La carotte et le bâton : les voilà bien, les outils de travail préférés des puissances. De l’une comme de l’autre cependant, elles prennent généralement soin d’user avec prudence, modération, voire parcimonie.
Surprenant, et même choquant, est, dès lors, le bon point que délivrait l’autre jour le secrétaire d’État américain à Bachar el-Assad pour s’être plié en un temps record à l’obligation d’entamer la destruction de son stock d’armements chimiques. En faisant part de sa reconnaissance à la Russie pour la coopération dont elle a fait preuve dans cette affaire mais aussi, bien entendu, à la Syrie, John Kerry se sera montré encore plus lyrique dans ses épanchements que les experts de l’ONU chargés de superviser l’opération de démantèlement et qui ont poussé, eux, un très légitime ouf de soulagement.
Or ce monstrueux matériel voué à la casse, le président syrien ne s’en est pas spontanément dessaisi car pris d’un salutaire, encore que tardif remords, après avoir gazé ses concitoyens dans un moment d’égarement. C’est de sang-froid que le régime baassiste a lancé du sarin sur ces centaines de civils, dont de nombreux enfants, que l’on a vu se débattre, la bave aux lèvres, contre une mort atroce. Et il n’a fait que céder à la menace du gourdin qu’agitait l’Américain Barack Obama, qui a fini par renoncer aux violences de la physique pour se satisfaire, en bonne entente avec Vladimir Poutine, d’une percée sur le sulfureux terrain de la chimie.
Mais qu’advient-il donc de la bruyante détermination de l’Occident à traîner devant la justice internationale les responsables du carnage de la Ghouta ? Si l’on a bien compris John Kerry, on aurait bien mauvaise grâce de chercher des crosses à quelqu’un qui vient de manifester tant de bonne volonté. En poussant les choses un peu plus loin, on pourrait même croire que les bourreaux, maintenant qu’ils ont renoncé aux jeux interdits, sont parfaitement libres désormais de poursuivre le massacre en s’en tenant aux bons vieux procédés conventionnels que sont l’artillerie lourde, l’aviation et ces égorgeurs de chabbiha !
Le plus déconcertant cependant, dans tout cela, est l’historique des rapports qu’a entretenus le chef de la diplomatie US avec le dictateur syrien. Avant de succéder à Hillary Clinton à la tête du département d’État, John Kerry a présidé, des années durant, le comité sénatorial des Affaires étrangères. C’est à ce titre d’ailleurs qu’entre 2009 et 2011, il s’est rendu à cinq reprises à Damas pour s’y entretenir avec le dictateur syrien, gratifiant à chaque fois celui-ci de commentaires favorables. C’est le même homme pourtant que Kerry comparait tout récemment à Hitler. Et encore le même dont il salue maintenant l’esprit de coopération, après avoir été le plus véhément pour réclamer des frappes militaires contre la Syrie.
De la diplomatie, vraiment, que toutes ces gesticulations, contorsions et cabrioles, s’agissant de surcroît de la première puissance mondiale ? À l’heure où flottent encore sur la capitale syrienne des relents de gaz toxiques, s’impose un constat peu appétissant : il y a décidément trop de carottes dans les salades que sert l’Oncle Sam.
Surprenant, et même choquant, est, dès lors, le bon point que délivrait l’autre jour le secrétaire d’État américain à Bachar el-Assad pour s’être plié en un...