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À La Une - Le billet

1er mai

À Madrid, devant un bureau pour l’emploi. Sergio Perez/Reuters

1er mai. Marissa Mayer est au boulot. Macallister aussi. Elle, 37 ans, est assise derrière son bureau, lui, 7 mois, trône dans son parc à jouets. Marissa a fait construire, sur ses deniers – qu’elle a nombreux – une garderie à côté de son bureau pour ne pas être trop loin de son petit.

En ce 1er mai, la big boss de Yahoo! fait la une pour des histoires d’avantages. Ceux dont elle bénéficie – 36,6 millions de dollars de salaire, primes et actions en six mois – et ceux dont elle a décidé de faire bénéficier ses employés – plus de congés maternité, cafétéria et iPhone gratuits, cadeaux pour la naissance d’un bébé ou l’adoption d’un chien.
À travers la porte vitrée de son bureau, elle tente de lire sur le visage de ses employés si les avantages qu’elle a octroyés ont fait passer la pilule des avantages qu’on lui a octroyés. Comme ça, par curiosité.

 


De l’autre côté de la porte vitrée, Nancy voit Marissa la fixer. Comme les autres employés de Yahoo!, elle a lu le salaire de Marissa. Elle s’en fiche un peu, ça fait un bail qu’elle a intégré l’échelle dézinguée des inégalités.
Pour le reste, elle prend ce qu’il y a à prendre et se demande ce qu’il y a à choper pour l’adoption d’un clebs. Les congés maternité, en revanche, c’est raté, Nancy a accouché il y a deux ans. Ce qu’elle n’a pas raté, c’est l’arrêt décrété par Marissa du travail à domicile. Pourtant, ça l’arrangeait bien Nancy de travailler de chez elle, rapport à son bébé. Elle regarde sa montre, elle est en retard, elle pense aux 45 minutes d’embouteillages qui l’attendent et à la nounou qui va râler. Mais Nancy ne se plaint pas, elle a un boulot, elle est bien payée, l’épidémie de chômage l’a épargnée.

 


Le chômage, François Hollande en cauchemarde la nuit à force d’y penser toute la journée. Stopper la hausse, enrayer l’escalade... il ne veut, il ne peut pas être le président des 1 000 chômeurs supplémentaires chaque jour.
François plonge pour la énième fois dans sa boîte à outils. A-t-il vraiment tout utilisé ? Clause d’insertion, c’est fait, contrat de génération, aussi, contrat d’avenir, idem, accords de flexibilité, en cours, convention d’objectif avec Pôle emploi, itou, emploi avenir, de même, crédit d’impôt compétitivité, en décollage...
Pas un outil de sa boîte qu’il n’utilise pas, pas un. Ce qui lui manque, ce ne sont pas les outils mais le temps, qu’on lui accorde juste un peu de temps pour continuer de bricoler.

 


Jean n’a plus le temps, plus le temps d’attendre. Cinq ans qu’il est au chômage. Il l’était sous Sarkozy, alors quand Hollande a dit « Le changement, c’est maintenant », Jean a voulu y croire. Dans quelques jours, Hollande va fêter son premier anniversaire à l’Élysée, Jean ses 5 ans à Pôle emploi et, dans la foulée, ses 50 printemps qui virent à l’automne. Jean n’a plus le temps d’attendre le changement. Chaque mois qui passe, chaque jour qui passe, l’éloigne un peu plus d’un nouvel emploi, il le sait, tout le monde le sait, son fils le sait. Il lit dans ses yeux son inquiétude, lui qui finit ses études dans un mois et se demande « et après le diplôme, quoi ? »

 


Leur diplôme, Nikos et Manuel l’ont décroché il y a un an. Depuis, ils cherchent un emploi. En ce 1er mai, Nikos et Manuel battent le pavé, le premier à Athènes, le second à Madrid. Ils manifestent contre la crise, contre l’austérité, contre l’horizon bouché, contre le sentiment si frustrant d’appartenir à une génération sacrifiée.
Puisque l’avenir ne leur sourit pas chez eux, Manuel et Nikos ont décidé de tenter leur chance sous d’autres latitudes. Leurs mères multiplient les ex-voto pour que leurs enfants trouvent un boulot.

 


Un boulot, Zahir en a un. Prenant même : six jours sur sept, dix heures par jour, il ramasse des fraises dans un champ grec de Manolada. La journée dans les champs, la nuit dans un taudis, la douche dans un tonneau... Zahir peut tout endurer, mais en contrepartie, il aimerait bien être un peu payé, ne serait-ce que les 22 euros mensuels qu’on lui a promis. Son dernier salaire, il l’a touché il y a six mois. Quand il a réclamé ses sous, avec quelque 200 collègues bangladais comme lui, les superviseurs, au lieu de délier leur bourse, ont déchargé leur fusil.
S’il pleure aujourd’hui, ce n’est pas sur son sort, mais sur celui de son cousin Imran, l’un des 500 employés morts écrasés dans l’effondrement d’un immeuble près de Dacca. L’immeuble abritait les ateliers textiles fournissant en vêtements les grandes marques du monde entier, un immeuble tout fissuré.

Le monde, paraît-il, est outré.

 

 

 

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