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À La Une - Le point

L’autre vox populi

Débarrasser la Libye d’un tyran nommé Mouammar Kadhafi s’avéra somme toute aisé, grâce notamment à la coalition montée par l’Occident. Mais qui aujourd’hui sauvera le pays des milices qui l’ont mis en coupe réglée ? Créée il y a peu, une commission planche sur les moyens d’en finir avec cette gangrène qui menace de gagner l’ensemble du corps étatique. Mercredi dernier lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Intérieur Salah el-Mirghani s’est engagé le plus solennellement du monde à tenir sa promesse : « Peu importe, a-t-il affirmé, l’identité et les motivations de ces hommes. Il ne devrait y avoir qu’une seule armée, une seule police. » La veille, une trentaine éléments « incontrôlés » s’étaient emparés sans coup férir du bâtiment du ministère de l’Intérieur après en avoir chassé les fonctionnaires, réclamant pour évacuer les lieux qu’un groupe adverse, le « Comité suprême de sécurité » (sic), cesse d’être soutenu par... le ministère qui l’utilise comme force d’appoint.


À Tripoli ces temps-ci, les milices – on en compte plusieurs dizaines – tiennent le haut du pavé. Constitués d’anciens rebelles, d’ennemis jurés du défunt guide de la révolution, de détenus libérés en octobre 2011, de chômeurs à la recherche d’une source de revenus ou encore d’agents d’un ordre taillé à leur mesure, ces groupes contrôlent les rues aussi bien que les administrations publiques, semant la terreur et empêchant l’État d’imposer la loi. Mais leur principal ennemi reste le mouvement salafiste qui prétend combattre le crime et les trafics en tous genres. L’an dernier, ces adeptes de la charia s’étaient attaqués à des sanctuaires soufistes, une initiative inspirée par les prouesses de leurs lointains camarades de Tombouctou mais demeurée sans lendemain.


Toutes ces exactions ont poussé une population excédée à descendre dans la rue pour exiger que l’on en finisse avec les « brigades illégitimes »,et cela en application d’une décision du Congrès général national. Ils étaient, dans un premier temps, quelques centaines à peine ; mais mus par une ferme détermination à obtenir la mise à l’écart des miliciens, ils commencent à mieux s’organiser, à voir leurs rangs grossir et augmenter les soutiens provenant de l’étranger, du monde arabe surtout. C’est que, pas plus que la population, l’État ne pouvait accepter d’être supplanté par les hordes qui, à l’instar d’éléments venus de Zintan, ont pris possession de la capitale et occupé des bases militaires et des édifices publics, après s’être proclamés « gardiens de la révolution ». Certains se sont reconvertis, avec la bénédiction de quelques tenants du pouvoir central, dans la protection des frontières contre tout danger provenant de l’extérieur.


La grogne populaire est née de la multiplication de ces abus, et les manifestations du week-end dernier viendraient à se multiplier dans les semaines à venir qu’il ne faudrait pas s’étonner. On a vu en week-end des forces de l’ordre encadrer les manifestants pour les protéger contre des exactions mais aussi contre toute tentative d’exploitation de leur cause par des membres du Congrès général national (Parlement) qui ont souvent recours aux miliciens pour obtenir le vote d’une loi ou le limogeage d’un haut fonctionnaire qui leur serait défavorable.


Nul doute que l’accélération du mouvement en Libye, suite logique d’initiatives similaires apparues il y a plusieurs mois, doit beaucoup à la révolte du 30 juin qui vient de déboucher sur le limogeage du président égyptien Mohammad Morsi. L’échec patent des Frères musulmans égyptiens dans la gestion des affaires de l’État est susceptible de remettre en cause les maigres acquis d’un « printemps arabe » qui jamais autant que ces jours-ci n’aura paru aussi chancelant.
Les retombées de la déroute égyptienne pourraient fort bien ne pas être conformes à la vision qu’en ont certains. Si Ennahda en Tunisie et le Hamas à Gaza représentent, à plus ou moins court terme, les premières victimes collatérales, el-Qaëda par contre a d’ores et déjà entamé auprès de ses adeptes une campagne sur le thème : il n’y a rien à attendre d’un changement par les urnes car « la démocratie est anti-islamique ». Autrement dit : « Préparons-nous à une guerre sans merci jusqu’à la victoire finale. »


Le paradoxe, il faut le chercher dans le fait que, malgré tout, du Golfe à l’océan les Frères musulmans demeurent la force politique la mieux organisée, la mieux implantée dans son élément naturel qui est le peuple et que, face à elle, il n’existe aucune alternative valable hormis l’armée dont les fils, il importe de le rappeler, sont aussi ceux de ce même peuple.

Débarrasser la Libye d’un tyran nommé Mouammar Kadhafi s’avéra somme toute aisé, grâce notamment à la coalition montée par l’Occident. Mais qui aujourd’hui sauvera le pays des milices qui l’ont mis en coupe réglée ? Créée il y a peu, une commission planche sur les moyens d’en finir avec cette gangrène qui menace de gagner l’ensemble du corps étatique. Mercredi dernier...
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