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À La Une - Éclairage

Le spectre de la bataille de Qalamoun s’éloigne de Tripoli

Pour la seconde journée consécutive, le calme continue de régner à Tripoli, notamment autour des fameux « axes » ou lignes de front. Si la vie a presque repris normalement, même dans la rue de Syrie qui sépare Bab el-Tebbané de Jabal Mohsen, la tension reste grande et les habitants, échaudés, demeurent inquiets. Aux journalistes qui les interrogent, ils répondent avec une sorte de fatalisme que le 17e round s’est terminé, mais on ne sait pas quand commencera le dix-huitième !...


À Tripoli, nul n’ignore que le fond du problème n’est pas réglé, et tant que la ville sera à la merci des groupes armés, il ne peut pas être question d’un calme définitif. Les habitants interrogés avouent d’ailleurs ne pas comprendre les raisons du déclenchement des combats ni celles de leur arrêt. Les plus optimistes estiment que toutes les parties concernées ont compris que ces affrontements n’ont aucun horizon et qu’il y a une « ligne rouge internationale » autour de Jabal Mohsen qui empêche de déplacer, en cette période particulièrement délicate, une minorité tout entière en la poussant à l’exode, parce que cela aurait des répercussions sur d’autres minorités dans la région (la Turquie, par exemple, ferait partie de ceux qui refusent une attaque totale contre les alaouites de Jabal Mohsen). Par conséquent, poursuivre les combats ne servirait qu’à détruire Tripoli et Jabal Mohsen, sans permettre d’établir une nouvelle équation politique. De leur côté, les plus pessimistes préfèrent dire que les armes, les combattants et les fonds existent et le feu couve sous la cendre, ajoutant que la prochaine étincelle pourrait venir de nouvelles fuites dans l’enquête sur la double explosion des mosquées à Tripoli dans laquelle des alaouites de Jabal Mohsen seraient impliqués.


Toutefois, c’est un développement d’un autre genre qui a pu influer sur le retour au calme à Tripoli. Même si la capitale du Nord est assez éloignée de la région de Qalamoun en Syrie et qu’elle n’est pas directement impliquée dans la possibilité d’une bataille dans ce secteur, il est clair que l’ombre de Qalamoun a beaucoup pesé sur la ville, ces derniers temps. Mais selon des informations militaires sérieuses, la bataille de Qalamoun ne devrait pas avoir lieu dans l’immédiat. Cette zone stratégique qui s’étend autour de la capitale syrienne jusqu’à la frontière libanaise du côté de la Békaa constitue un enjeu très important aussi bien pour l’opposition syrienne, puisqu’elle lui permet de profiter de la profondeur libanaise de la Békaa jusqu’à Beyrouth et jusqu’au Nord, que pour les forces du régime, car si ce dernier parvient à la contrôler, il encerclerait pratiquement les combattants de l’opposition et les contraindrait soit à un combat désespéré, soit à la reddition.

 

(Pour mémoire : Entre Bab el-Tebbaneh et Jabal Mohsen, des Tripolitains "qui en ont marre")


Mais justement, parce qu’il s’agit d’un enjeu stratégique, le régime syrien aurait renoncé à mener cette bataille dans l’immédiat. Dans cette décision, il a pris en considération de nombreux facteurs : d’abord, la région de Qalamoun est une zone montagneuse et difficile d’accès, dont le contrôle serait très coûteux, en hommes et en armes. Si la bataille de Qousseir, dont la géographie est bien moins sauvage, a pris entre quatre et cinq mois, celle de Qalamoun devrait prendre bien plus. Il serait donc impossible de la commencer maintenant, surtout avec l’arrivée de l’hiver très rigoureux dans ces montagnes, qui rendrait impraticables la plupart des routes et isolerait les soldats, les rendant ainsi plus vulnérables aux assauts des forces de l’opposition.En tout cas, il n’y a aucune chance que cette bataille, une fois déclenchée, se termine en un mois ou deux.

 

Il faudra donc inévitablement attendre le printemps pour songer à la mener. De plus, si une offensive était lancée dans ce secteur par les forces du régime, il y a de grands risques que les combattants, pour la plupart membres de la Brigade de l’islam commandée par Zahrane Allouche et qui a ouvertement clamé son allégeance aux groupes extrémistes, viennent se réfugier au Liban, dans la région de Ersal. Ce qui devrait forcément provoquer une déstabilisation dans la Békaa et dans ses environs, que le Hezbollah voudrait éviter à tout prix. Il estime en effet que les développements en Syrie et dans la région, ainsi que sur le plan international, vont dans le sens de sa vision et de son approche.

 

Par conséquent, il n’est nul besoin de provoquer de nouveaux problèmes qui risqueraient de compliquer, si ce n’est de compromettre, les éléments positifs qui commencent à prendre forme. De même, le régime syrien considère que si elle est engagée maintenant, la bataille de Qalamoun ne se terminera pas de sitôt, et son issue n’est pas garantie à cause des données météorologiques. D’autant que les forces du régime sont convaincues qu’il n’est pas nécessaire de l’ouvrir maintenant, alors que l’armée régulière est en train d’enregistrer des victoires lentes mais régulières autour de la capitale, tout en cherchant à pacifier et à sécuriser les principaux axes routiers. Laisser les poches de Qalamoun ne constituerait donc pas une grande menace, surtout en hiver au cours duquel les déplacements seront difficiles pour tout le monde, aussi bien pour les soldats de l’armée que pour les groupes de l’opposition.


Pour toutes ces raisons, nul ne souhaiterait ouvrir la bataille de Qalamoun dans les mois qui viennent. Les combats devraient donc se poursuivre dans cette zone au rythme actuel, c’est-à-dire sans la grande offensive annoncée par les médias. Dans ces conditions, une flambée des nouveaux axes à Tripoli et Jabal Mohsen ne pourrait pas être utilisée dans le dossier syrien et, au final, ne servirait pratiquement à rien, si ce n’est à causer encore plus de destructions et à affaiblir l’État sans pour autant permettre aux groupes implantés dans la ville d’enregistrer une victoire sur les combattants de Jabal Mohsen. Pour l’instant donc, le statu quo arrange tout le monde. Ou presque.

 

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