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Liban

De Fayadiyé, Sleiman coupe l’herbe sous le pied au Hezbollah

De Fayadiyé, le chef de l’État a clairement coupé, hier, l’herbe sous le pied au Hezbollah. Photo Dalati et Nohra

S’il est un commentaire qui peut être vite fait au sujet du discours du président Michel Sleiman, à la cérémonie marquant le 68e anniversaire de l’armée, c’est qu’il a accentué, au plan local, l’isolement du Hezbollah et l’embarras dans lequel cette formation se trouve depuis qu’elle a décidé de tenter de sauver le régime syrien en combattant les rebelles aux côtés des forces de Bachar el-Assad.


Michel Sleiman a prononcé un discours qui dérange et le tir de roquettes en soirée à partir de Dhour Aramoun, qui abrite des positions d’Ahmad Jibril, chef du Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG, proche de la Syrie) sur les régions de Rihaniyé, proche du palais présidentiel, pourrait être considéré comme une réponse-message directe au chef de l’État. L’une des roquettes, qui n’a pas explosé, est tombée à une trentaine de mètres de l’une des entrées du périmètre du palais de Baabda.


Il est vrai que son discours s’inscrit dans le prolongement des positions qu’il adopte depuis plusieurs mois, mais l’argumentation qu’il a développée hier pour justifier la nécessité de plancher sans tarder sur une stratégie nationale de défense qui reconnaîtrait le monopole de l’État en matière d’usage des armes ôte au Hezbollah toute possibilité de justifier son implication suicidaire dans la guerre en Syrie. « Il est devenu urgent d’étudier et d’adopter une stratégie de défense, étant donné les développements dans la région et la modification de la fonction principale des armes de la Résistance, qui dépassent désormais les frontières. (...) Partant de notre distinction claire entre la Résistance et le terrorisme, et afin de consolider nos capacités à résister et à défendre le Liban exclusivement, il est temps que l’État, son armée et son haut commandement politique soient les organisateurs essentiels et les décideurs de l’utilisation de ces capacités », a déclaré le président Sleiman, avant de préciser, un peu plus loin, que « la mission de l’armée devient difficile, voire impossible, si la dualité entre les armes légales et illégales se poursuit ». Le chef de l’État a d’autre part relevé que « les forces régulières ne peuvent pas régler (...) une situation explosive générée par un conflit externe dans lequel certains Libanais se sont impliqués, en violation du contrat social auquel ils sont liés et des dispositions de la déclaration de Baabda ».

 

 

(Sleiman : Il est temps que l’État et l’armée soient les décideurs de l’utilisation de nos capacités de défense)

 


Inutile de préciser que l’intervention présidentielle a été très mal accueillie dans les milieux du 8 Mars qui l’ont considérée comme étant « très négative », jugeant son timing « inopportun » et estimant qu’elle représente « une escalade » au niveau du discours politique. Ils n’ont pas hésité à la comparer à « un coup de poignard dans le dos, asséné par celui qui devrait prendre sous son aile tous les Libanais, toutes appartenances confondues, et jouer le rôle d’arbitre et non pas de partisan ». Et pour cause : les milieux du 8 Mars estiment que par la voix du chef de son bloc parlementaire, Mohammad Raad, le Hezbollah a expliqué au président de la République les motifs de son implication à Qousseir et les raisons des réserves qu’il avait exprimées au sujet de la déclaration de Baabda.


Dans ces milieux, on a surtout reproché au chef de l’État de « reprendre à son compte le discours du 14 Mars au sujet des armes » et de « contribuer à la campagne visant à affaiblir la Résistance et à laquelle l’Union européenne s’est récemment associée », en inscrivant l’aile militaire du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes.
Mais curieusement, aucun des pôles de cette coalition qui gravite dans l’orbite du régime de Bachar el-Assad n’a voulu commenter son discours, au moment où le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, et des personnalités du 14 Mars s’en félicitaient. Sauf que le mécontentement du 8 Mars laisse à penser que ce mutisme est voulu, en attendant une réponse « appropriée » qui viendrait du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah. Ce dernier doit intervenir cet après-midi, dans le cadre de la cérémonie qui sera organisée à 17h pour la Journée de Jérusalem. De même source, on indique que les points soulevés par le président seront disséqués « à travers les canaux adéquats au sein du 8 Mars ». Selon l’agence locale al-Markaziya, le discours de Fayadiyé a été le principal point à l’ordre du jour de la réunion périodique du comité de coordination des composantes du 8 Mars, hier.

