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À La Une - Chirurgie

La reconstruction mammaire pour retrouver sa féminité et tourner la page du cancer du sein

À l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à la reconstruction mammaire, célébrée le 16 octobre, la Société libanaise de chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice (LSPRAS) insiste sur l’importance de cette intervention pour une femme, à la suite d’une mastectomie, pour retrouver sa féminité et son intégrité, mais aussi pour « mieux guérir du cancer ».

Résultat obtenu après une mastectomie totale, grâce à une reconstruction autologue microchirurgicale différée.  Photo Michel Moutran

La nouvelle est tombée comme un couperet. Carole avait 45 ans lorsqu’elle a été diagnostiquée d’une tumeur au sein. Mère de deux jeunes filles, avec un antécédent familial de cancer du sein, elle ne manquait pas son rendez-vous annuel avec la mammographie et l’échographie. Mais elle n’a pas pu échapper au mot fatidique.
Carole a dû subir une mastectomie. « Perdre un sein est un réel deuil, confie-t-elle. Je devais faire mon deuil avant l’opération. Je me regardais dans le miroir et je me disais que je ne serais jamais plus pareille. »


Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme, représentant près de 42 % de l’ensemble des tumeurs diagnostiquées, selon le Registre national du cancer 2007. Quelque 1 780 nouveaux cas de tumeurs au sein sont diagnostiqués chaque année au Liban, plus de 40 % des cas survenant chez des femmes âgées de moins de 50 ans.
Malgré l’incidence élevée de la maladie, rares sont celles qui ont recours à une reconstruction mammaire après une mastectomie, qu’elle soit partielle ou totale. En effet, moins de 10 % des patientes au Liban sollicitent cette intervention contre 25 à 30 % dans les pays développés. S’estimant heureuses d’avoir survécu à une « maladie maligne », elles préfèrent souvent poursuivre leur vie de femme avec un sein en moins.


« Il n’y a pas d’âge pour être femme, insiste le Dr Michel Moutran, spécialiste en chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice. La reconstruction mammaire n’est pas uniquement la réparation d’un préjudice esthétique. C’est une intervention qui contribue à la guérison du cancer, en permettant de tourner définitivement la page d’un événement douloureux. Elle permet à la femme de reprendre une vie normale en mettant de son côté toutes les chances, tant pour guérir que pour retrouver son corps de femme et son intégrité. »
Le Dr Moutran souligne dans ce cadre que des études internationales « évaluant la qualité de vie d’une patiente,
la survie à un cancer du sein, les taux de récidive et le retour à la vie normale et au travail montrent un énorme bénéfice pour la reconstruction mammaire contre l’abstention ».

 


Une affaire de luxe
Les principales causes qui empêchent le recours à une reconstruction mammaire restent souvent le manque d’informations sur cette perspective et la limite financière. « L’annonce de la maladie est tellement marquante avec un pronostic vital qui est engagé que tous les spécialistes chargés de la prise en charge du cancer du sein pensent, à juste titre, en termes de guérison, et la patiente n’a pas la perspective de l’après-cancer, souligne le Dr Moutran. À cela s’ajoute le facteur financier qui n’est pas des moindres. Le ministère de la Santé, la Caisse nationale de Sécurité sociale, les autres tiers payants et certaines assurances privées ne couvrent pas cette intervention. Malheureusement, on ne considère pas la reconstruction mammaire comme partie intégrante de la prise en charge du cancer du sein, contrairement aux pays développés. Dans notre pays, cette technique est encore considérée comme un luxe. De ce fait, elle est réservée aux femmes qui peuvent se l’offrir. Et c’est un réel problème, parce que nous avons des patientes qui désirent le faire, mais n’en n’ont pas les moyens. »


Sur le plan social et culturel, le cancer « reste dans nos sociétés tabou et associé à une maladie létale à laquelle on évite de donner un nom ». « En pensant au traitement, on ne pense qu’à se débarrasser de cette menace de mort qui plane au-dessus de la tête de la patiente, ajoute le Dr Moutran. Une fois la maladie vaincue, on estime qu’il ne faudrait pas risquer par une reconstruction mammaire une récidive. Or, toutes les études montrent que cette technique n’augmente pas les risques de récidive et que la femme dont le sein a été reconstruit a une meilleure survie. Donc, tout est en faveur de cette approche et c’est tout notre rôle en tant que plasticiens d’expliquer aux patientes ce qu’est vraiment une reconstruction et que celle-ci fait partie de la prise en charge de la maladie. »

 


Ne pas compromettre le traitement
Selon les cas, une reconstruction mammaire se fait soit immédiatement, soit en différé. « Autant je prône la reconstruction du sein, autant j’estime qu’il ne faut pas toujours insister à la faire immédiatement parce que la priorité reste la guérison du cancer en respectant les recommandations thérapeutiques, insiste le Dr Moutran. Le problème esthétique est certes important, mais notre intervention en tant que plasticiens ne doit pas compromettre la mise en place de toutes les thérapeutiques nécessaires pour obtenir la guérison du cancer. En d’autres termes, il ne faut pas que la reconstruction empêche une bonne mastectomie ni la chimiothérapie et la radiothérapie complémentaire. »
La reconstruction mammaire immédiate est ainsi idéalement proposée quand la tumeur est de petite taille, localisée, sans diffusion dans les ganglions. Quand ceci n’est pas le cas, une radiothérapie et chimiothérapie complémentaire sont souvent nécessaires. Celles-ci peuvent être perturbées par la présence d’une prothèse de reconstruction par exemple. De plus, le résultat de la reconstruction se dégrade si elle est soumise à la radiothérapie.
Le processus de reconstruction mammaire différée « peut être enclenché trois mois après l’arrêt de la radiothérapie », précise le Dr Moutran, ajoutant que dans certains cas la patiente se présente des années plus tard, essentiellement parce qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait bénéficier d’une telle chirurgie. La reconstruction reste alors possible avec la même qualité de résultats.


