Comme la plupart des monnaies des pays émergents, roupie indienne en tête, le rouble est victime des interrogations des marchés concernant la politique monétaire américaine et a perdu près de 10 % depuis six mois. En début de journée, l’euro est monté à 44,33 roubles, un niveau qu’il n’avait plus connu depuis 2009. Le dollar a de son côté atteint 33,24 roubles, se rapprochant de son pic de début juillet face à la devise russe.
Le responsable de la supervision des marchés financiers au sein de la banque centrale, Sergueï Chvetsov, a minimisé le phénomène. « Le rouble est suffisamment solide et stable. Les rumeurs d’affaiblissement sont assez exagérées », a-t-il déclaré. « Il s’agit de fluctuations, nous évoluons vers un flottement libre du rouble. »
La monnaie russe évolue actuellement dans une fourchette fixée par la banque centrale, qui intervient sur les marchés pour la soutenir. Elle modifie cette fourchette quand les achats de devises nécessaires à y maintenir le rouble deviennent trop importants, ce qu’elle a fait vendredi. Selon le quotidien Vedomosti, ses interventions ont atteint en juillet 4,2 milliards de dollars et 374 millions d’euros, leur plus haut niveau depuis octobre 2011. « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une chute grave, on ne peut pas parler d’un fort affaiblissement », a assuré de son côté le ministre des Finances Anton Silouanov.
Les monnaies des pays émergents piquent du nez depuis que la Réserve fédérale américaine (Fed) a prévenu qu’elle réduirait son soutien à l’économie. Ce soutien consistait à injecter des sommes massives dans les marchés, que les investisseurs redirigeaient ensuite vers les économies émergentes à la recherche de rendements plus élevés. Hier, la publication des minutes de la dernière réunion de la Fed, en juillet, a confirmé que certains de ses responsables souhaitaient ralentir le rythme de ces injections, l’activité repartant aux États-Unis.
Les investisseurs ont donc tendance à retirer leurs fonds des pays émergents pour les rapatrier vers les marchés américains, d’autant que ces pays subissent actuellement un tassement de leur croissance économique. « Le rouble devrait rester sous pression », a estimé l’économiste Chris Weafer. Selon l’analyste, la monnaie subit non seulement « l’effondrement de la confiance envers les monnaies des marchés émergents » mais aussi les attentes de baisse des taux de la banque centrale pour relancer l’activité économique, ce qui réduirait l’attractivité de la monnaie.
La croissance n’a atteint que 1,4 % au premier semestre par rapport aux six premiers mois de 2012, et certains économistes jugent que la Russie pourrait être déjà entrée en récession. Certains responsables gouvernementaux semblent d’ailleurs voir d’un bon œil l’affaiblissement du rouble, qui renforce l’attractivité des exportations russes et gonfle les revenus tirés des ventes d’hydrocarbures (libellés en dollars) pour le budget. Le ministère des Finances avait précipité en juin le recul de la monnaie en annonçant de possibles achats de devises pour alimenter le fonds anticrise du gouvernement. Il avait dû ensuite se défendre de vouloir manipuler les cours. « Nous procéderons à des achats minimes », a assuré jeudi Anton Silouanov, évoquant des montants de 30 à 50 milliards de roubles (680 millions à 1,3 milliard d’euros).
L’affaiblissement du rouble est un sujet sensible en Russie : il y a tout juste 15 ans, en août 1998, les retraits de capitaux des marchés asiatiques et ensuite de Russie avaient conduit cette dernière au défaut de paiement et à la dévaluation.
Le pays est aujourd’hui mieux armé, avec des réserves de changes dépassant 500 milliards de dollars.
Le sujet devrait s’imposer dans les discussions lors du sommet des chefs d’État des pays riches et émergents du G20, les 5 et 6 septembre à Saint-
Pétersbourg.
Fin juillet, lors de la rencontre préparatoire des ministres des Finances à Moscou, ces pays avaient appelé ensemble à des changements de politique « calibrés avec précaution et clairement communiqués ».
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