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Santé - Algologie

Le traitement de la douleur, une discipline en plein essor en Europe

Le traitement de la douleur est une discipline qui a toute sa place aux États-Unis et en Europe. Au Liban, la prise en charge de la douleur en est encore à ses premiers balbutiements.

La douleur aiguë est en rapport direct avec une lésion ou une situation pathologique, comme une chirurgie ou une inflammation.Photo tirée du site sante24.ma

La douleur n’est pas une fatalité et tout être humain a le droit d’être soulagé de sa souffrance. Ces principes constituent le leitmotiv de la Société libanaise du traitement de la douleur (SLTD) et de la Société libanaise pour l’étude de la douleur (LSSP) – chapitre libanais de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP – International Association for the Study of Pain) qui, depuis leur fondation, œuvrent à promouvoir la prise en charge de la douleur. Le pari n’est pas encore gagné, un long chemin reste encore à faire pour convaincre d’une part le corps médical et d’autre part les tiers payants de l’importance de cette pratique.
Pourtant, la prise en charge de la douleur est en plein essor aux États-Unis et en Europe où cette discipline a été introduite respectivement dans les années 1960 et 1970. Le Dr Dominique Fletcher, anesthésiste-réanimateur à l’hôpital Raymond Poincaré, professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin et membre de l’unité de recherche clinique sur la douleur Inserm 987, fait le point à  L’Orient-Le Jour. Le Dr Fletcher avait pris part aux travaux du congrès sur la douleur organisé récemment par la SLTD, en collaboration avec la LSSP.

Qu’est-ce que la douleur ?
Les manifestations douloureuses sont le témoin d’un traumatisme ou d’une lésion tissulaire, qu’elle soit réelle ou non réelle. En fait, les symptômes décrits par le patient sont souvent l’expression d’un traumatisme tissulaire, mais en pratique, celui-ci n’existe pas, bien que dans certaines situations, il est évident, comme dans le cas d’une fracture.
On distingue deux types de douleur. La douleur aiguë qui est en rapport direct avec une lésion ou une situation pathologique, comme une chirurgie ou une inflammation (infection dentaire, traumatisme au moment d’une chute...).
La douleur chronique par contre est un phénomène plus complexe qui s’installe dans le temps et dont les mécanismes ne sont pas simples. On qualifie de chronique tout phénomène douloureux qui persiste au-delà de trois mois.

Les deux types de douleur sont-ils différents ?
Pendant de longues années, la douleur aiguë et la douleur chronique étaient considérées comme deux entités complètement différenciées. Or la réalité est tout à fait autre. Il existe en fait des mécanismes impliqués dans la douleur aiguë qui peuvent persister au moment d’une douleur chronique, une inflammation postopératoire qui se prolonge dans le temps, à titre d’exemple. En outre, des phénomènes neurologiques qu’on estimait être exclusivement présents dans les douleurs chroniques peuvent apparaître très tôt dans une douleur aiguë, comme une lésion nerveuse postopératoire.
Dans la majorité des cas, la douleur aiguë disparaît spontanément parce que la cause qui en est responsable a disparu. Dans plusieurs cas, la douleur chronique devient un syndrome qui s’autonomise, c’est-à-dire qu’elle se transforme en maladie.

Quels sont les principaux traitements de la douleur ?
Il y a d’abord le traitement pharmacologique. Certaines classes de médicaments sont utiles dans les deux formes de douleur, comme les antalgiques classiques. D’autres classes plus puissantes, comme les opioïdes, peuvent être utiles dans les deux situations. Les modalités de prescription changent toutefois. En anesthésie-réanimation à titre d’exemple, nous utilisons largement la morphine à fortes doses en intraveineuse, puisqu’elle permet de traiter rapidement une douleur aiguë. Dans le cadre d’une douleur chronique, la gestion des opioïdes est plus complexe. Il faut prendre en considération les problèmes liés à la tolérance, aux augmentations de dose, à la dépendance, etc.
Il existe en outre des classes pharmacologiques qui, pour l’instant, sont exclusivement réservées au traitement de la douleur chronique, comme les antiépileptiques et les antidépresseurs. Il n’en reste pas moins que dans certains cas, ces médicaments sont indiqués pour une douleur aiguë.
De plus, nous avons recours à des techniques d’anesthésie locale pour soulager des douleurs aiguës postchirurgicales et parfois pour prendre en charge certaines douleurs chroniques.
La prise en charge de la douleur englobe aussi des approches psychologiques et comportementales pour aider le patient à mieux s’adapter à sa douleur.

Les opioïdes engendrent-ils une addiction ?
Non, dans le traitement d’une douleur aiguë. Dans la prise en charge des douleurs chroniques, par contre, ces substances sont efficaces dans le cas d’un cancer. Dans le cas des douleurs chroniques non cancéreuses, les problèmes qui se posent sont essentiellement les détournements d’utilisation et le mauvais usage. En effet, on ne peut pas baser le traitement d’une douleur chronique non cancéreuse sur des opioïdes. Si, dans certains cas, ces substances sont introduites, il faut que les doses soient mesurées et les objectifs clairs.

Existe-t-il de nouvelles avancées dans la prise en charge de la douleur ?
Les améliorations observées sont plutôt dans le maniement des produits existants que dans les révolutions thérapeutiques, de manière à mieux les adapter aux besoins d’un patient. De plus, une évolution a été notée dans la prise en charge des patients souffrant d’une douleur chronique, dans le sens où des équipes multidisciplinaires ont été mises en place.

Est-ce toujours l’anesthésiste qui prend en charge la douleur ?
Historiquement, les anesthésistes ont été pionniers dans ce domaine, d’autant qu’ils avaient la culture, la compétence et le savoir-faire nécessaires pour gérer les opioïdes, mais possédaient aussi des techniques de compétence adjuvante, comme les techniques d’utilisation des anesthésiques locaux. En France, une nouvelle génération de leaders est en train d’émerger. Elle n’est pas entièrement formée d’anesthésistes, mais compte essentiellement des neurologues et des rhumatologues.

Quelle place occupe la prise en charge de la douleur ?
C’est une place qui est maintenant stabilisée en France, dans le sens où l’installation des équipes douleur est légitime. On a finalement compris qu’en traitant bien la douleur, on est gagnant en termes de qualité de soins et de durée de séjour qui est réduit. Néanmoins, nous avons toujours une difficulté à légitimer les coûts qu’on représente en termes de performance de soins, c’est-à-dire qu’il faut continuellement démontrer qu’il vaut mieux qu’un patient aille dans un centre de douleur où il est pris en charge par une équipe multidisciplinaire plutôt que d’aller dans le cabinet d’un spécialiste.
La douleur n’est pas une fatalité et tout être humain a le droit d’être soulagé de sa souffrance. Ces principes constituent le leitmotiv de la Société libanaise du traitement de la douleur (SLTD) et de la Société libanaise pour l’étude de la douleur (LSSP) – chapitre libanais de l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP – International Association for...
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