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Moyen Orient et Monde - Scandale

Un « séisme » politique bientôt en Turquie ?

Erdogan toujours fragilisé malgré le remaniement ministériel ; la famille du PM pourrait être touchée par le scandale de corruption qui ébranle le pays.

Certains médias estiment que la querelle entre Recep Tayyip Erdogan et son ancien allier devenu son pire ennemi, l'influent prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis, risque de s'envenimer. REUTERS/Umit Bektas

Malgré le vaste remaniement annoncé mercredi, le scandale de corruption qui ébranle Recep Tayyip Erdogan ne semblait pas retomber.


Plusieurs journaux mettaient l'accent hier sur le risque de voir s'envenimer la querelle entre le Premier ministre et son ancien allier devenu son pire ennemi, l'influent prédicateur Fethullah Gülen, exilé aux États-Unis, à la tête d'une puissante confrérie. En outre, l'enquête sur le scandale de corruption se rapproche du premier cercle de M. Erdogan. Selon le journal Milliyet, le Premier ministre a confié que les procureurs instruisant la vaste enquête sur les fraudes, trafic d'influence et malversations envisageaient de remonter jusqu'à ses propres fils, à la tête de grandes entreprises, et de là, jusqu'à lui-même. « La cible principale de cette opération, c'est moi », a-t-il affirmé. Le quotidien d'opposition Cumhurriyet prédisait pour sa part un « séisme » au sommet de l'État alors que les enquêteurs se penchaient sur le rôle d'une ONG, associée au nom de son premier fils Bilal, qui serait impliquée dans le scandale de corruption.


Un procureur turc a en outre affirmé hier qu'une nouvelle phase de l'enquête sur la corruption à grande échelle qui ébranle le gouvernement avait été bloquée, dénonçant des pressions sur le système judiciaire. Selon des informations parues mercredi dans plusieurs médias turcs, le procureur Muammer Akkas a ordonné l'interpellation d'une trentaine de personnes supplémentaires, dont des députés et des hommes d'affaires, dans le cadre de l'enquête à tiroirs pour corruption qui éclabousse le pouvoir islamo-conservateur. « Malgré une réunion avec les responsables de la police d'Istanbul qui auraient été en charge de cette opération, j'ai découvert que la décision du tribunal et les mandats d'arrêt n'avaient pas été exécutés », a-t-il déploré.


Pour mémoire, M. Erdogan avait annoncé le remplacement de près de la moitié de son gouvernement après la démission de trois ministres (Intérieur, Environnement, Économie) mis en cause dans ce scandale politico-financier. Le 24 décembre, selon la presse, le procureur en chef d'Istanbul a ordonné la mise en détention d'une trentaine de personnalités proches du régime dans le cadre d'une nouvelle affaire de corruption. Mais les autorités de police ont refusé de procéder à de nouvelles arrestations, et le procureur n'a pu que décider d'engager des poursuites contre eux, signe de l'épreuve de force entre M. Erdogan et la classe politico-judiciaire.


Plusieurs des nouveaux ministres se sont retrouvés pour la première fois autour d'une table hier sous la conduite du chef de l'État Abdullah Gül, à l'occasion d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité nationale (MGK) qui établit les grandes lignes de la politique nationale et internationale de la Turquie. Parmi eux, celui de l'Intérieur, Efkan Ala, un proche conseiller de M. Erdogan, qui, selon l'opposition, doit compléter la vaste restructuration du commandement de la police visant à le rapprocher du gouvernement. Erdogan « a formé un gouvernement qui ne lui manifestera aucune opposition », a estimé Kemal Kiliçdaroglu, chef de file du camp laïc au Parlement (CHP, Parti républicain du peuple). Il ne doute pas que le Premier ministre soit désormais fragilisé par ce scandale déclenché le 17 décembre par l'arrestation de ses proches. « Le Premier ministre a formé un cabinet presque tout neuf et a retroussé ses manches pour affronter l'un des plus grands défis de sa carrière », estimait hier Abdulkadir Selvi, chroniqueur au journal progouvernemental Yeni Safak.

 

Pas de trêve
Les observateurs font le lien entre les remous actuels et l'affrontement entre M Erdogan et Fethullah Gülen. Selon les experts, la guerre fratricide entre islamistes ne peut désormais que s'envenimer après la décision en novembre du gouvernement de fermer les « dershane », ces boîtes à bac principales manne financière de la confrérie Gûlen. « Il n'y aura pas de trêve. Au contraire, cette guerre deviendra de plus en plus violente pour virer à un combat de survie pour chacune des parties », souligne Rusen Cakir, éditorialiste libéral spécialiste du Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan et de la congrégation Gülen.


Dans la rue, des manifestations appelant à la démission du gouvernement ont eu lieu mercredi soir dans plusieurs villes. À Istanbul, près de 5 000 protestataires ont été dispersés par la police après des incidents dans le quartier de Kadikoy, sur la rive asiatique d'Istanbul. Les manifestants ont scandé des slogans hostiles à Erdogan, exhumant ceux utilisés lors de la vague de contestation sans précédent qui a secoué le pays en juin. Des appels à manifester ont également été lancés pour aujourd'hui à Istanbul et Ankara. De l'avis général, l'enquête anticorruption en cours et ses ramifications politiques pourraient effriter le soutien populaire dont jouit l'AKP, sans pour autant le menacer dans l'immédiat, à l'approche d'une année électorale avec des municipales test en mars et une présidentielle en été.

 

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