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Culture - Exposition

Noyé(es) dans une noire réalité

Les cimaises de la galerie Mark Hachem accueillent, jusqu’au 5 mai, une série de photos de nus, « Drowned in Black Reality » (Noyé dans une noire réalité), signées Houssen Soufan.

Les femmes se taisent, gardent tout par devers elles.

Sur les murs blancs, les cadres noirs charbon vomissent des corps nus: femmes, hommes, corps entrelacés, exhibés, aux postures impudiques, mais toujours exhalant une violence palpable, accentuée par le fort contraste du noir et blanc. Pieds, mains, bras, ventres, seins, peaux, poils... des corps étalés en gros plan, comme torturés par l’œil du photographe qui cherche à leur faire avouer à tout prix...
«Qu’en pensez-vous? Qu’avez-vous ressenti en regardant l’exposition?» demande, amusé, le photographe, comme pour vérifier que son travail a bien eu l’impact escompté.
Visage poupin, sourire candide, regard doux, ton neutre, les apparences sont trompeuses! Houssen Soufan tient des propos durs, à la limite du supportable. Il retrace les histoires de ces photos «toutes basées sur de vraies histoires de vie», insiste-t-il.
Ses photos ancrées dans la réalité, qu’il qualifie de noire, se veulent le reflet de la violence dans laquelle vivent les femmes en Orient. «Je ne suis pas intéressé par le monde de l’imaginaire, de la fiction. Je veux découvrir la vérité sur la noire réalité», écrit-il en exergue de son exposition. Lui, le passeur, veut mettre à disposition son appareil photo, son savoir-faire, sa sensibilité, pour donner à ces femmes droit au chapitre, leur permettre ainsi, peut-être, de panser ces plaies béantes, de reconstruire ces vies brisées.
Jeune photographe syrien, né en Espagne, de mère libanaise, Houssen Soufan a grandi à Beyrouth et s’est formé au Canada et aux États-Unis, ajoutant à la photographie un doctorat de philosophie du langage corporel au théâtre.
Installé à Damas, et après des travaux sur la mort et sur le viol, il commence en 2004 le projet des corps nus. «J’étais assis un jour dans un café à Damas, dans mon coin, quand une jeune femme, à peine 18 ans, s’est adressée à moi et m’a dit qu’elle souhaitait me confier quelque chose, raconte le photographe. Elle m’a remis un paquet de 14 cahiers entourés d’un ruban.» Des cahiers dans lesquels la jeune femme avait consigné toute sa jeune vie, dans les moindres détails, «des événements les plus anodins aux faits les plus marquants, les plus traumatisants, raconte Houssen Soufan. Des choses qu’elle a vécues, dans leurs détails crus, abrupts. Les mains d’un homme – son père – qui la touche, la caresse, la pénètre, la viole. Et elle, gardant le silence, pour protéger sa mère...» Ce qu’il lit dans ces cahiers ne fait que le conforter dans son projet: la nécessité de donner, à travers la photo, la parole aux femmes.
De les libérer.
À partir de cet épisode, il comprend mieux les femmes, «mes filles», comme il les appelle tendrement, et se dit très sensibilisé par les violences qui leur sont faites. «Les jeunes femmes dans nos sociétés aujourd’hui ne savent pas si elles sont vivantes ou mortes, s’emballe-t-il. Cette jeune femme sur cette photo, personne n’a vu son corps à part les 5 hommes qui l’ont violée et moi qui l’ai photographiée.» Toutes ces femmes, Houssen Soufan souffre de les voir enfermées, violentées, violées, terrorisées par la société. Par-dessus tout, il souffre de les voir muettes. Sont-elles plus fragiles que les hommes? «Les femmes ne sont pas plus faibles ou fragiles que les hommes, mais elles se taisent. Elles ne disent rien, gardant tout par devers elles. Les hommes eux ne se taisent pas», affirme le photographe. D’où le choix qu’il a fait, à travers ses photos, de donner la parole aux femmes et, plus particulièrement, aux jeunes femmes. Une parole qui, bien que divulguée, reste leur entière propriété: en effet, les photos ne sont pas titrées et tous les visages y sont dissimulés.
Comment le public accueille ces clichés? «Les gens sont dérangés par ces femmes nues», dit Houssen Soufan. «Ils sont toujours prisonniers des coutumes, des préjugés. Ils ne laissent pas sortir le cri libérateur» regrette-t-il.

*L’exposition « Drowning in Black Reality » de Houssen Soufan, à la galerie Mark Hachem (Salloum Street, centre-ville de Beyrouth) jusqu’au 5 mai.
Sur les murs blancs, les cadres noirs charbon vomissent des corps nus: femmes, hommes, corps entrelacés, exhibés, aux postures impudiques, mais toujours exhalant une violence palpable, accentuée par le fort contraste du noir et blanc. Pieds, mains, bras, ventres, seins, peaux, poils... des corps étalés en gros plan, comme torturés par l’œil du photographe qui cherche à leur faire avouer...
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