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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

Le rébus égyptien

Comment peser, étiqueter et classer un coup d’État qui n’en est pas tout à fait un, mais qui lui ressemble tout de même comme deux gouttes d’eau ? Compréhensible, prévisible même – et passablement hypocrite, néanmoins – est l’embarras que manifestent la plupart des capitales occidentales face au casse-tête politico-moral que constitue, pour elles, le déboulonnage du raïs égyptien, Mohammad Morsi.

Après tout, pensent ainsi les démocraties, voilà bien un président librement élu (le tout premier, en fait, dans les annales égyptiennes) soudain démis de son poste par l’armée. Il est vrai que la troupe se défend d’avoir exécuté un putsch en règle, assurant qu’elle n’a fait que soutenir les justes revendications de dizaines de millions de manifestants descendus dans la rue, et préservé ainsi l’ordre public. À quoi on peut très bien rétorquer, bien sûr, que les partisans de Morsi se comptent eux aussi par millions : des millions bien décidés à défendre chèrement leurs acquis, comme l’ont illustré les harangues et les incidents sanglants d’hier. Voilà qui, en sus des failles légales, paraît remettre en question la légitimité populaire dont se réclament les auteurs du coup de force.

Pour s’exprimer, les États du Moyen-Orient ne se seront pas encombrés, quant à eux, de tant de nuances. Si l’Iran s’est distingué par sa prudence, la Turquie modérément islamiste de Recep Tayyip Erdogan ne s’est pas privée de crier scandale ; la Syrie, quant à elle, ne pouvait que battre des mains. Significatives, cependant, sont les congratulations empressées qu’ont adressées aux nouveaux maîtres de l’Égypte les royaumes proaméricains du Golfe. Spectaculaire même est le virage en épingle à cheveux qu’a amorcé, à l’initiative de son tout nouvel émir, le Qatar, grand argentier des islamistes arabes qui avait littéralement inondé de dollars l’éphémère régime Morsi.

Non à la panacée islamiste ! Les Arabes auraient-ils donc su, mieux qu’ailleurs, déchiffrer ce message fort venant du plus grand des pays arabes : celui-là même, de surcroît, qui vit naître, il y a près d’un siècle, les Ikhwan ? L’Amérique a cru bon, jadis, de tâter du jihad pour déloger les Soviétiques d’Afghanistan; de fait, les Soviétiques ont reflué mais elle a récolté des taliban et d’el-Qaëda. George W. Bush s’est imaginé qu’en envahissant l’Irak il jetait les bases d’un Moyen-Orient nouveau, mais son équipée n’a fait qu’exacerber radicalismes et fanatismes sectaires. Même d’abattre Oussama Ben Laden n’est pas venu à bout de l’hydre terroriste, pas plus d’ailleurs que les assassinats ciblés au moyen de drones.

Cela dit, on veut bien croire que les Frères musulmans d’Égypte ne sont plus les adeptes d’assassinats politiques qu’ils furent notoirement à leurs débuts. Mais pas plus que leurs semblables dans les autres pays touchés par le printemps arabe, ils ne peuvent offrir un substitut valable aux dictatures classiques. De se réclamer du Créateur n’en fait pas des anges, mais d’autres dictateurs encore plus obtus et inefficaces que les premiers, car aveuglément doctrinaires. Et donc bien plus inquiétants, aux yeux non point des seules diverses minorités religieuses d’Orient, mais des musulmans eux-mêmes dans leur majorité, comme l’illustre cette révolution dans la révolution.

Reste à espérer que l’armée ne va pas se complaire longtemps dans le rôle d’arbitre qu’elle s’est octroyé, ce qui aurait pour résultat de renvoyer dos à dos les deux camps antagonistes et de ramener le pays tout entier à la case départ. Dans ce cas, il pourrait en aller de l’Égypte comme de la Syrie : entre dictature militaire et option théocratique, où donc pourrait aller se nicher la démocratie ?

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Comment peser, étiqueter et classer un coup d’État qui n’en est pas tout à fait un, mais qui lui ressemble tout de même comme deux gouttes d’eau ? Compréhensible, prévisible même – et passablement hypocrite, néanmoins – est l’embarras que manifestent la plupart des capitales occidentales face au casse-tête politico-moral que constitue, pour elles, le déboulonnage du raïs...

commentaires (1)

Faut dire peut être aussi.... que l'islam perçoit la "démocratie" comme une menace subliminale permanente ... ! et en même temps ..., comme une faiblesse d'état exploitable ... l'embryon de démocratie électorale existant en Egypte... était donc ,une chance inespérée ...! pour les frères musulmans et affiliés pour se faufiler perfidement ....au pouvoir paré du voile de la démocratie de circonstance .... En finalité ...c'est habile de la part des islamistes d'avoir joué ce jeu gagnant -gagnant ...pour mettre en œuvre et imposer dés que possible ...le concept obscurantiste de la charia ... Ben , le constat est là...c'est précisément ce que Morsi a tentait de faire....!

M.V.

10 h 53, le 07 juillet 2013

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Commentaires (1)

  • Faut dire peut être aussi.... que l'islam perçoit la "démocratie" comme une menace subliminale permanente ... ! et en même temps ..., comme une faiblesse d'état exploitable ... l'embryon de démocratie électorale existant en Egypte... était donc ,une chance inespérée ...! pour les frères musulmans et affiliés pour se faufiler perfidement ....au pouvoir paré du voile de la démocratie de circonstance .... En finalité ...c'est habile de la part des islamistes d'avoir joué ce jeu gagnant -gagnant ...pour mettre en œuvre et imposer dés que possible ...le concept obscurantiste de la charia ... Ben , le constat est là...c'est précisément ce que Morsi a tentait de faire....!

    M.V.

    10 h 53, le 07 juillet 2013

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