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À La Une - L'impression de Fifi ABOU DIB

Plus on proroge, moins on en a

Oh, mais que nous sommes reconnaissants à nos élus de s’être réélus eux-mêmes pour les 15 mois à venir, et plus s’il s’y plaisent encore. Au moins nous auront-ils épargné la peine d’aller aux urnes, comme nous l’avons fait quelques fois pour la beauté du geste, glisser sous le rideau des listes dont nous connaissions vaguement un ou deux noms, conscients d’engraisser des inconnus à ne rien faire au nom de la démocratie. Les voilà donc partis pour squatter le Parlement bien au-delà de leur date d’expiration, avec la bénédiction du Conseil constitutionnel qui se débine en soulignant que c’est pour notre bien. Car évidemment, mener des élections par les temps qui courent conduirait, devinez, à la guerre civile. Mince alors, la guerre civile, on ne connaît que trop, et personne n’a envie de voir ce vieux cancer récidiver. Personne, sauf...


Et si, question angélique, on s’ôtait le spectre de la guerre civile de la tête ? Si on laissait la génération vierge, née dans les années 90, vivre comme si tout cela n’avait jamais existé ? Si nous laissions nos enfants grandir sans l’obligation historique de haïr, ou pour le moins rejeter d’autres enfants de confession différente ? Si nous nous immunisions avec notre descendance contre ce poison endémique du communautarisme, seul responsable de tous nos malheurs, de notre fragilité sécuritaire, politique et économique ? Mais non, malades nous-mêmes, gangrenés par notre passé, nous croyons nous protéger en portant au pouvoir une classe politique perverse aux pratiques mafieuses et à la rhétorique abjecte. Il est temps de constater que non seulement cela ne protège personne, mais au contraire met tout le monde en danger.


Pire, comment élever nos jeunes dans ce climat délétère, comment leur transmettre quelque valeur quand le mauvais exemple est donné par ceux-là mêmes à qui nous, leurs parents, avons confié la destinée du pays ? Qu’ont fait à ce jour les Parlements qui se succèdent depuis que nous avons un semblant de paix ? Quelles lois, quelles réformes, quel progrès, quel exemple de coexistence, de justice et de tolérance nous ont-ils apporté ? Quel changement pour les femmes, pour les homosexuels, pour les plus fragiles de notre société déjà pas bien solide ? Quelles initiatives pour l’emploi ? Quelle gestion rationnelle de l’accueil des réfugiés syriens ? Nous n’avons assisté, en matière d’exercice du pouvoir, qu’à des déclarations hargneuses à l’encontre des adversaires politiques, et dans un langage fleuri qui aurait fait rougir la pire racaille des milices de 1975. Le vocabulaire est, en ce sens, le seul domaine où l’on puisse constater une évolution.


Quand les premiers dictateurs du printemps arabe sont tombés, nous avions ressenti une sorte d’envie en songeant que nous n’avions pas de nom à mettre sur notre mal-être. Nos épouvantails ne s’appellent ni Moubarak, ni Ben Ali, ni Kadhafi. Ils sont juste diffus, partagés entre plusieurs pôles. Mais s’ils tiennent, c’est grâce à notre complaisance.

Oh, mais que nous sommes reconnaissants à nos élus de s’être réélus eux-mêmes pour les 15 mois à venir, et plus s’il s’y plaisent encore. Au moins nous auront-ils épargné la peine d’aller aux urnes, comme nous l’avons fait quelques fois pour la beauté du geste, glisser sous le rideau des listes dont nous connaissions vaguement un ou deux noms, conscients d’engraisser des...
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