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Jumelages d’infortune

Qui sème le vent récolte fatalement la tempête : le plus triste étant que les éléments déchaînés ne sévissent pas contre les seuls fauteurs de cyclones. Ils frappent aussi les populations innocentes : dommages froidement qualifiés de collatéraux et qui pèsent bien peu dans les calculs des commanditaires.

C’est un bond qualitatif dans la course à l’horreur, l’avènement d’une nouvelle règle du jeu, que traduit, à l’évidence, le double attentat-suicide de mardi. En même temps en effet qu’elles fauchaient criminellement nombre de vies et semaient la destruction, les explosions de Jnah ont fait voler en éclats plus d’un de ces mythes destructeurs qui, dans cette partie du monde, tiennent lieu d’idéologie.

C’est pour conjurer le spectre d’une guerre opposant des Libanais sur le sol national qu’un Hezbollah visiblement à court d’arguments affirme combattre en terrain syrien. La milice est même allée jusqu’à inviter ses adversaires locaux à suivre son exemple, comme s’il ne s’agissait que d’aller disputer un match amical de football chez le voisin ! Or c’est un fléau d’un autre genre, mais non moins épouvantable, qu’a inévitablement attiré cette équipée sur le pays tout entier, à commencer par le Hezbollah lui-même et ses sanctuaires. Par une sombre ironie, crie aujourd’hui au terrorisme une formation au passé fort chargé et qui figure d’ailleurs (c’est du moins le cas – indulgente nuance – pour sa branche militaire) sur la liste noire de l’Occident.

Plusieurs paliers plus haut, et pour la première fois depuis le début de la rébellion en Syrie, c’est le patron iranien, et non plus son seul protégé libanais, qui s’est trouvé directement visé par le biais de son ambassade à Beyrouth. Voilà qui met fin à l’immunité sécuritaire dont jouissait la République islamique qui soutient Bachar el-Assad tout en se défendant d’intervenir dans les combats. Des décennies durant, l’Iran a été accusé de parrainer le terrorisme ; par la même ironie, voici qu’il en est, à son tour, la victime.

Là s’arrête cependant la comparaison. Car c’est avec une surprenante légèreté que des dirigeants du Hezbollah, et avec eux les autorités syriennes, ont imputé sur-le-champ à l’Arabie saoudite la responsabilité de ce mardi noir : ce qui, dans l’actuel échauffement des esprits, revenait à désigner les citoyens ou la représentation diplomatique de ce royaume à d’éventuelles représailles. C’était plus qu’il n’en fallait, en tout cas, pour que Riyad rappelle en hâte ses ressortissants séjournant chez nous. Tout autre aura été la réaction des Iraniens qui ont mis en cause Israël. Et qui, sans jamais renier leur engagement aux côtés de Damas, ont fait de la sécurité du Liban et de l’Iran un tout indissociable.

Or c’est à deux lectures absolument contradictoires que se prête une telle assertion, qui rappelle fâcheusement le maître slogan de l’occupation syrienne. Faut-il y voir en effet les prémices d’une stratégie plus prudente dans un Liban où nul désormais n’échappe au handicap de la vulnérabilité ? Une volonté accrue de confronter sur place, par tous les moyens, un terrorisme jihadiste qui vient d’y prendre racine ? Et pour finir de quel Iran parle-t-on, celui du président Hassan Rohani en quête d’honorabilité internationale ou de l’ayatollah Khamenei qui vient de doucher à l’eau froide les négociations de Genève sur le programme nucléaire ?

Il est vrai qu’au milieu de tant de dérives, proprement suicidaires elles aussi, le Liban n’est plus à une incertitude près.

Issa Goraieb

Qui sème le vent récolte fatalement la tempête : le plus triste étant que les éléments déchaînés ne sévissent pas contre les seuls fauteurs de cyclones. Ils frappent aussi les populations innocentes : dommages froidement qualifiés de collatéraux et qui pèsent bien peu dans les calculs des...