"Nous sommes là Tayyip. Où es-tu ?" Après plus de vingt-quatre heures de violents affrontements avec la police, des milliers de manifestants ont célébré samedi après-midi la reconquête de la place Taksim, au cœur d'Istanbul, en raillant leur cible favorite, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
Il n'aura fallu que quelques minutes pour que la clameur envahisse la place. Sitôt engagée la marche arrière sous les sifflets des policiers en tenue antiémeute, la foule s'est déversée à flots continus sur la place en criant victoire.
Les uns chantent à tue-tête l'Internationale, les autres tapent dans leurs mains ou dansent. Après les volutes irritantes des gaz lacrymogènes, c'est désormais un doux parfum de victoire qui se déverse sur Taksim.
Dans cette foule vibrante, tous les bords politiques sont représentés. De la droite nationaliste aux gauchistes revendiqués, des musulmans pratiquants aux laïcs purs et durs. Une poignée d'entre eux a recouvert de drapeaux multicolores le monument à la gloire du père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk.
Partout, la colère accumulée contre le gouvernement islamo-conservateur du Parti de la démocratie et du développement (AKP) au pouvoir depuis 2002, accusé de vouloir "islamiser" la société turque, se déverse sans retenue.
"Le gouvernement fait pression sur tout: 'faites trois enfants, non faites-en deux, non ne buvez pas, non ne fumez pas, ne vous baladez pas main dans la main avec votre amoureux si vous n'êtes pas sérieux'", rouspète une retraitée qui préfère ne pas décliner son identité. "Moi je suis une fille d'Atatürk et je m'y oppose. On partage tous ici cette idée, et c'est pour cela que nous sommes là".
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"Notre combat n'est pas terminé"
"Je ne pense pas que le gouvernement de l'AKP s'attendait à cela", se réjouit aussi un étudiant qui a demandé à rester anonyme : "Les gens se soulèvent pour empêcher une série d'interdictions imposées par un gouvernement qui ne nous comprend pas".
Malgré l'euphorie ambiante, certains restent plus prudents. Ils ont remporté une bataille, mais certainement pas la guerre déclarée au gouvernement.
"L'ambiance ici est heureuse et bon enfant. Aujourd'hui la police s'est enfin retirée", se réjouit Berk Sentürk, un directeur artistique. "Mais malgré cette foule immense rassemblée ici, le Premier ministre a déclaré qu'il allait continuer et que s'il le fallait, il détruirait également le centre culturel Atatürk derrière moi", poursuit-il. "Alors nous restons là, nous montons la garde", conclut-il.
"Notre combat n'est pas terminé", estime lui aussi Batuhan Kantas. "Nous sommes toujours dirigés par un Premier ministre qui pense que les gens sont des moutons et qui se prend pour un sultan", poursuit l'étudiant, âgé de 19 ans.
"Nous avons réussi à faire reculer la police", dit une institutrice de 38 ans identifiée sous le prénom de Leyla, "mais ce gouvernement est résistant comme de la colle et ne laissera pas tomber facilement".
Lors d'une de ses interventions samedi, M. Erdogan a concédé que les victoires électorales écrasantes de son parti ne constituaient pas "un ticket pour imposer la volonté de la majorité à une minorité".
Ces mots n'ont pas suffi à satisfaire les manifestants. Et encore moins à les désarmer. "Taksim est partout, la résistance est partout", a entonné un groupe de manifestants bien décidé à passer la nuit sur "leur" place Taksim.
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commentaires (6)
CORRECTION ! M E R C I : ".... Ces US et L E U R S D O L L A R S A M É R I C A I N S...................................." !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
09 h 33, le 03 juin 2013