Les Etats-Unis ont accueilli favorablement mais avec prudence lundi la proposition russe qui placerait les armes chimiques syriennes sous contrôle international, tout en faisant part de leur scepticisme sur les intentions du régime de Bachar el-Assad.
Peu après avoir rencontré le président Barack Obama à la Maison Blanche, l'ancienne secrétaire d'Etat Hillary Clinton a estimé que "si le régime (de Damas) mettait immédiatement ses stocks sous contrôle international (...) ce serait une étape importante. Mais cela ne peut pas être une nouvelle excuse pour un délai ou une obstruction".
Mme Clinton, qui a pour la première fois soutenu publiquement la décision du président Obama de lancer des frappes "limitées" contre le régime Assad, pour le punir d'avoir eu recours à ses armes chimiques lors d'une attaque meurtrière le 21 août, a toutefois prévenu que "la Russie doit soutenir sincèrement les efforts de la communauté internationale ou rendre des comptes".
Peu avant Mme Clinton, Tony Blinken, conseiller adjoint de sécurité nationale de M. Obama, a déclaré que son pays voulait "examiner de près" la proposition de Moscou. Son collègue Ben Rhodes, également conseiller adjoint de sécurité nationale, a toutefois prévenu sur la chaîne MSNBC que Washington ne relâcherait pas pour autant la pression sur Damas et se méfiait d'une tactique destinée à retarder l'échéance de frappes contre le régime d'Assad.
"Je pense qu'il va nous falloir rester en contact avec eux (les Russes) et d'autres pays pour évaluer le sérieux de cette proposition", a ajouté M. Rhodes. "En même temps, ce sera très important de ne pas relâcher la pression" sur le régime syrien, a-t-il prévenu M. Rhodes.
Coïncidence ou gaffe ?
La France a estimé que la proposition russe méritait "un examen précis", le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, réclamant "des engagements précis, rapides et vérifiables" de la part de Damas. La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part jugé la proposition "intéressante".
Plus tôt lundi, la Russie, principale alliée du régime Assad, a proposé à Damas de placer son arsenal chimique sous contrôle international et de le détruire. La Syrie a immédiatement "accueilli favorablement" cette proposition, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Walid Mouallem, sans être plus spécifique. M. Mouallem, qui se trouvait lundi à Moscou, a aussi salué "la sagesse des dirigeants russes qui essaient d'empêcher une agression américaine contre notre peuple".
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La proposition de M. Lavrov est intervenue alors que son homologue américain, le secrétaire d'Etat John Kerry, avait déclaré un peu plus tôt à Londres que Bachar el-Assad pourrait éviter des frappes en mettant sous contrôle son arsenal chimique. Son porte-parole a cependant pris soin de préciser peu après que cette remarque purement "rhétorique" ne constituait pas une offre de négociation faite à Damas. Lors d'un entretien téléphonique, lundi soir, entre MM. Lavrov et Kerry, ce dernier a répété que ses propos étaient d'ordre rhétorique et ne constituaient pas une proposition. Il a ajouté que les Etats-Unis allaient examiner la proposition russe, tout en exprimant son "profond scepticisme".
Premier vote mercredi au Sénat
Dans la foulée, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a appelé à la création de zones supervisées par les Nations unies en Syrie où les armes chimiques du pays pourraient être détruites.
Au Congrès américain, rentré lundi de vacances et qui doit se prononcer sur une intervention militaire en Syrie, la présidente de la commission du Renseignement au Sénat Dianne Fenstein "accueillerait favorablement" un abandon par M. Assad de son arsenal chimique pour le placer sous contrôle international.
Un premier vote important au Sénat aura lieu mercredi sur le projet de résolution autorisant Barack Obama à intervenir militairement en Syrie, a annoncé le chef de la majorité démocrate, Harry Reid. A l'heure actuelle, la résolution prévoit une durée limite de 60 jours, prolongeable à 90 jours, et l'interdiction de troupes au sol dans le but d'opérations de combat.
Syria Joint Resolution by Brett LoGiurato
Conscient de jouer à la fois la crédibilité des Etats-Unis et de sa propre présidence, Barack Obama devait lancer une offensive tous azimuts pour convaincre les élus républicains et démocrates. Il devait enregistrer pas moins de six interviews avec des chaînes de télévision devant être diffusées lundi soir, avant de s'adresser aux Américains mardi soir depuis le bureau Ovale.
L'intégralité d'une interview accordée à CBS par le président syrien, dans laquelle il a "nié avoir quelque chose à voir dans cette attaque" chimique du 21 août, devait être diffusée au même moment lundi soir. Dans un extrait diffusé lundi dans la journée, le président syrien met en garde les Etats-Unis contre toute frappe visant son régime, enjoignant Washington à "s'attendre à tout" en cas d'action. "Le gouvernement (syrien) n'est pas le seul acteur dans la région. Il y a différentes parties, différentes factions, différentes idéologies", ajoute-t-il, n'excluant même pas l'emploi d'armes chimiques "si les rebelles, ou des terroristes dans la région, ou tout autre groupe, en possèdent".
Pour tenter de convaincre les élus américains, les plus hauts responsables de l'administration Obama devaient à nouveau lundi se rendre au Capitole pour des réunions d'informations à l'aide de vidéos montrant des victimes de l'attaque et diffusées en boucle sur les chaînes américaines.
Pas de solution militaire
Parallèlement, M. Kerry a achevé lundi à Londres son offensive diplomatique en Europe pour justifier des frappes américaines contre Damas.
"Les Etats-Unis, le président Obama, moi-même et d'autres sont d'accord pour dire que la fin du conflit en Syrie requiert une solution politique. Il n'y a pas de solution militaire, nous ne nous faisons aucune illusion là-dessus", a déclaré le chef de la diplomatie américaine lors d'une conférence de presse au côté de son homologue William Hague. "Le risque de l'inaction est plus grave que le risque découlant d'une action", a cependant assuré M. Kerry en insistant une nouvelle fois sur la nécessité de sanctionner le recours à des armes chimiques par le régime syrien.
(Eclairage : Syrie : des frappes aideraient les rebelles sans faire tomber le régime)
Dans l'attente de l'annonce de la ligne de conduite finalement décidée par le président Obama, John Kerry a encore insisté sur le caractère limité dans le temps et ciblé des frappes envisagées par les Etats-Unis, en assurant "nous ne partons pas en guerre".
A Paris, le président français François Hollande a promis de s'adresser à son opinion, mais après le vote du Congrès et la remise du "rapport des inspecteurs" de l'ONU qui ont enquêté sur l'attaque du 21 août.
Pour la plupart des Etats de l'UE, ce rapport attendu dans les jours à venir est une étape essentielle, susceptible de confirmer de manière indépendante les accusations d'attaques aux gaz toxiques. Pourtant il ne devrait pas, comme l'a indiqué Ban Ki-moon, dire qui en est l'auteur.
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commentaires (18)
A la condition de l'adoption par le Conseil de Sécurité d'une résolution, et sous le chapitre VII, à ce sujet ; d'une reconnaissance par l'aSSadique qu'il a bien utilisé du Chimique, en plus de la saisine de la Cour Pénale Internationale.... Il ne va tout de même pas s'en sortir comme ça à bon compte, l'aSSadiot de service !
Antoine-Serge KARAMAOUN
03 h 51, le 10 septembre 2013