme est quasiment équivalent à celui d'un Neil Armstrong sur la Lune. En réussissant à faire ce que des millions de couples font à travers le monde : ne pas se marier religieusement, ce couple a réalisé un exploit : sortir le pays de son Moyen Âge, certes, mais surtout (re)donner de l'espoir à des milliers de Libanais(e)s, et offrir à leur fils Ghadi, né en 2013, un cadeau divin. Celui de choisir lui-même son appartenance communautaire. Cette réhabilitation de la libanitude s'appelle l'aurore. Resplendissants.

 

 

2 Michel Sleiman

Il a pourtant très mal commencé. Frileux, hésitant, en manque d'autorité et de charisme, un peu désincarné. Et puis le déclic, lentement, sûrement, comme une machine qui se met en route, un bulldozer, irréversible. Il ne marquera sans doute pas l'histoire du Liban par ses réalisations, mais par ses prises de position, avec un sens hitchcockien du crescendo, de la dramaturgie. En 2013, le président de la République aura, quand il le fallait et comme il le fallait, mis tout le monde à sa place : Hassan Nasrallah, Bachar el-Assad, les Libanais, les religieux, les civils... Les dernières semaines de son mandat risquent d'être épiques. Fascinant.

 

3 Rabih Kayrouz

 

Renoir, le peintre, lui aurait très probablement demandé d'habiller ses modèles. Ses petites filles rousses, avant qu'il ne les immortalise. À chaque collection, ce garçon voit ses mains s'anamorphoser et réussit à réinventer la fluidité. Le concept, plus qu'abstrait, s'incarne : il y a fusion-acquisition entre la peau et le vêtement. Celui-là, parfois, on l'entend même respirer. En 2013, le couturier libanais a présenté Ray, une collection immatérielle et épique, entre Barbie et Barbarella, entre rose et noir. Et il a surtout été nommé chevalier des Arts et des Lettres par la très inspirée ministre française de la Culture. Remarquable.

 

 

4 Wajdi Mouawad

Ses Incendies ont illuminé Beyrouth. Salvatrices. Régénératrices. Et purificatrices. Si le metteur en scène reste encore un peu gauche, un peu empêtré dans ses références et ses hommages, l'auteur est un génie, capable de rendre assourdissant le plus banal des silences. La honte devient un passage obligé vers l'âge adulte et la rédemption, une bénédiction. En 2013, le Canadien s'est replongé dans ses racines libanaises. Incontournable.

 

5 Ziad Rahbani

 

Que cet agitateur veuille se mettre à dos la moitié, au moins, de la population libanaise en soutenant publiquement le régime syrien et Hassan Nasrallah, libre à lui. Qu'en 2013 il s'emploie à embourber dans ses cloaques sa mère en est une toute autre. Qu'on l'aime ou pas, Feyrouz est un ciment, sans doute le lien ultime non seulement entre tous les Libanais, mais aussi pour l'ensemble du monde arabe. Œdipe ricane doucement. Désespérant.

 

6 Hassan Nasrallah

Il est des degrés d'arrogance que l'on pensait inatteignables. Résistance noble et valeureuse jusqu'en l'an 2000 puis milice incontrôlée et incontrôlable en 2008, le Hezbollah est devenu un collectif de mercenaires au service d'une très grande entreprise de barbarie : le gang Assad. En 2013, le secrétaire général du parti de Dieu aura prouvé qu'il est capable d'aller encore plus loin dans l'inconscience. Affligeant.

 

7 Janane Mallat

Ce n'est pas seulement les taux d'audiences record pour un show télévisé made in Lebanon qui impressionnent : c'est surtout cette capacité à fédérer, autour de la même image et du même suspense, toutes les catégories socioculturelles du Liban. En 2013, petite sœur de Catherine Barma, la productrice de Al-Chater Yehké et de Biggest Loser, a fait encore plus fort avec Dancing With The Stars saison II sur la MTV. Réjouissante.

 

 

8 Karen Chekerdjian

La sorcière de Blanche Neige aurait tué pour l'un de ses miroirs Ikebana. Entre Dubaï, Londres, Milan et Beyrouth, la designer expose son travail, alchimiste troublante, mains blanches et yeux aciérés : ses œuvres sont à l'image de son pays, violentes et sereines, bétonnées et fragiles, lisses et ambiguës. Née en 2013, sa Spaceship coffee table est une proposition indécente de voyage interstellaire, main dans la main avec Luke Skywalker. Visionnaire.