 

(Lire aussi : Kahwagi à Sleiman : Nous ferons tout pour protéger le Liban)


Quelle que soit la réponse que le parti de Dieu apportera au discours présidentiel, elle ne sera qu’une tentative de déguiser une vérité bien réelle, à savoir l’isolement sur le plan local du Hezbollah, dont l’équipée en Syrie est même contestée par ses deux principaux alliés, Amal et le Courant patriotique libre.
Pas plus tard qu’hier, le président de la Chambre, Nabih Berry, a créé la surprise en prenant ses distances à l’égard de la politique suivie par le Hezbollah, après s’être efforcé au cours des dernières semaines de négocier avec le Premier ministre désigné, Tammam Salam, une représentation de ce parti au sein du gouvernement, dans une tentative de briser son isolement.


Non seulement M. Berry a pris fait et cause pour la déclaration de Baabda, contestée par son allié hezbollahi, mais il a été jusqu’à souligner, dans une interview à paraître aujourd’hui dans ach-Chiraa, que « l’implication du Liban dans l’affaire syrienne ne fera pas de différence et ne changera rien à l’équation parce que la géographie de la guerre syrienne n’est pas tributaire d’un progrès sur un front ou d’un recul sur un autre ». En quelques mots, le président de la Chambre a démonté la politique iranienne qui est essentiellement derrière l’implication du Hezbollah dans le bourbier syrien.


Reste à savoir comment l’Iran réagira au discours de Michel Sleiman. Le chef de l’État est attendu dimanche prochain à Téhéran où il participera à la cérémonie d’investiture du nouveau président iranien, cheikh Hassan Rohani. Il s’agit de la troisième visite du président en Iran, rappelle notre chroniqueur diplomatique Khalil Fleyhane, qui relève qu’en marge de la cérémonie, M. Sleiman aura une série d’entretiens avec des chefs d’État et de gouvernement présents pour l’occasion. Il est vrai que la visite est protocolaire, mais un tête-à-tête Sleiman-Rohani est prévu. À l’ordre du jour des discussions, une série de questions d’intérêt commun, et surtout la guerre en Syrie et son impact sur le Liban. Le chef de l’État doit exposer à son hôte l’importance de la politique de distanciation adoptée par le Liban, et il ne va pas manquer de soulever, par la même occasion, la participation du Hezbollah aux combats aux côtés des forces d’Assad et ses retombées négatives sur le Liban et sur le parti lui-même.

 

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S’il est un commentaire qui peut être vite fait au sujet du discours du président Michel Sleiman, à la cérémonie marquant le 68e anniversaire de l’armée, c’est qu’il a accentué, au plan local, l’isolement du Hezbollah et l’embarras dans lequel cette formation se trouve depuis qu’elle a décidé de tenter de sauver le régime syrien en combattant les rebelles aux côtés des...

commentaires (8)

Oui monsieur le Président.

Robert Malek

13 h 43, le 02 août 2013

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Commentaires (8)

  • Oui monsieur le Président.

