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Le Liban en 2013 - Rétro 2013

La culture en temps de crise se porte plutôt bien, merci

Dans rétrospective, il y a « rétro » et « perspective ». Deux contraires qui illustrent bien la schizophrénie foudroyante du pays du Cèdre. Entre difficultés économiques et sécuritaires, une région au bord du gouffre, l'art se profile plus que jamais comme une expression sociale, humaine et politique. Reflet de la brutalité de l'histoire contemporaine, du chaos, de l'exode, qu'a fait la culture en 2013 ?

Un peu commerce, un peu distraction, un peu défoulement, pas vraiment mange-pain, pas vraiment service public, pas vraiment éducation, pas vraiment (du tout ?) service de l'État (depuis trop longtemps, la culture et l'art ne sont plus considérés comme une pièce du gâteau ministériel).

Chaque changement d'année impose son lot de bilans. Vue à travers le rétroviseur, l'année 2013 est comme un verre à demi plein ou demi vide. C'est selon.

 

Les optimistes y verront :

- une année musicalement vôtre. À commencer par le Festival al-Bustan, qui soufflait en février ses vingt bougies sous l'emblème « Ce monde a besoin de musique » et a terminé avec Beirut Chants, 6e festival de musique sacrée qui vient de clore ses 22 concerts dans les églises de Beyrouth ;

- un théâtre beaucoup plus audacieux. Sur les planches, on lève le tabou sur le sexe dans tous ses états : exercices au lit, investigations de la séduction, des problèmes de couple... Avec le tout dernier Ka3b 3ali (Talons aiguilles) de Jacques Maroun, interdit aux moins de 18 ans, ou Machekel jinsiyyeh (Problèmes sexuels) de Chaker Abou Abdallah, ou encore Habibti rja3i 3al takht (Chérie reviens au lit). À côté de ces polissonneries, Alain Plisson persiste et signe Le Huis clos de Sartre et Le Roman d'un tricheur de Guitry. Dans un registre plus intello, on retient l'œuvre de la troupe Zoukak et ses variations caustiques sur Ibsen, l'invention du théâtre avec pour personnage principal et unique une page Facebook, pensée et exécutée par le duo Lina Saneh et Rabih Mroueh. À bas les tabous politiques dans Le Dictateur, pièce de Issam Mahfoud, mise en scène par Lina Abiad, ayant décroché le 1er prix du Festival de théâtre arabe à Doha. 2013 aura également signé le retour de dame Nidal Achkar sur les planches, mère courage dans une pièce noire de noire, mise en scène par Nagy Souraty ;

- dans le domaine de l'art pictural, les édifiantes rétrospectives du Beirut Exhibition Center font date et permettent au public de faire connaissance de manière didactique avec de grands artistes comme Huguette Caland, Chaouki Chamoun, Paul Guiragossian, Marwan... À noter également une inédite et intéressante exploration du patrimoine artistique libanais par les générations montantes à l'initiative des curatrices Janine Maamari et Marie Tomb. Et une démystification de certains tabous, de certains personnages dans les travaux des artistes comme Lamia Abillamah dans ses « Portraits de politiciens » (galerie Tanit). Et Yazan Halwani, artiste issu du Street Art qui fait ricaner les murs de Joumhouriat el-mawz.

Au Beirut Art Center, l'exposition de Jean-Luc Moulène, d'Éric Beaudelaire et des nouveaux talents dans Exposure 2013 a attiré du monde. Beirut Art Fair, également, avec ses 3 000 œuvres étalées sur 4 000 m2 au BIEL.

 

Parmi les nouveautés : la Metropolitan Art Society qui ouvre ses portes aux stars de l'art contemporain. « Station », un nouvel espace culturel et multidisciplinaire à Jisr el-Wati, inauguré avec une exposition de Maripol, réalisatrice et photographe du Tout New York.

 

La photographie semble s'intellectualiser entre les mains des photographes comme Rima Maroun, Lara Tabet, Chafa Ghaddar, Chahig Arzoumanian, Racha Kahil. Elle se monte et démonte avec le collectif Atfal Ahdath.

- L'art conceptuel  et l'art « cérébral » se portent bien grâce à Walid Raad et Akram Zaatari qui a représenté le Liban à la 55e Biennale de Venise, porté par Apeal.