Il note en outre que « le sein est composé de l’enveloppe cutanée, du volume intérieur, de l’aréole et du mamelon. Quelle que soit la technique utilisée, l’aréole et le mamelon signent la fin du processus de reconstruction et confirment que c’est un sein et non une masse posée sur le thorax. L’enveloppe cutanée est importante pour obtenir l’aspect ptosé, déroulé et naturel du sein. Actuellement, même dans les cas où la reconstruction n’est pas possible d’emblée, on glisse au moment de la mastectomie un expandeur, c’est-à-dire une sorte de ballon gonflable. On se retrouve avec une zone plate au niveau du thorax qui va pouvoir bénéficier dans de très bonnes conditions de la chimiothérapie et de la radiothérapie, sans les compromettre. Dès que celles-ci sont terminées, on commence à gonfler l’expandeur avec du sérum pour restituer l’étui cutané et préparer la prochaine étape pour finaliser la reconstruction ».

Du sur-mesure
La technique adoptée sera dictée par le cancer en lui-même et la prise en charge complémentaire. « Notre travail doit se faire de pair avec les chirurgiens oncologues, les gynécologues, les oncologues médicaux, pour savoir d’emblée comment la prise en charge du cancer aura lieu et proposer par conséquent les techniques de reconstruction la plus adaptée », relève le Dr Moutran.


Carole a opté pour une reconstruction, pour « des questions surtout pratiques, parce que j’aime nager et je ne voulais pas me préoccuper des moyens de rembourrage », explique-t-elle. « Mais le résultat n’a pas été satisfaisant, déplore-t-elle. J’ai opté pour une prothèse, parce que c’était plus facile et moins douloureux. Avec toutes les chirurgies que j’avais subies, je ne pouvais pas envisager d’en subir encore une. Malheureusement, mon chirurgien ne se souciait pas de l’importance de cette reconstruction pour moi. Je ne représentais qu’un but commercial. Au fait, c’est la forme de la prothèse qui me gêne. J’ai même interrompu le processus de reconstruction. Je n’ai pas fait l’aréole et le mamelon. Si j’avais pu avoir un meilleur résultat, j’aurais été plus contente. » En bref, Carole n’aime pas l’image que lui reflète le miroir.


Or le but de la reconstruction mammaire est, selon le Dr Moutran, « de permettre à la femme de se regarder nue dans un miroir et de se sentir de nouveau femme ». Pour cela, « il s’agit de reconstruire un sein au plus près d’un sein normal en forme, en texture, mais aussi à la palpation ».


Le chirurgien plasticien note dans ce cadre que le choix de la technique est éclairé entre la patiente et son médecin. « Elle est adaptée à l’état de santé de la patiente, à sa morphologie et à son cancer », insiste-t-il. Et selon les cas (mastectomie partielle ou totale), les spécialistes disposent d’un arsenal de techniques allant de la reconstruction par des prothèses choisies sur mesure aux techniques autologues utilisant les propres tissus de la patiente sans prothèse. Celles-ci consistent à « utiliser un excès de peau et de graisse trouvées soit dans le bourrelet derrière le soutien-gorge, soit dans le bedon au niveau du ventre, la face interne de la cuisse ou les fesses ». Cet excédent va permettre de restituer le volume manquant tout en apportant un résultat naturel au plus près du sein d’origine.


Si l’aréole n’a pas pu être conservée, elle est reconstruite par un tatouage ou par une greffe de la peau. En ce qui concerne le mamelon, les spécialistes ont recours soit à une greffe partielle de mamelon controlatéral, soit à une plicature de la peau locale. « Pour nous, chirurgiens plasticiens, un sein reconstruit doit être le plus proche possible d’un sein normal, réitère le Dr Moutran. C’est un sein qui va permettre à la patiente de retrouver sa féminité. C’est à ce niveau qu’intervient le chirurgien plasticien qui est doté d’une vision esthétique. Aujourd’hui, beaucoup de patientes, ignorant ce qu’elles peuvent obtenir comme résultats, se satisfont de peu. Et les chirurgiens qui ne sont pas spécialisés en chirurgie esthétique n’ont pas les techniques nécessaires pour reconstituer un sein avec toutes ses caractéristiques propres. » Il est important donc que la patiente s’assure que le spécialiste est membre d’une société savante, en l’occurrence la LSPRAS.


Et le Dr Moutran de conclure : « Toutes les sociétés savantes recommandent une approche pluridisciplinaire du cancer du sein. Les spécialistes collaborent entre eux, chacun dans son domaine d’expertise pour que la patiente bénéficie d’une prise en charge optimale. Le chirurgien plasticien met son savoir-faire au service de la patiente porteuse du cancer du sein afin de l’aider à guérir, à se reconstruire et à retrouver son intégrité physique et morale. »

 

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