    Robert Malek

    13 h 43, le 02 août 2013

  • Je voudrais souligner un autre point très important dans le discours du président de la République. "Le vrai martyre, dit-il, est celui uniquement en faveur de la patrie, de la défense de son unité, de son territoire, de sa souveraineté, de sa dignité. Ce que le peuple libanais veut c'est que le sang de ses fils n'arrose pas une autre terre que la terre sainte de la patrie". On sent là que le président se voit dans le devoir d'être très clair, même s'il paraît dur : les jeunes libanais du Hezbollah qui tombent en Syrie (pour défendre le régime de Damas sur ordre de l'Iran) ne sont pas de vrais martyrs. Des lecteurs de L'Orient-Le Jour, dont moi-même modestement, ont déjà souligné ce point dans cette rubrique. Je me permets de le répéter ici : que le Hezbollah nous excuse, ses martyrs et martyrs du Liban sont uniquement ceux qui sont tombés dans les combats contre l'ennemi israélien, même ceux tombés durant la guerre de juillet 2006 qu'il a lui-même provoquée. Dans tous les autres cas, ils ne sont pas des martyrs. Ils sont des victimes d'une politique erronée du Hezbollah.

    Halim Abou Chacra

    12 h 23, le 02 août 2013

  • MDR, MDR, MDR le Hezbollah, est mieux équipé que l'armée libanaise, pourquoi ? c'est simple les "pays amis" qui "aident" l'armée libanaise , lui donnent les restes de leur stock. un beau hummer par ci , un vieux M113 par là. Mais pas d'armes modernes, pas de missiles sol/sol, sol/air, sol/mer. Les formateurs, ils espionnent, ils font du bourrage de crâne en préchant pour leur pays. même si le Hezbollah donne ses armes à l'armée , ils seront confisquer et même détruitent, pour protèger israel. Car israel n'a presque plus d'ennemis, en Irak , c'est la guerre civile, en Syrie aussi. les états du golfe et l'arabie séoudite sous la botte des usa, et ne feront rien contre israel. Si ils travaillent avec des entreprises israeliennes, et riadh à le filon de la Mecques, et ses royalties

    Talaat Dominique

    11 h 21, le 02 août 2013

  • M. le President Sleiman commence a appliquer les decisions qui lui ont ete dictees par l'Union Europeenne. Grave.....Nous allons droit a une guerre.

    Michele Aoun

    10 h 08, le 02 août 2013

  • LE DIALOGUE PLUS URGENT QUE JAMAIS !

    SAKR LOUBNAN

    08 h 52, le 02 août 2013

  • Ah non Monsieur le Président. Les armes du Hezbollah ne doivent pas être sous le contrôle de lÉtat. Elles doivent rester aux ordres de l'Iran. Sinon comment pourrions-nous garantir que nous resterons éternellement en état de guerre?

    Jack Hakim

    07 h 46, le 02 août 2013

  • Mille Bravo au président de la République. Il a dit ce qu'il fallait dire et il a tout dit. Il réitère pratiquement et fermement que l'existence d'un arsenal illégal (du Hezbollah) face aux armes légales de l'Etat -armée et forces de sécurité intérieure- est la plus grande anomalie qui puisse frapper un pays et qui rend impossible l'organisation et l'existence même de cet Etat. Il affirme notamment une évidence : "la mission de l'armée devient impossible si la dualité entre les armes légales et illégales se poursuit". En plus il stigmatise clairement le fait que "ces armes (du Hezbollah) ont été impliquées dans un conflit externe en violation du contrat social qui lie les Libanais, ainsi que de la déclaration de Baabda". Le président prononce là les paroles les plus raisonnables qu'un responsable de la République a le devoir de prononcer. Ces paroles sont en fait un appel à la raison lancé au Hezbollah et à toutes les forces du 8 Mars, dont l'attitude est contre la raison, le bon sens et n'importe quel patriotisme. Le patriarche maronite a très bien fait de donner immédiatement son total appui à la position et au discours du président de la République. Toutes les forces et tous les hommes politiques du Liban ont le devoir de suivre l'exemple du patriarche.

    Halim Abou Chacra

    04 h 56, le 02 août 2013

  • C'est le Liban tout entier qui joue à une pièce écrite à la va-vite après la décision de l'UE. Retiens moi ou je fais un malheur...mon Hezbollah ou rien...le Bon,la Brute et le Truand...Othello par ci,Hamlet par là...Comendiantes,tragediantes...et hélas et surtout...ridiculantes!C'est de l'Opéra-Mézzé!

    GEDEON Christian

    03 h 50, le 02 août 2013

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