 

9 Riad Salamé

Depuis le 1er août 1993, il est un paratonnerre. Dans un pays où rien ne va, où tout s'écroule, la livre libanaise reste solide : c'est une gageure. En 2013, l'année qui précède l'élection présidentielle libanaise, le patron de la BDL aura récolté une énième reconnaissance de ses pairs et su soutenir les entreprises en difficulté, tout en laissant passer, personne n'est infaillible, l'énorme bêtise du nouveau billet de 50 000 LL. Ultrasolide.

 

10 Joe Kodeih

 

Le stade ultime de la pédagogie ? Apprendre aux autres l'autodérision. Anatomopathologiste cruel, mais tendre, mais drôle, mais smart, de ses défauts et de ceux de ses compatriotes, le metteur en scène est désormais showman. Et miroir. En 2013, sans atteindre la grâce absolue et universelle de son Hayét el-Jagal So3bé, son JoCON aura été une source de jouvence. Sa paternité aussi, sûrement. Solaire.

 

11 Salim Eddé

Cet Indiana Jones est un passeur. Un simple, un vrai, un indispensable passeur. La transmission d'une passion est toujours émouvante. Et en 2013, il a réalisé son rêve : ouvrir à Beyrouth le MIM, l'hallucinant musée des minéraux, troisième plus grande collection privée au monde, donnée en partage à toutes celles et tous ceux qui n'ont pas oublié qu'à l'origine du monde, avant le verbe et la chair, il y avait la pierre. Rassurant.

 

12 Karim Edgard Chaya

 

Maîtriser à ce point la géométrie, la fantasmer, la concrétiser, réinventer sa grammaire, la recodifier et l'installer dans le quotidien des consommateurs : ce designer est un sorcier. Même un moulin à poivre devient une œuvre d'art. 2013 a vu naître un big bang, ou un gang bang, de neurones : les cinq sens, voire les six, donc le monde, se sont connectés. C'est la Synapse. Naturellement éclairée. Et moi et moi/émois. Décoiffant.

 

13 Nayla Audi

 

Elle a construit un pont entre Beyrouth et Los Angeles. Rien au monde, ou presque, n'est aussi fédérateur qu'une glace. La mythologie de l'ice cream se réécrit à l'infini. En 2013, cette amazone a ouvert deux nouvelles boutiques pilotes : Oslo ici, et Milk là-bas. Et fait mourir de plaisir, chaque jour, des centaines de gourmand(e)s, convaincus désormais qu'une glace ou qu'un Angel Food Cake valent tous les Prozac du monde. Voluptueuse.

 

14 Amin Dora

 

Si les moyens de communication n'avaient pas existé, ce rêveur les aurait inventés. Depuis Shankaboot, la première série web dans le monde arabe, ce ciné-fils de l'ALBA règne en maître sur un champ de possibles. En 2013, Ghadi, son premier long métrage très Jacques Demy style, a enchanté des milliers de spectateurs. Agacé d'autres aussi. Et c'est tant mieux : rien n'est plus castrateur que l'unanimité. Intrépide.

 

15 Gasnier Duparc / Harati

Le tandem (le trio, avec leur très doué silent partner) est un volcan d'idées ; une hydre à deux têtes qui s'est trouvée un sacerdoce : rendre les nuits des Libanais plus belles que leurs jours. Et ces nuits beyrouthines, ils en sont devenus les tsars. En 2013, le mythique Behind The Green Door a fêté ses 5 ans, le festival Decks On The Beach son an II, et Épicery, le très attirant restaurant de Mar Mikhaïl, sa naissance. Nécessaires.

 

16 Akram Zaatari

 

Il s'en fout de savoir si sa mémoire est eidétique ou pas. Ce n'est pas la sienne qui l'intéresse, mais celle d'un collectif, d'une tribu, d'un peuple. Ou de plusieurs. Une mémoire pour expliquer How I Love You ; jusqu'où cet amour peut aller. Artiste polymorphe, il a représenté en 2013 le Liban à la Biennale de Venise. Et raconté l'histoire, universelle, de ce militaire qui a désobéi, qui s'est trahi, pour ne pas tuer. Tentaculaire.