 

En 2013, on a pu rire de bon cœur avec Joe Kodeih qui joue au JoCon, Nemr Abou Nassar, qui apparaît épisodiquement sur la scène du DRM, Yass et ses dons du rire pour la bonne cause.

- En littérature, le prix de l'invité choc de l'année revient sans doute à Wajdi Moawad, convié au Festival du printemps de Samir Kassir. Les radars de l'écriture signalent la création d'un Pen Club Liban, le lancement de la Maison internationale de l'écrivain à Beyrouth, un Salon du livre francophone réussi, semble-t-il, avec des invités de marque comme les membres du jury Goncourt.

Face aux institutions culturelles bien établies, des émergences, comme « Youkounkoun », « 392Rmeil » (dans un pavillon de palais sursockien), « Plan Bey »... des lieux un peu underground où se tiennent signatures, rencontres, expositions...

 

Et d'un lieu qui semble avoir toutes les raisons pour devenir culte : le Métro al-Madina où la pièce Tarik Jdidé de Yéhia Jaber casse les baraques et les zygomatiques. Et où également la revue de danse et de chants « chaabi » Hichik bichik joue les prolongations depuis des mois.

 

Sur le calendrier 2013, le retour des Jeunesses musicales du Liban et la création d'un musée d'art moderne et contemporain (Macam) à Alita (Jbeil), suite à une initiative privée, évidemment...

 

Sans oublier l'art pour la bonne cause, avec Syri-Arts Beirut, une exposition-vente d'art au profit des enfants syriens réfugiés au Liban.

 

À l'étranger, les artistes libanais ont eu la cote : la grande rétrospective de Salwa Raouda Choucair au Tate de Londres est à marquer d'une pierre blanche. Le Liban était également à l'honneur au 15e Salon du livre de Québec, au 22e Salon de Charjah, au 3e festival Photomed. Une présence de la chorale de l'Université antonine, dirigée par le père Toufic Maatouk et la chef d'orchestre Joanna Nachef au Carnegie Hall. Une intéressante participation libanaise à Marseille, capitale européenne de la culture.

 

Côté festivals d'été, Baalbeck, délocalisé à la magnanerie de Jdeideh, amputé de son lieu prestigieux, sans ses divas annoncées, Renée Fleming et Marianne Faithfull, et avec partie remise également pour Assi Hellani, a quand même tenu le pari... d'exister.

Beiteddine 2013 a assuré une 28e édition envers et contre tout, et en ajoutant même un concert qui réanime les échos musicaux venus de Syrie.

Byblos 2013 a proposé un mois de concerts antidotes avec une défection, celle de l'Américain Ceelo Green.

Zouk, égal à lui-même, a eu un absent : Pascal Obispo.

 

Dans ce bilan, les pessimistes ne manqueront pas de signaler que nous venons de perdre une galerie en cette fin d'année mitigée. « The Running Horse » a en effet fermé ses portes.

Ces âmes grincheuses relèveront aussi le manque d'enthousiasme du public pour les créations théâtrales bien pensantes. Quand c'est du Harold Pinter en arabe, les salles sont vides. Ils n'outrepasseront pas les démêlés des artistes avec dame Anastasie. La pièce bien nommée Bto2ta3 aw ma bto2ta3 (Passera, passera pas ?) n'est finalement jamais passée sur scène.

Et les annulations en vrac : Creamfields, le plus grand festival de musique électronique, le Festival de jazz de Beyrouth, les artistes ou les écrivains absents à l'appel... Bon, arrêtons là les lamentos et laissons le rideau tomber sur 2013. Rendez-vous en 2014. Pour une meilleure perspective, on l'espère.

 

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Ils nous ont quittés

2013 aura vu la disparition du diplomate, écrivain, avocat et bibliophile Camille Aboussouan, de la reine du qanoun Imane Homsy, du dramaturge Yaacoub Chedraoui et du grand Wadih el-Safi.

Un peu commerce, un peu distraction, un peu défoulement, pas vraiment mange-pain, pas vraiment service public, pas vraiment éducation, pas vraiment (du tout ?) service de l'État (depuis trop longtemps, la culture et l'art ne sont plus considérés comme une pièce du gâteau ministériel).
Chaque changement d'année impose son lot de bilans. Vue à travers le rétroviseur, l'année 2013 est...

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