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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Un (léger) parfum de justice

Elle traîne avec tant de constance la patte, elle se fait si souvent tirer l’oreille pour avancer, que lorsqu’il arrive à la malheureuse de faire un petit, tout petit effort, on ne peut que lui décerner, à titre d’encouragement, un bon point. Et même deux, en l’occurrence.

Car lundi était un jour inhabituellement faste pour la justice libanaise. Et d’un : le parquet requiert l’arrestation, pour détournement de fonds, du secrétaire général du Haut-Comité de secours, organisme ayant pour mission, comme son nom l’indique, de venir en aide aux sinistrés, déplacés et autres victimes libanaises d’éruptions naturelles ou guerrières. Il est de triste tradition, dans notre pays, que de tels fonds, malgré leur noble vocation, fassent invariablement l’objet de prévarications. Cette fois cependant, le gestionnaire en chef, un général à la retraite, ne semble pas avoir piqué dans la caisse mais s’être seulement prêté, avec son épouse également arrêtée, à un transfert de dix millions de dollars sur un compte que possède leur fils en Biélorussie : vulgaire opération de blanchiment d’argent, une parmi mille, et dont les vedettes n’ont finalement chuté que parce qu’elles se sont soudain trouvées à court de protection ...

Infiniment plus grave et complexe, compte tenu de la situation explosive régnant à Tripoli, est cependant la seconde (et double) démarche du parquet, qui vise en effet Ali Eid et son fils Rifaat, les deux chefs de la communauté alaouite de cette ville. Le premier est soupçonné d’avoir organisé l’exfiltration, vers la Syrie, des auteurs d’attentats à la voiture piégée récemment perpétrés contre deux mosquées sunnites dans la capitale du Nord. C’est ce qu’a reconnu le convoyeur lui-même, chauffeur personnel de Eid père, devant ses interrogateurs des renseignements de l’armée. C’est ce que contestent évidemment l’intéressé et, avec plus de véhémence encore, son rejeton : car non content de faire insulte à l’institution en l’accusant, dans une conférence de presse télévisée, d’avoir arraché de tels aveux sous la torture, ce dernier est allé jusqu’à légitimer toute atteinte à la vie des maîtres barbouzes des Forces de sécurité intérieure. En somme, les Eid ne reconnaissent d’autre autorité que celle de Bachar el-Assad dont les portraits ornent d’ailleurs la permanence de leur parti ; par voie de conséquence, ne trouvent grâce à leurs yeux d’autre police secrète que les Moukhabarat syriens à la réputation sans tache.

Le cas Ali Eid est désormais du ressort d’un tribunal militaire dont la célérité n’est pas toujours le point fort, comme observé notamment dans l’affaire d’un complot terroriste syrien dans lequel se trouvé impliqué un ancien ministre. De convocation en sommation de comparaître, c’est un mandat d’arrêt en règle que l’on attendait hier ; manque de pot : malencontreusement souffrant, Eid père ne s’est pas présenté devant les enquêteurs et ceux-ci doivent maintenant attendre d’être fixés sur son réel état de santé avant d’aviser.

Non moins étranges, et même surréelles, sont les lenteurs de la procédure en ce qui concerne Eid junior. La police judiciaire a été chargée en effet de scruter à tête reposée, avec toute l’attention nécessaire, la bande vidéo de l’incendiaire conférence de presse, qu’ont suivie avec effarement, sur le petit écran, des millions de citoyens. Qui va piano va sano, quoi.

Étrange enfin, le silence observé à ce sujet par le ministre de la Justice, qui a laissé à son collègue de l’Intérieur le soin de constater qu’il y avait bien incitation au meurtre, et donc matière à poursuites, dans l’incroyable diatribe de samedi dernier.

Pour le coup, trêve de bons points !

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Elle traîne avec tant de constance la patte, elle se fait si souvent tirer l’oreille pour avancer, que lorsqu’il arrive à la malheureuse de faire un petit, tout petit effort, on ne peut que lui décerner, à titre d’encouragement, un bon point. Et même deux, en l’occurrence.Car lundi était un jour inhabituellement faste pour la justice libanaise. Et d’un : le parquet...

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