 

17 Lisa Asseily

 

L'import-export de concepts qui marchent, leur duplication ou leur clonage, n'est jamais sans risque(s). Mais l'adrénaline, cette patronne de restaurant, elle la veut, elle la chérit. Après Paris, Beyrouth a (re)trouvé en 2013 sa Liza, née, comme Aphrodite de l'écume, dans une maison construite au début du XIXe siècle. Ziad Asseily et Maria Ousseimi ont créé un petit bijou. Les clients sourient. La patronne aussi. Tranquille.

 

18 Anthony Touma

Petit animal de scène, encore maladroit mais terriblement attachant, il est venu au monde deux fois : la première fois en 1992 à Beyrouth, et la deuxième en 2013, en faisant joliment sourire Michael Jackson avec sa reprise TNT, devant les caméras de The Voice France, de Billie Jean. Son élimination est devenue, carrément, une cause nationale, commentée, disséquée dans chaque recoin des réseaux sociaux. Persévérant.

 

19 Kamakian / Maacaron

Se retrouver sans visa, sans avion, en Arménie. Ailleurs, mais tellement ici. Dans un restaurant, mais à la maison. Supplier pour avoir un tonneau de ce laban extraterrestre. Ou une kebbé nayyé qui mérite, pour une fois, ce label foodporn tellement hashtagé et galvaudé. En 2013, les deux cousins ont fêté les 10 ans de leur Mayrig, et eu l'excellente idée d'accoucher de Mayrig Dubaï et, à Antélias, de Batchig by Mayrig. Passionnés.

 

20 Michèle Ghanem

C'est toujours un peu délicat lorsque l'on est en charge de gérer un bien familial. Et que ce bien-là est un monstre sublime, un vampire glam à mort, jeté au milieu de la ville comme une Atlantide qu'on n'osait plus regarder. La magnanerie de Sedd el-Bauchrié, phénix reborn, peut dire merci à son intendante, à son infirmière : en 2013, elle en a fait un écrin hiératique pour, entre autres, un Festival de Baalbeck obligé de se délocaliser. Engagée.

 

21 May Joumblatt

Il est des trajectoires qui donnent envie. Qui rendent jaloux. Des intelligences d'une telle férocité qu'on pourrait croire qu'elles ont été greffées. Des sourires en coin plus éloquents, plus crus que n'importe quel discours. En 2013, la dame s'en est allée, là-bas, près de Kamal Joumblatt peut-être, ou pas, raconter des histoires comme personne, rire, boire et danser, et scotcher, hébétés et ravis, tous ceux qui croiseront sa route. Iconique.

 

22 Sandra Mansour

Elles ne sont pas nombreuses, les femmes qui veulent, qui peuvent, qui savent ou qui doivent habiller les femmes. La jeune couturière a l'ADN d'une Spiderwoman : sa maîtrise de la dentelle et de la verticalité est juste inouïe. Comme ces 50 shades of white and black qu'elle arrive à restituer. Kubrick aurait adoré. En 2013, elle a été jusqu'aux States pour faire défiler ses habits – habit dans son sens le plus barthésien. Arachnéenne.

 

23 Rasha Kahil

Quand elle déshabille ses modèles, les autres ou alors elle-même, devant son appareil photo, elle ouvre des matrices. Et chaque spectateur s'y engouffre, frémissant de peur ou de désir. En 2013, Between 11 And Noon est venue se superposer à In Your Home ; diptyque implacable où la recherche de tout ce(s) temps perdu(s) se fracasse élégamment sur un tas d'ordures (c'est ça, mon image ?) au cœur duquel dorment, nues, des orchidées blanches. Impatiente.

 

24 Ayman Mhanna

 

Œil d'aigle. L'ancien patron de la jeunesse du Renouveau démocratique est lahoudien (Nassib) jusqu'à la moelle : son travail à la tête de SKeyes pour la liberté de la presse et de la culture a valu en 2013 à la Fondation Samir Kassir un World Summit Award. Il est sur tous les fronts dès qu'il s'agit de défendre ces mots en té sans lesquels le monde n'est qu'un grand rictus amer. Ou de gravir les sommets de l'île de la Réunion. Amoureux.

 

25 Fadl Chaker

Il y a toujours une ligne de démarcation entre l'artiste et l'engagé. La franchir, parfois, est comme une petite mort. Ou une renaissance. En 2013, ce chanteur aux cordes vocales en diamant a suivi Ahmad el-Assir dans son exil. Chaque homme dans sa nuit trébuche parfois sur une étoile : salafiste jusqu'au bout, il sort en décembre une chanson. Il raconte Jésus. Son Jésus. Entre illumination absolue et coup marketing d'enfer. Halluciné.

