Les voitures piégées et les attentats-suicide ne sont plus des prévisions ou une vue de l'esprit, mais font désormais partie du quotidien des Libanais.
Après le double attentat dimanche soir contre deux barrages de l'armée dans la région de Saïda, c'était, hier, les environs de la localité de Sbouba qui ont été le théâtre de l'explosion d'une voiture piégée à un croisement qui va soit vers Laboué et Kaa, soit vers le Hermel. L'enquête – qui n'est pas finie – a pour l'instant conclu que la voiture était piégée avec 60 kg de matières explosives, mais qu'elle a sauté avant d'atteindre son objectif, parce qu'elle avait été repérée par des éléments du Hezbollah présents dans le secteur. La charge aurait été actionnée à distance en toute précipitation après que la voiture eut suscité l'attention. Sur sa destination définitive, les interprétations divergent. Pour les uns, il s'agissait de faire sauter le poste de surveillance du Hezbollah situé à 500 mètres du lieu de l'explosion. Pour d'autres, la voiture était destinée à exploser à Kaa, pendant le cortège funèbre du sergent-chef Samer Rizk tué à Saïda et dont les obsèques étaient prévues pour hier après-midi. Les éléments trouvés dans la carcasse de la voiture devraient permettre aux enquêteurs de trouver rapidement de nouveaux indices. Mais il est certain que c'est la première opération du genre dans cette région en principe sous contrôle du Hezbollah.
Les sources de sécurité libanaises estiment toutefois qu'en dépit des efforts multipliés par dix des services concernés, il ne faudrait pas s'étonner de voir une prolifération des incidents de ce genre au cours des semaines, voire des mois prochains. Le Liban est véritablement entré dans une situation « d'irakisation », avec l'afflux de combattants extrémistes venus de Syrie et difficilement contrôlables. Ce qui aurait dû être une confrontation limitée à ces combattants et au Hezbollah, surtout après l'approfondissement du fossé entre la formation chiite et certaines cellules saoudiennes, est en train d'englober l'armée libanaise, devenue elle aussi une cible privilégiée des takfiristes, sous prétexte qu'elle serait dominée par le Hezbollah, mais en réalité, parce qu'elle cherche à assurer la stabilité du Liban et la sécurité des Libanais en accomplissant, autant que possible, son rôle aux frontières et contre les éléments armés. Les sources de sécurité font d'ailleurs le lien entre l'apparition du phénomène des attentats-suicide et des voitures piégées au Liban et les développements en Syrie ainsi que l'approfondissement du conflit entre certains dirigeants saoudiens et le Hezbollah. À cet égard, les mêmes sources s'arrêtent sur les accusations directes lancées par le secrétaire général du parti chiite contre les dirigeants wahhabites, qui ont surpris les milieux politiques et diplomatiques, d'autant que Hassan Nasrallah se montre en général soucieux de maintenir un lien avec ses rivaux et adversaires, surtout s'ils sont libanais ou musulmans.
Les sources précitées précisent ainsi que la décision de dénoncer clairement certains courants en Arabie saoudite est intervenue après la découverte d'indices clairs impliquant des parties saoudiennes dans les attentats à la voiture piégée dans la banlieue sud. Ayant en main les éléments de l'enquête menant vers des groupes takfiristes qui seraient venus de Yabroud (dans la région de Qalamoun, en Syrie) vers la région de Ersal, avant de se déplacer dans le reste du pays, Hassan Nasrallah a sciemment pointé du doigt ces parties saoudiennes d'abord parce qu'il ne pouvait plus se contenter d'accusations vagues devant ses propres partisans et devant les habitants de la banlieue sud qu'il appelait à la patience et au sacrifice. En même temps, les sources de sécurité sont convaincues que le secrétaire général du Hezbollah en a discuté avec les autorités iraniennes, surtout que ces événements sont intervenus à un moment particulièrement délicat pendant lequel l'Iran était en train de conclure un accord avec la communauté internationale sur son dossier nucléaire, tout en multipliant les ouvertures en direction des pays du Golfe et en particulier de Riyad. Il s'agirait donc d'une action coordonnée, le Hezbollah, qui est la principale cible des attaques takfiristes dénonçant leurs protecteurs, et l'Iran jouant la modération.
Mais l'élément majeur qui a poussé Hassan Nasrallah à être aussi franc dans ses accusations est le fait qu'il a conscience d'un plan systématique pour encercler le Hezbollah sur le terrain, en cherchant à couper la Békaa de Beyrouth et du Sud. Ce n'est pas un hasard géographique si les foyers supposés des groupes extrémistes se situent autour de Ersal dans la Békaa du Nord, dans les camps palestiniens autour de Beyrouth, dans la région de Naamé sur la route côtière du Sud, ainsi qu'autour et dans le camp de Aïn el-Héloué à Saïda, de manière à isoler les uns des autres les différents fiefs de la résistance dans la Békaa, dans la banlieue sud et au Sud. Le Hezbollah ne peut pas rester les bras croisés face à un tel plan visant à le neutraliser et il a décidé de l'affronter à sa manière, par le biais notamment d'une mobilisation ciblée de l'opinion publique. En même temps, il mise sur les nouvelles dispositions du Qatar pour opérer des percées au sein du Conseil de coopération du Golfe et éviter ainsi son isolement. Le parti chiite est aussi convaincu que la politique actuelle d'hostilité totale à l'axe dit de la résistance de certains courants au sein de l'Arabie saoudite ne peut pas se prolonger et deviendra rapidement intenable, car elle va à l'encontre de la nouvelle tendance régionale et internationale. La volonté du Qatar de renouer le dialogue avec lui n'en est que le premier indice...
Après le double attentat dimanche soir contre deux barrages de l'armée dans la région de Saïda, c'était, hier, les environs de la localité de Sbouba qui ont été le théâtre de l'explosion d'une voiture piégée à un croisement qui...
DEUX ISTES... DEUX ÉQUIVALENCES... EMPOISONNENT LE PAYS !
15 h 13, le 19 décembre 2013