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À La Une - Billet

Prophète et pharaon

Évoquer la fin de l’islam politique serait certainement trop hâtif, mais les événements qui ont entraîné la chute du président Mohammad Morsi sont peut-être les premiers signes d’une révolution dans la pensée politique islamique.
Après « le printemps arabe » et « l’automne islamiste », assistons-nous à la naissance d’une nouvelle période ? Après l’arabité et l’islamité, quelle nouvelle épithète viendra distinguer ce mouvement en gestation ? En d’autres termes, le monde arabe est-il entré dans une nouvelle ère idéologique dépassant le fiasco né de la rivalité entre l’arabisme et l’islamisme, et qui a jalonné tout le XXe siècle ?


L’échec de la politique des Ikhwane – puisque c’est bien d’un échec qu’il s’agit – marque avant tout une crise d’intelligibilité et de légitimité. « Légitimité des urnes » contre « légitimité de la rue », les deux camps ont évoqué la même notion sans parvenir à s’entendre sur ce qu’elle veut réellement dire. En ce sens, la crise égyptienne rappelle à tous ceux qui pouvaient en douter que la démocratie est davantage le dénouement d’un long apprentissage culturel que la satisfaction formelle résultant d’un mode d’accès au pouvoir. En méconnaissant profondément le processus démocratique, qui exige un perpétuel dialogue entre l’État et la société, les Frères musulmans ont été attaqués dans le domaine où ils s’y attendaient le moins : celui de la légitimité. Et pour cause, celle-ci doit être sans cesse redéfinie.
Si ce constat s’avère vrai dans les régimes stables où la démocratie est un acquis, en témoigne l’impopularité d’un François Hollande un an après son élection, il l’est d’autant plus dans un régime instable miné par une croissance démographique gargantuesque. L’époque où le raïs instrumentalisait l’opinion publique en la déformant en un unanime plébiscite semble révolue. En démontrant une fois de plus l’incapacité des dirigeants arabes à fournir un logos en adéquation avec les attentes de la population, la crise égyptienne s’inscrit dans la parfaite continuité des événements qui agitent la région depuis 2011.


Une question se pose : la révolution est-elle contraire à la révélation ?
De nombreux médias ont résumé la crise égyptienne comme une opposition entre laïcs et islamistes. La réalité apparaît nettement plus nuancée. En effet, comme au temps de la lutte pour l’indépendance, où les Ikhwane s’alliaient au parti du Wafd, l’ampleur de la révolution éclipse les profondes divergences qui fragmentent non seulement la société égyptienne, mais le monde musulman en général.


Ce dernier point est certainement le plus sensible et pose les bases d’une problématique plus fondamentale : les événements en Égypte peuvent-ils être analysés comme un embryon révolutionnaire interne à la pensée de l’islam politique ? La constitution future du rapport entre révolution et révélation fournira une grande partie de la réponse.
Et si, comme les experts l’affirment, l’avenir politique de l’Égypte ne pourra pas se faire sans la participation des Frères musulmans, le prochain raïs, élu par le peuple, se verra confier une délicate, voire impossible, mission. S’il veut éviter de finir comme Mohammad Morsi, il devra être à la fois le prophète et le pharaon.

 

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