 

26 Vénus Khoury-Ghata

Elle est d'eux. Entre elle et eux, il y a des tas de correspondances et, divas jusqu'au bout de leurs griffes doucement baroques, ils se comprennent, grands sphinx allongés au fond de très baudelairiennes solitudes. En 2013, la Circée des mots a consacré son 44e opus aux chats. Délicieux. Chacun cherche son chat, qu'il s'appelle Raspoutine, Monna Lisa ou Gourmet. Elle, elle l'a trouvé depuis longtemps, mais elle ne le dit pas. Malicieuse.

 

27 Élias Murr

La transfiguration de cet homme est d'anthologie. Il y a un avant et un après-attentat – celui qui a failli l'emporter lorsqu'il a enfin compris la nocuité du gang Assad. Alors, mieux vaut tard que jamais, il s'est mis au service de son pays. En a accepté les lois. En 2013, sa virginité politique s'est trouvée refaite, parfaite : il a été nommé président pour sept ans du Fonds d'Interpol pour un monde plus sûr : une belle idée. Redoutable.

 

28 Mireille Nassif

Brecht aurait adoré noyer ses yeux dans son regard et l'écouter parler. Elle a perdu son fils Paul : il avait 12 ans et les os bouffés par les nénuphars. Inouïe de dignité et de courage, elle cofonde Myschoolpulse. Pour que les malades de 5 à 18 ans soient scolarisés en plein hôpital. Pour qu'ils continuent de sourire. Comme elle. En 2013, elle a préparé un 5e centre tout en réfléchissant à un e-learning pionnier avec Nayla Fahed. Indomptable.

 

29 Élie Ferzli

Si une voyante lui avait prédit que 2013 serait l'année, enfin, des spots, des caméras et des conversations de salons où son nom revient douze fois par heure, il lui aurait ri au nez. L'ancien vice-président de la Chambre barbote depuis 2005 dans un vaste désert des Tartares. En donnant son nom à une loi électorale viciée jusqu'à la plus insignifiante de ses virgules, il a signé son come-back sur la scène politique. Absurde.

 

30 Baha Laham

Dans son regard, il y a des serpents qui sifflent. Dans ses jambes, des feux follets. Et dans ses poings, toute la noblesse et la pugnacité de la neige montréalaise. Il a 32 ans et il est fougueux comme une pagaille – c'est son surnom... En 2013, ce Canadien d'origine libanaise a boxé comme un jeune Cassius. Et a gagné. Il a le choix : continuer à rendre les rings plus beaux ou squatter les bancs de sa fac de droit. Ou les deux. Princier.

 

Voir aussi

Le Liban en 2013

Le monde en 2013

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 Darwiche / Succariyé

 
Dans un Liban sclérosé et misfit, aux mentalités empaillées, maudit des dieux et suicidaire, le geste de cet homme et de cette femme est quasiment équivalent à celui d'un Neil Armstrong sur la Lune. En réussissant à faire ce que des millions de couples font à travers le monde : ne pas se marier religieusement, ce couple a réalisé un exploit : sortir le...
commentaires (2)

Waouuuuw, on atteint des sommums! En somme, les bons sont ceux qui sont du coté de ziad makhoul et les mauvais sont ceux évidemment qui sont contraires à ligne éditoriale de ce journal! Bravo! oh oui, bravo! Non Là.. franchement vous méritez une médaille en or, hein! Bon début d'année 2014, c'est fini la fete.

Ali Farhat

14 h 56, le 03 janvier 2014

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Commentaires (2)

  • Waouuuuw, on atteint des sommums! En somme, les bons sont ceux qui sont du coté de ziad makhoul et les mauvais sont ceux évidemment qui sont contraires à ligne éditoriale de ce journal! Bravo! oh oui, bravo! Non Là.. franchement vous méritez une médaille en or, hein! Bon début d'année 2014, c'est fini la fete.

    Ali Farhat

    14 h 56, le 03 janvier 2014

  • Ziad Rahbani, "desesperant"? Le Hezb, "un collectif de mercenaires"? (soupirs......

    Michele Aoun

    14 h 17, le 03 janvier 2014

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