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Mugabe face aux accusations de hold-up électoral

Bilan controversé pour la radicale réforme agraire du dictateur zimbabwéen

La radicale réforme agraire lancée en 2000 par le président Robert Mugabe a d’abord provoqué un spectaculaire effondrement de la production agricole. Mais certains chercheurs notent qu’elle a permis l’émergence d’une classe de fermiers noirs aujourd’hui prospères.
Selon de récentes études, le bilan de ces expropriations parfois violentes de fermiers blancs peut s’établir de deux façons.
Sur le plan social, le partage des terres a permis à des centaines de milliers de Noirs pauvres de devenir propriétaires et d’augmenter leurs revenus.
Le secteur agricole emploie aujourd’hui environ un million de personnes contre 400 000 avant la réforme, et de récentes études témoignent d’une nette reprise de la production.
Mais d’un strict point de vue économique, l’agriculture zimbabwéenne, autrefois florissante, reste très en dessous de ses niveaux des années 1990, le pays est toujours en état de déficit alimentaire et une partie de la population a souffert de disette cette année encore.
À partir de février 2000, environ 4 000 propriétaires terriens blancs ont été progressivement expulsés. Les anciens combattants de la guerre de libération nationale ont commencé à envahir, souvent dans la violence, des centaines de fermes, alors que le président Mugabe venait de perdre un référendum constitutionnel et voyait se profiler une difficile réélection en 2002.
Les terres ont été redistribuées à 18 000 agriculteurs noirs, alors qu’environ 400 fermiers blancs ont été épargnés et continuent d’exploiter leurs propriétés. Le but historique était de redresser les inégalités héritées de l’ère coloniale.
Mal organisé, ce remembrement au profit de fermiers sans équipement et souvent sans aucune formation a d’abord provoqué un effondrement brutal de la production. Début 2013, le Programme alimentaire mondial (PAM) estimait que 1,7 million de Zimbabwéens, soit un cinquième de la population rurale, avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Dans un pays qui fut longtemps le grenier à blé de l’Afrique australe.
Après une décennie de chaos, les chiffres de production semblent cependant repartir à la hausse. La production de tabac, qui avait atteint son point le plus bas depuis l’indépendance en 2006, avec 56 000 tonnes, a rebondi cette année à environ 160 000 tonnes. « Le tabac a atteint cette année 70 % de sa production moyenne des années 90 (...), c’est un signe majeur de progrès », estime Sam Moyo, expert agronome.
Le maïs a également repris des couleurs, selon la Banque mondiale, remontant à environ 85 % de son niveau d’avant l’an 2000.
« On peut dire que la réforme agraire a été un succès », affirme ainsi M. Moyo, coauteur d’un ouvrage paru cette année intitulé Réforme agraire au Zimbabwe : au-delà d’un capitalisme de colons blancs.
Et selon l’universitaire britannique Teresa Smart, des ouvriers agricoles qui, il y a quinze ans encore, survivaient à peine, sont aujourd’hui propriétaires et touchent un revenu équivalent à celui d’une infirmière ou d’un instituteur.
Après huit mois de recherches, note Mme Smart, « nous avons été incroyablement surpris de découvrir que les petits exploitants qui occupent la terre sont en train de réussir, au sens commercial du terme ».
Pour le chercheur sud-africain Sabelo Ndlovu, « la réforme agraire n’a pas été le désastre que nous pensions être au début (...) Des gens ont vu leur vie changer grâce à l’accès à la terre, en fait, ils sont maintenant prospères ».
Si l’aspect social de la réforme peut ainsi être mis en valeur, ce n’est pas ce que retiennent les Blancs expulsés dans les années 2000.
« La vérité, dit Roy Bennett, dépossédé d’une plantation de café en 2004, c’est qu’aujourd’hui le Zimbabwe connaît un déficit alimentaire, importe du maïs de Zambie, où les fermiers qui ont été chassés du Zimbabwe sont partis s’installer », assure-t-il.
Bennett, aujourd’hui actif politiquement, assure qu’il est favorable à la réforme agraire s’il s’agit d’émanciper économiquement la population, mais, dit-il, « j’ai un problème quand la terre est utilisée dans un but de clientélisme politique, et quand elle est distribuée à des gens pour s’assurer de leur loyauté au régime ».
C’est, de fait, exactement ce qui a été reproché à la réforme agraire de Mugabe, et l’explication la plus souvent donnée à l’effondrement de la production.
La radicale réforme agraire lancée en 2000 par le président Robert Mugabe a d’abord provoqué un spectaculaire effondrement de la production agricole. Mais certains chercheurs notent qu’elle a permis l’émergence d’une classe de fermiers noirs aujourd’hui prospères.Selon de récentes études, le bilan de ces expropriations parfois violentes de fermiers blancs peut s’établir de...