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À La Une - Le point

Nouri al-Maliki, en toute maladresse

Les chiites d’Irak n’en sont pas encore à réclamer, comme l’enfant grec de Victor Hugo, « de la poudre et des balles », mais cela ne devrait pas tarder. Pour l’heure, ils affirment ne vouloir « ni eau ni électricité, mais l’exécution des assassins de (leurs) enfants ». Près de 21 mois après le retrait américain, l’ébullition est là de nouveau – a-t-elle jamais disparu ? –, comme aux pires jours des années 2005-2007, avec son sinistre cortège de morts et de destructions ; avec, plus grave peut-être que le nombre de victimes, cette haine qui ne cesse de s’amplifier, faisant dire aux moins pessimistes des observateurs de la scène irakienne : « La guerre civile frappe aux portes. »
Plus de 40 victimes hier, 47 autres dimanche, un total de 800 depuis le début du mois et de 4 000 depuis avril. Lundi toujours, la ville kurde d’Erbil a été secouée par l’explosion de quatre véhicules piégés, faisant craindre, dans une province relativement épargnée depuis 2004, une spirale de représailles. Principales cibles : des marchés et des mosquées (de préférence le vendredi, jour où ces lieux de regroupement grouillent de monde), mais aussi des terrains de football et même des funérailles.
Dépassé par l’ampleur du cataclysme qui se prépare, le gouvernement de Nouri Kamal al-Maliki s’est distingué jusqu’à présent par une totale absence de réaction. Le soutien, jusqu’à une date récente, de Moqtada el-Sadr s’amenuise au fil des jours tandis que montent la grogne dans les rangs des parlementaires de la communauté chiite et avec elle la volonté de plus en plus manifeste, au niveau de la masse, de multiplier les contre-attaques. À Sadr City, jadis fief de la révolte contre l’occupant américain, les forces de l’ordre n’organisent plus des rondes régulières, remplacées par la présence d’hommes en noir qui font la loi et refusent de décliner leur identité, encore moins de fournir quelque précision, que ce soit sur leur commandement ou la nature de leur mission.
Si l’Armée du mahdi se maintient en réserve de la République, un autre dirigeant chiite a déclenché un vaste mouvement de mobilisation, destiné à étoffer les rangs de sa formation, les 3ssaeb ahl el-Haq. Fort de l’armement et des quelque 5 millions de dollars qu’il recevrait, dit-on, mensuellement de Téhéran, son chef, Qaïs el-Khazaali, ne fait plus mystère de ses attaches avec Maliki. Il y a des mois que ses hommes se battent en Syrie aux côtés de l’armée loyaliste, bien avant de manifester leur présence dans les rues de Bagdad et d’autres villes à prédominance chiite.
En prenant le risque d’ignorer désormais les miliciens sadristes pour se tourner vers ceux de la Ligue des vertueux (traduction de leur nom), le très contesté président du Conseil pourrait être en train de souffler sur les braises de la discorde interchiite née en 2004 lorsque Khazaali avait tourné le dos à Sadr pour faire cavalier seul, rejetant par la même occasion les avances de son ancien tuteur de rejoindre les rangs de la Brigade du jour, nouvellement créée par celui-ci.
Aujourd’hui, Maliki paie cher ses innombrables dérives et sa politique desitinée à contrecarrer toutes les tentatives visant à favoriser l’émergence d’un leadership sunnite avec lequel il aurait pu amorcer un dialogue sinon fructueux, à tout le moins susceptible d’éviter la confrontation. Au contraire, une loi a été promulguée qui a permis de mettre sur la touche des figures éminentes de la communauté minoritaire (près de 20 pour cent de la population), au prétexte que, du temps de Saddam Hussein, elles étaient affiliées au parti Baas, une accusation fortement contestée et pas seulement par les intéressés.
Dans le Kurdistan, les dangers sont encore plus menaçants, et les forces de l’ordre moins en mesure d’y faire face. Il y a peu, le chef de la police de Kirkouk, le brigadier-général Sarhad Qadir, avait eu cet aveu d’impuissance dans des propos repris par le journal en ligne Rudaw : « Rien ne peut empêcher les groupes armés d’attaquer où et quand ils veulent. »
S’agissant du Kurdistan, Serguei Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, rejoint en cela par le patriarche des chaldéens Louis Raphaël Sako, estime que cette région subit le contrecoup des affrontements armés en Syrie, en particulier ceux qui opposent jihadistes et Kurdes. En attendant une hypothétique solution, le référendum sur le statut de Kirkouk, prévu pour 2007, attend d’être organisé, et les élections locales qui devaient se dérouler en 2005 peinent à voir le jour ; à Bagdad, la population compte les heures qui la séparent de la prochaine explosion ; l’impasse politique autant que sécuritaire et économique grandit ; enfin, l’exode de certaines tranches de la population s’est transformé en ce qu’il faut bien qualifier – même si le mot est haïssable – de nettoyage communautaire.
Quant à M. Maliki, il sera bien marri le jour où il se trouvera confronté à trois Irak.
Les chiites d’Irak n’en sont pas encore à réclamer, comme l’enfant grec de Victor Hugo, « de la poudre et des balles », mais cela ne devrait pas tarder. Pour l’heure, ils affirment ne vouloir « ni eau ni électricité, mais l’exécution des assassins de (leurs) enfants ». Près de 21 mois après le retrait américain, l’ébullition est là de nouveau – a-t-elle jamais...
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