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À La Une - Société

Handicapés au Liban : une vie quotidienne toujours aussi difficile

Votée en 2000, la loi 220 tarde à atteindre ses objectifs de départ. Les personnes présentant un handicap physique éprouvent toujours les mêmes difficultés pour se déplacer et s’intégrer pleinement dans la société.

Se déplacer sur une chaise roulante n’est pas chose facile au Liban.

«Les personnes avec un handicap physique devraient être plus libres dans notre société.»

Treize ans après l’adoption de la loi 220/2000 par le Parlement, Moussa Charafeddine, président de l’association Inclusion internationale pour le Moyen-Orient, ne peut que constater les difficultés récurrentes qu’éprouvent les handicapés à s’équiper, se déplacer et ainsi s’intégrer pleinement dans la société libanaise. À titre d’exemple, un handicapé qui souhaite acheter un fauteuil roulant doit aujourd’hui attendre six à sept mois pour obtenir l’autorisation du ministère des Affaires sociales. Et quand il l’obtient, encore faut-il qu’il puisse circuler librement, ce qui n’est toujours pas le cas à l’heure actuelle.

 

En cause notamment: le manque d’accès à certains bâtiments et autres rues commerçantes comme Gemmayzé. Un comble, quand on sait que la loi en 2000 donnait six ans à l’État pour transformer le pays en espace intégrant les personnes handicapées.

 

« Si les bâtiments publics sont aujourd’hui majoritairement accessibles, ce n’est toujours pas le cas dans de nombreuses rues, où les accès se font rares », note Tamem Maoue, chef de mission pour Handicap international.

 

Pourtant les demandes collectives de la part de certains propriétaires d’immeubles ont tendance à se multiplier. Des rampes et autres passerelles fleurissent dans Beyrouth, à l’instar du quartier Sioufi. L’accès aux centres commerciaux tend lui aussi à s’améliorer. Si la majeure partie d’entre eux est équipée d’ascenseurs et de rampes comme le City Mall ou le City Center, l’accès aux divertissements, en revanche, n’est pas toujours aisé. Preuve en est avec le grand cinéma de l’ABC. Celui-ci ne possède toujours pas d’accès pour handicapés et ne semble pas s’en soucier. « Actuellement, nous avons des escaliers, mais il est possible de porter les personnes handicapées pour les faire accéder au cinéma », nous répond-on par téléphone. À la question de savoir si un projet de création d’accès pour ces personnes est à l’étude, aucune réponse ne nous parviendra puisque le téléphone se coupe étrangement. À l’Empire International Offshore de Sodeco, pas d’accès handicapé non plus, mais la possibilité d’ouvrir une porte pour permettre l’accès aux salles. « Il faut juste nous prévenir lorsque vous réservez votre ticket », explique-t-on au sein de la branche marketing du groupe.


Autre facette du problème : les transports. Alors que 10 % d’entre eux doivent être accessibles aux personnes handicapées, « rien n’a été fait », regrette Moussa Charafeddine. La possibilité d’obtenir une voiture adaptée à son handicap n’est également pas appliquée. Joseph, handicapé depuis un accident de la route, témoigne : « J’ai la chance de pouvoir conduire. Mais bien souvent, les places de parking qui nous sont réservées sont prises par des automobilistes peu consciencieux. De plus, je n’ai même pas de place dans le parking juste en bas de chez moi comme le prévoit la loi. » Conscient des nombreux manquements, Moussa Charafeddine ne jette pas pour autant la pierre sur le gouvernement et autres collectivités locales. «Nous sommes écoutés. Il y a un mouvement fort pour les personnes handicapées», assure-t-il.

L’éducation, l’emploi et la santé à la traîne
Plus que d’aider les personnes avec un handicap dans leur vie quotidienne, la loi 220/2000 devait également leur permettre de bénéficier d’un accès total à l’enseignement et à l’emploi. Deux critères primordiaux qui n’ont pas véritablement connu de changements majeurs. « Le ministre de l’Éducation a mis en place des plans et une organisation pour intégrer les personnes handicapées à l’école, mais cela n’est pas très efficace. De nombreux critères comme la formation des enseignants ou la création de supports adaptés ne sont pas remplis par manque de moyens », déplore Moussa Charafeddine. Chez Handicap international, là encore, le constat est le même : « En ce qui concerne la santé et l’éducation, nous en sommes toujours au même point, c’est-à-dire aucune amélioration. La loi n’est pas suffisante », regrette ainsi Tamem Maoue. Du coup, les parents doivent en majorité se tourner vers des écoles privées dont les frais de scolarisation sont exorbitants. Un frein à l’éducation qui se ressent forcément lorsqu’arrive le temps de l’embauche.


Entre manque d’éducation et préjugés sur les personnes handicapées, difficile pour une majorité de ces derniers de trouver un travail. Pourtant, la loi est bien claire à ce sujet, notamment dans le secteur privé : les employeurs du secteur privé doivent embaucher au moins une personne handicapée lorsque le nombre d’employés se situe entre 30 et 60, et ces personnes doivent représenter 3% du personnel lorsqu’il y a plus de 60 employés dans l’entreprise.


Dans le domaine de la santé, après plusieurs années de progrès, la situation tend à se détériorer. Alors que les personnes avec un handicap devraient voir leurs frais médicaux remboursés à 100 % par la Sécurité sociale, cela n’est plus forcément le cas aujourd’hui dans certains établissements. « Certains hôpitaux demandent aux patients de payer à hauteur de 30 %, voire 50 %. Et pour cause : le gouvernement, qui est censé payer les hôpitaux dans ces cas-là, ne le fait que des mois et des mois après, voire pas du tout », s’insurge Moussa Charafeddine.


Malgré toutes les barrières qui demeurent, les projets se multiplient : une carte d’handicapé à placer sur le pare-brise de la voiture est en cours d’approbation, les échanges universitaires pour la formation des enseignants se développent, des fonds pour l’emploi et l’éducation sont à l’étude. Preuve que la motivation est toujours là comme le confirme Moussa Charafeddine : « Nous avons évolué. Mais il y a toujours un long chemin à parcourir. »

 

 

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