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À La Une - Le point

Le cinquième évangéliste

La crise des missiles de Cuba reste un cas d’école dont les moindres péripéties sont enseignées dans les instituts d’études politiques et les académies militaires. Née de la découverte de missiles soviétiques SS-4 en cours d’installation sur l’île, elle aura mené le monde, deux longues semaines durant (14-28 octobre 1962), au bord du gouffre de la guerre, évitée de justesse grâce à la maestria de John F. Kennedy et à la « dream team » l’entourant, ainsi qu’à un Nikita Khrouchtchev moins enclin aux coups d’éclat que ne le laissait entrevoir le scandale de la chaussure à l’Assemblée générale de l’ONU, deux ans auparavant.


Plus d’un demi-siècle plus tard, on peut se hasarder à avancer sans risque de se tromper que le tango diplomatico-militaire du président américain – un pas en avant, deux pas en arrière – figurera lui aussi au cursus des mêmes écoles dans un chapitre que l’on intitulerait : « Ce qu’un homme d’État doit éviter de faire s’il ne veut pas démériter de l’histoire. »


À moins que, l’hypothèse mérite d’être envisagée, nous n’ayons été victimes d’un de ces tours d’illusionniste auxquels nous ont habitués les hommes politiques. Suivez le scénario : après un départ en trombe, le sprinter Barack Obama freine des quatre fers, lâché par un allié britannique indéfectible en d’autres temps. Et tant pis pour François Hollande, abandonné au milieu du gué alors qu’il se voyait confirmé, après l’expédition malienne, en foudre de guerre. La Maison-Blanche fait savoir qu’elle préfère s’en remettre au Congrès lequel, comme on le constate au fil des jours, est loin d’être acquis à ses vues guerrières (au fait, est-il vraiment partisan de la manière forte comme il a voulu le faire croire ?). Les interviews diffusées hier en soirée sur six chaînes de télévision et même l’adresse à la nation prévue aujourd’hui mardi, dans lesquelles il plaide sa cause, ne sauraient théoriquement infléchir la décision des parlementaires, plutôt hostiles, pas plus que celle de l’homme de la rue : près de 70 pour cent d’Américains sont opposés à une frappe militaire, soit la même proportion qu’en France . Dès lors, il ne restera plus qu’à en tirer la leçon, tout comme David Cameron l’avait fait, faisant perdre à son aîné et allié sa feuille de vigne. D’où, concluent ces voyants extralucides, la perche tendue en week-end par John Kerry à Bachar el-Assad : « Livrez votre arsenal chimique si vous voulez éviter l’action militaire », accompagnée de l’évocation d’un règlement du conflit syrien « qui ne peut être que politique ».


Une construction de l’esprit que tout cela ? Pas tant que ça, à voir la louable célérité dont a fait montre le Kremlin en invitant son protégé syrien à donner une suite favorable à « l’offre » américaine et l’accueil à la limite de l’enthousiasme que lui a réservé Walid Moallem...


Bien entendu, le chef de l’exécutif US pourra toujours passer outre un éventuel « non » des deux Chambres. Mais ce faisant, il les aura braquées inutilement, dangereusement même quand on songe que, le dossier domestique restant de loin le plus important aux yeux de l’électeur yankee, il sera difficile d’obtenir un vote favorable sur les chapitres sociaux, médicaux, fiscaux, etc.


Il reste trois questions, inévitables. La première : s’il faut impérativement un gendarme, les Nations unies, après la défunte SDN, ayant lamentablement échoué à assumer une telle mission, qui donc a remis à l’Amérique ses galons de super Vidocq ? Et qui lui a confié la mission hautement évangélique de propager aux quatre coins de la planète la bonne parole démocratique ? D’ailleurs, on a pu admirer ces dernières années le zèle mis par les Irakiens, les Libyens, les Égyptiens et les Afghans à mettre en pratique l’enseignement du maître. La deuxième question : s’étant intronisé pandore-en-chef, à quels critères obéit cette même Amérique dans sa sélection des pays condamnés à subir son ire ? Enfin, troisième question : à la trappe, l’affaire des gazés de la Ghouta, à l’origine pourtant de cette crise qui vient de secouer le monde ?


En l’an 2008, un jeune sénateur de l’Illinois, quasiment inconnu, avait mené sa campagne présidentielle sur le thème bienvenu du retrait de toutes les zones de guerre, après l’avoir emporté aux primaires sur sa rivale, Hillary Clinton, fervent soutien de l’engagement en Irak. Dans un ardent plaidoyer en faveur de ses idées, il avait dénoncé l’opération « Shock and Awe » sur les rives de l’Euphrate comme étant « irréfléchie et inspirée par la passion plutôt que par la raison ». Cinq ans plus tard, les médias rappellent ces paroles à l’attention de l’électeur, avant les midterm elections qui permettront, le 4 novembre 2014, de renouveler les effectifs (435 membres) de la Chambre des représentants et 33 des 100 sénateurs. Engagé dans un second et dernier mandat, Barack Obama ne courait, lui, aucun risque à s’entêter. Sauf celui de perdre sa place dans l’histoire. Lui serait-elle définitivement acquise maintenant ?

La crise des missiles de Cuba reste un cas d’école dont les moindres péripéties sont enseignées dans les instituts d’études politiques et les académies militaires. Née de la découverte de missiles soviétiques SS-4 en cours d’installation sur l’île, elle aura mené le monde, deux longues semaines durant (14-28 octobre 1962), au bord du gouffre de la guerre, évitée de justesse...

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