La semaine dernière, le photographe Abed Hakawati a reçu une lettre de l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL), lié à el-Qaëda : « As-tu encore ta tête sur les épaules? Eh bien, je jure qu’elle sera coupée, ce qui te donnera un visa pour l’enfer. » Arrêté deux fois par le régime et blessé à trois reprises depuis le début du soulèvement, ce photographe originaire de Hama travaillait jusqu’à ces dernières semaines à Raqa, dans le nord de la Syrie. « Je n’avais jamais pensé à quitter la Syrie et franchement je n’avais pas peur. Maintenant avec ces mercenaires qui se cachent derrière leur barbe, mon cœur s’emplit d’effroi et je pense à me suicider », confie-t-il.
Un ami de Abed Hakawati habitant Raqa, le journaliste citoyen Mohammad Nour Matar, a été enlevé en août par l’EIIL. Le frère de ce dernier, Mezar, s’est réfugié en Turquie voisine, comme des dizaines de militants ayant fui les persécutions de l’EIIL. Il explique que pour ces jihadistes, « ceux qui travaillent dans les médias collaborent avec l’Occident ».
En enlevant les journalistes étrangers venant dans les zones rebelles et en s’en prenant aux journalistes citoyens syriens, el-Qaëda cherche à faire le black-out sur ses actions. À Raqa, tombé en mars aux mains des rebelles, les journalistes citoyens ont d’abord pu travailler librement. Mais au fil des mois, l’EIIL a pris l’ascendant et a commencé à enlever et torturer des dizaines de jeunes Syriens.
Ce comportement est une aubaine pour le régime. Interrogé sur les raisons pour lesquelles l’armée ne tentait pas de reprendre la ville, un général a répondu : « Pourquoi faire? Nous voulons que Raqa serve d’exemple à la population qui sympathise avec les rebelles. »
Au-delà de Raqa, aucune région rebelle n’est à l’abri des menaces de l’EIIL. Dans un nouveau rapport, Reporters sans frontières (RSF) assure que cette organisation jihadiste est « responsable de la majorité des mauvais traitements subis par les citoyens, dont ceux qui travaillent dans les médias », dans les régions tenues par l’opposition comme Raqa, Idleb ou Alep. Selon RSF, le conflit syrien a coûté la vie à 110 personnes travaillant dans les médias, dont 25 journalistes professionnels, tandis que 60 sont détenus par le régime ou par des islamistes, selon RSF.
Lundi, le Centre révolutionnaire des médias a cessé ses activités à Raqa après l’enlèvement et la flagellation du journaliste citoyen Abdul Ilah al-Hussein. « Nous demandons aux habitants de Raqa de nous pardonner (...), la situation nous a submergés », a regretté l’organisation dans un communiqué.
Mais certains ont décidé malgré tout de rester à Raqa. Refusant d’être identifié, un jeune journaliste a affirmé : « Je vais essayer de faire de mon mieux et de rapporter ce qui se passe sur le terrain de manière professionnelle, bien que j’aie peur, surtout des enlèvements. »
(Source : AFP)
commentaires (2)
"Source" AFP biaisée, car même RSF admet que "Soixante Journalistes sont détenus par le Régime ou par des islamistes." ; Kifkif. CQFD....
Antoine-Serge KARAMAOUN
08 h 39, le 08 novembre 2013