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À La Une - Rencontre

Riad Salamé : Je ne suis pas inquiet pour la situation financière au Liban

Dans son élégant bureau au sixième étage du siège de la Banque du Liban, loin du brouhaha des politiciens et de leurs déclarations incendiaires, le gouverneur Riad Salamé tient un discours serein. Selon lui, il n’y a rien à craindre pour la monnaie nationale, la masse monétaire est stable et les liquidités sont suffisantes. Avec ou sans gouvernement, avec ou sans Parlement en action et malgré la décision européenne contre « la branche armée » du Hezbollah, le Liban se porte donc beaucoup mieux économiquement que de nombreux pays autour de lui... Un message rassurant en ces temps troublés.

Recevant le conseil de l’ordre des journalistes présidé par Élias Aoun, le gouverneur Riad Salamé se prête volontiers au processus des questions-réponses. Loin de la politique, de ses pièges et de ses susceptibilités, il parle essentiellement finances et économie avec réalisme et précision. Il commence ainsi par reconnaître que les conflits dans la région ont des répercussions certaines sur deux domaines, celui des investissements et celui de la consommation. Au point que la croissance au Liban qui était de 8 % a baissé jusqu’à 2,5 %. La perte est de l’ordre de 2,5 milliards de dollars, mais la Banque centrale a pu supporter cette perte. En comparaison avec les pays voisins, la situation au Liban reste donc tout à fait acceptable et il n’y a pas de marasme sur le plan financier.


Selon le gouverneur Salamé, l’impact de la crise syrienne est perceptible sur la balance des paiements qui est devenue négative, à cause notamment de la baisse du tourisme et de la décision des pays du Golfe d’interdire à leurs ressortissants de se rendre au Liban. Pour contrer cette tendance, la Banque centrale a décidé d’augmenter la demande interne. Elle a donc mis au point un plan pour provoquer et encourager cette demande en mettant un milliard et demi de dollars au service de l’économie, afin de maintenir la croissance, surtout avec la stagnation dans le secteur de l’immobilier et du bâtiment. La Banque centrale a donc demandé aux banques privées de faire preuve d’une souplesse responsable dans l’octroi des crédits. À cet égard, le projet Kafalat vise à pousser les banques à accorder des crédits à des projets particuliers. Le secteur financier et les banques n’ont toutefois pas souffert de la crise et les dépôts dans les banques ont augmenté de 7 %, alors que les banques libanaises disposent d’une grande liquidité. L’action conjointe entre la Banque centrale et les banques libanaises a permis d’affronter et de limiter les pertes qui auraient dû être enregistrées à cause de ce qui se passe en Syrie, en Égypte et à Chypre. Les liquidités existent donc, mais la demande est faible en raison de la stagnation dans le marché du travail et dans celui des investissements.


Riad Salamé précise encore que s’ils ont interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, les pays du Golfe n’ont pas réclamé le retrait des dépôts bancaires. Il s’agit donc d’une décision pour protéger leurs citoyens et non d’une déclaration d’hostilité envers le Liban. De même, selon lui, la décision de l’Union européenne est dirigée contre un groupe et certaines personnes en particulier, non contre le Liban. Elle ne devrait donc avoir aucun impact sur la situation bancaire et économique en général. Les réserves en or s’élèvent à 14 milliards de dollars et s’il y a un doute sur une opération de blanchiment d’argent, c’est la banque elle-même qui doit donner l’alerte.


Riad Salamé affirme que la Banque centrale est en train d’enregistrer des gains à cause de la confiance du monde dans sa politique monétaire et bancaire. Cette politique financière sage a fait que le Liban est resté à l’abri de la crise économique et bancaire qui a secoué le monde en 2008.


C’est dire que le modèle bancaire libanais est sain et « Bâle 3 » applique désormais les règles financières libanaises.
Interrogé sur le secret bancaire, Riad Salamé a répondu que cette règle reste un des piliers de l’action bancaire au Liban et la Banque centrale œuvre dans le cadre de ses prérogatives pour concilier cette règle avec les exigences de la lutte contre le blanchiment d’argent. Selon lui, tant que le Liban respecte les lois internationales concernant le secteur bancaire et les déplacements de fonds, il restera à l’abri des pressions et le secret bancaire y sera préservé. Il reconnaît toutefois que depuis deux ans et à cause des sanctions économiques imposées dans la région, il y a une surveillance accrue sur le secteur bancaire libanais. « Mais, déclare Salamé, nous avons fait ce qu’il fallait pour respecter les lois des pays dont nous utilisons la monnaie. Tant que nous le ferons, il n’y aura pas de problèmes. »


Salamé reconnaît aussi qu’il y a eu des tentatives extérieures, et peut-être intérieures, pour semer le doute au sujet de certaines banques, dans une période très délicate. Cela aurait pu mettre en cause la confiance internationale dans le secteur bancaire, mais ce problème a été réglé. Dans la foulée, le dossier de la Banque libano-canadienne a été fermé dans le cadre d’un compromis conclu entre le Trésor américain et la banque qui a versé 100 millions de dollars aux Américains.


Riad Salamé a démenti les informations selon lesquelles certains Libanais seraient en train de faire pression sur la livre syrienne pour l’affaiblir, précisant que c’est une accusation qui manque de sérieux. Selon lui, les banques libanaises utilisent la livre syrienne en Syrie. Au Liban, la monnaie syrienne ne circule pas à travers les banques et son marché est limité. Toutefois, il est normal que dans un pays en guerre, la monnaie nationale soit affaiblie.
Salamé a encore affirmé que selon les chiffres de la Banque mondiale, le Liban reçoit chaque année 8 milliards de dollars de l’étranger. Il n’y a donc aucune crise bancaire ou financière à craindre. Quant aux déplacements de fonds en liquide, ils ne font pas partie de la responsabilité des banques, mais de celle de la Direction des douanes...
Riad Salamé, qui a encore quatre ans à la tête de la Banque centrale, affirme qu’il n’est pas inquiet au sujet de la situation financière libanaise, ajoutant que la Banque centrale doit rester loin des tiraillements politiques. « Les politiciens de tous bords savent que notre action à la Banque centrale est professionnelle et n’a aucune arrière-pensée politique. D’ailleurs, je n’ai jamais été soumis à des pressions... »

 

 

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