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À La Une - Éclairage

La France invite un député du Hezbollah

Alors que la classe politique passe son temps à essayer d’obtenir des indices sur l’étape future dans la région, une ouverture européenne discrète est en train de se faire en direction du Hezbollah. Il y a une semaine, le responsable des relations internationales au sein du Hezbollah, le Dr Ammar Moussaoui, s’est rendu en Italie pour participer à une conférence sur les relations entre les peuples et les États du bassin méditerranéen, ainsi que sur l’immigration clandestine et la lutte contre le terrorisme. Certes, le Hezbollah est régulièrement invité à participer à ce genre de conférences en tant qu’acteur important au Liban, voire dans la région. Mais le timing de ce rendez-vous lui donne une toute autre dimension.


De plus, c’est désormais au tour du député membre du bloc de la Résistance, Ali Fayad, d’entamer dès aujourd’hui une visite en France. Il a été invité officiellement pour participer avec deux de ses collègues, Samir el-Jisr et Ghassan Moukheiber, à un débat à l’Assemblée nationale française sur l’abolition de la peine de mort. La France milite activement pour cette abolition au sein de l’Europe mais aussi dans le monde, et les députés ont été sciemment choisis parce que les partis ou blocs qu’ils représentent ont une opinion précise sur le sujet. Mais selon une source parlementaire libanaise, ce n’est pas le président de la Chambre qui a choisi les députés devant participer à ce débat, comme cela se fait souvent. Les noms ont tout simplement été envoyés par l’ambassade de France au secrétariat du Parlement. Si le député Ghassan Moukheiber est connu pour son activisme en faveur des droits de l’homme et contre la peine capitale, et si Samir el-Jisr, en tant qu’ancien ministre de la Justice et en tant qu’avocat, a aussi une position plutôt favorable à cette abolition, le Dr Ali Fayad qui représente officiellement le Hezbollah y est hostile, le parti dont il est membre ayant à plusieurs reprises réclamé la peine capitale pour les espions libanais travaillant pour le compte d’Israël par exemple.


C’est donc sans doute pour entendre toutes les opinions et tenter de convaincre les récalcitrants que l’ambassade de France a choisi un éventail varié de députés libanais pour les inviter en France.
Mais en même temps, l’invitation adressée au Dr Fayad ne peut pas être simplement placée sous cet angle. S’il est vrai que l’Union européenne s’est empressée d’expliquer, après la mise de l’aile militaire du Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes, qu’elle continue de reconnaître la représentativité du Hezbollah en tant que formation politique, l’invitation du Dr Fayad en France reste une initiative peu banale, d’autant que la France a été l’un des pays les plus actifs pour convaincre les membres hésitants de l’Union européenne de placer la branche armée du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes.


Des milieux politiques y voient donc l’indice d’une ouverture française en direction du parti chiite à un moment où le climat général dans la région semble connaître des changements intéressants. Il y a eu ainsi le début d’un dialogue américano-iranien, dont on ne sait encore s’il aboutira à des résultats concrets, mais qui semble être l’ouverture d’une nouvelle étape. Il y a eu aussi la rencontre entre le président français François Hollande et son homologue iranien Hassan Rohani, ainsi que l’accord russo-américain sur les armes chimiques de la Syrie et l’éloge hier du secrétaire d’État américain, John Kerry, de la coopération du président syrien Bachar el-Assad dans la concrétisation de cet accord. Tous ces développements peuvent n’avoir aucun lien avec l’invitation française adressée au Dr Fayad, mais celle-ci peut aussi être l’occasion pour la France, très impliquée dans le dossier syrien, de sonder les intentions du Hezbollah sur la Syrie. D’autant qu’avant le départ des trois députés pour Paris, une réunion préparatoire a eu lieu à l’ambassade à Beyrouth et il a été question, entre autres sujets, de l’intervention du Hezbollah en Syrie. Le député Fayad aurait ainsi déclaré que l’intervention du parti en Syrie a rendu possible la conférence de Genève 2 en établissant une sorte d’équilibre dans les rapports de force sur le terrain. Elle aurait donc, en quelque sorte, favorisé l’orientation vers une solution politique, à laquelle les principaux pays de la communauté internationale appellent désormais.


C’est un argument qui aura peut-être du mal à convaincre les autorités françaises, mais le fait que celles-ci aient décidé d’entendre le point de vue du Hezbollah est en soi un élément positif. D’autant que selon le programme de la visite de quelques jours, des rencontres sont prévues au Quai d’Orsay, en plus de la conférence-débat à l’Assemblée. S’il est sans doute trop tôt pour parler d’un changement clair dans la position de l’Union européenne et en particulier de la France à l’égard du Hezbollah, on peut en tout cas considérer que ce souci d’entendre son point de vue sur certains dossiers délicats est un indice positif, surtout en cette période charnière où beaucoup d’hypothèses, assénées comme des vérités irréfutables, sont en train d’être remises en question à New York, à Genève, mais aussi dans d’autres capitales. En tout cas, cette visite se tient à un timing crucial et elle représente une occasion pour le Hezbollah de faire entendre son point de vue. Quant à savoir s’il sera écouté, c’est une autre affaire...

 

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