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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Assurances tous risques

Les légendaires exploits des marines, Navy Seals, commandos du GIGN et autres unités d’élite qui font la fierté des armées occidentales n’y changeront rien : en dépit de leurs arsenaux high-tech, les démocraties sont bien mal pourvues face au fléau du terrorisme. Le talon d’Achille des démocraties, c’est précisément... la démocratie. Pour leur honneur – mais parfois aussi pour leur infortune –, elles ne peuvent combattre la terreur à armes égales, chose que leur interdisent ces mêmes valeurs sur lesquelles elles se fondent.

Bien sûr, les gouvernants de ces puissances ne sont pas tous des anges, et il arrive souvent à leurs services secrets de prendre des libertés avec des tabous tels que les droits de l’homme et la légalité internationale. Mais au final, ces mêmes gouvernements, qui n’existent que par la volonté populaire, demeurent tributaires d’opinions publiques souvent perplexes, sceptiques, rétives ou carrément hostiles, dès lors qu’il s’agit de partir en guerre. Ce phénomène, les actuels préparatifs militaires contre la Syrie en donnent une nouvelle et déconcertante illustration.

Traditionnellement à la traîne des États-Unis, la Grande-Bretagne s’était vite portée volontaire pour une action punitive contre la Syrie, et c’est même elle qui s’est chargée, mais en vain, d’obtenir, pour ces frappes, l’aval de l’ONU. Désavoué par la Chambre des communes (qu’il n’était pas tenu de consulter pourtant), David Cameron a aussitôt fait savoir qu’il s’inclinait devant le verdict de la majorité ; dès lors, et sur un courtois Sorry old chaps, il ne lui restait plus qu’à retirer ses billes du jeu. Demeurée fidèle au poste malgré une substantielle contestation parlementaire, la France, traditionnellement rétive, elle, face aux équipées américaines, se voit paradoxalement propulsée, pour la circonstance, au rang de premier allié de Washington.

Mais venons-en au principal acteur du drame en gestation. Barack Obama ne veut surtout pas engager l’Amérique dans une nouvelle guerre, et hier, le secrétaire d’État John Kerry s’est évertué à rassurer les Américains, affirmant que l’opération projetée ne ressemblera en rien à l’Afghanistan, l’Irak ou la Libye. Le problème est que les Américains ne seront pas seuls à se sentir soulagés. Car bien que clairement accusé d’avoir fait usage de gaz sarin contre les civils, Bachar el-Assad se voit objectivement offrir, le plus explicitement du monde, l’assurance formelle que cette action limitée en termes d’envergure et de temps, excluant toute intervention de troupes au sol, n’a absolument pas pour objet de le déboulonner. Mieux encore, et au motif que les diverses options militaires requéraient un minutieux examen, on aura laissé au pouvoir baassiste tout le temps d’évacuer nombre de ses centres de commandement et sites militaires sensibles.

Or tant d’aberrations ne sont en définitive que le produit de ces dangereuses illusions qui continuent hélas d’avoir cours en Occident. L’une d’elles veut que si le pouvoir syrien n’a pas volé une volée de bois vert, c’est seulement parce qu’il s’est aventuré à gazer son peuple ; faut-il donc en déduire qu’il aurait pu continuer à massacrer tranquillement, en toute impunité, celui-ci s’il s’était contenté de moyens plus conventionnels, telles l’artillerie lourde et l’aviation ? Une autre absurdité consiste à considérer avec la même méfiance le régime Assad et les rebelles, sous prétexte que ces derniers sont sévèrement infiltrés par les radicaux. Or c’est lourdement pénaliser ainsi une opposition qui ne groupe pas que des terroristes. C’est faire table rase, surtout, du passé – et du présent – éminemment terroristes d’une tyrannie qui perdure depuis plus de quatre décennies. Qui a impitoyablement fait violence au Liban avant que de martyriser à leur tour les Syriens. Qui a elle-même à sa solde des groupes jihadistes sunnites, comme l’avait déjà montré la sanglante affaire de Nahr el-Bared, comme le confirmait hier même l’inculpation d’un officier syrien, en relation avec le double attentat à la voiture piégée qui a endeuillé récemment Tripoli.

Tout cela mérite bien plus, en vérité, qu’une tape sur les doigts.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Les légendaires exploits des marines, Navy Seals, commandos du GIGN et autres unités d’élite qui font la fierté des armées occidentales n’y changeront rien : en dépit de leurs arsenaux high-tech, les démocraties sont bien mal pourvues face au fléau du terrorisme. Le talon d’Achille des démocraties, c’est précisément... la démocratie. Pour leur honneur – mais parfois aussi...

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