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À La Une - En dents de scie

Un Salam sur deux

Seizième semaine de 2013.
Hassan Nasrallah est en Iran. Ou pas. Finalement, c’est un non-événement, une info négligeable ; ce n’est pas comme s’il était reçu à La Mecque ou à Djeddah par Abdallah ben Abdel Aziz. Plus important est l’objectif présumé de cet hypothétique déplacement : ce qui est sûr, s’il y est, c’est qu’il a été convoqué pour parler Syrie. Pour parler de la mère des batailles : celle de Damas. Pour parler de l’implication de l’Iran dans cette guerre ; donc, de facto, de celle de sa marionnette, le Hezbollah. Ce qui est sûr, s’il est à Téhéran, c’est que Hassan Nasrallah y a été pour recevoir, directement de bouche à oreille, les ordres perses. Et dynamiter jusqu’à ses moindres atomes le concept, déjà dégénéré, de distanciation.
Il y a pourtant quelque chose de terrible dans ce conflit syrien passé au décodeur libanais. Et qui concerne en premier chef M. Nasrallah. Quelque chose qui transcende le cynisme. Quelque chose à la fois d’immonde et de rassurant, quelque chose d’humain – trop humain. Arrivera-t-on un jour à remercier ce peuple de Syrie, vaillant, résilient et pugnace comme jamais, parce que la révolte qu’il a initiée, la guerre civile dans laquelle le gang des Assad l’a plongé, a permis aux miliciens sunnites et chiites du Liban d’aller s’entre-tuer ailleurs que sur le territoire libanais ? D’aller s’entre-tuer par Syriens interposés ? De recréer, avec un plaisir qu’ils arrivent difficilement à cacher, une vraie guerre civile, en bonne et due forme, quelque chose qui manquait viscéralement à ces hezbollahis et autres islamistes/salafistes de tous poils ; de ressusciter de nouveaux mai 2008 ou de satisfaire des revanches glacées depuis longtemps ruminées ? Ce serait effectivement abject. Mais furieusement naturel : pour l’instant, cette vie par procuration évite au Liban et aux Libanais bien des horreurs.
Pauvres de nous, Libanais : il faut toujours que l’on se batte pour les autres. Même pas pour des idées, des idylles ou des concepts, essentiels mais ronflants qui finissent, pour la plupart, en té ; même pas pour des valeurs, aussi discutables ou honorables soient-elles ; juste pour les autres. Même pas des légionnaires. Des mercenaires.
En attendant, en échappant à un monstre, on tombe directement dans les pattes d’un autre. À la date du 12 avril 2013, 416 000 réfugiés venus de Syrie se sont officiellement enregistrés auprès des organismes onusiens installés au Liban. Ce qui veut dire, mathématiquement, qu’il se trouve sur le territoire libanais au moins le double. Alors il y a les rumeurs, parfois des plus crétines : Ils sont là pour rester. Alors il y a le racisme quotidien, un peu poudré de pseudo-patriotisme, celui des ministres sortants et autres députés aounistes, toujours aux premières lignes dès qu’il s’agit de décrocher la palme du poujadisme et de la surenchère chrétienne métastasée. Alors il y a la réalité, nue : cette catastrophe humanitaire sur le point d’exploser, ces conditions de survie animales, ces centaines d’enfants malades de gale, ces poux qui se multiplient à une vitesse insensée, mais aussi tous ces délits, et parfois ces crimes, que ces réfugiés commettent, bon gré mal gré, et qui finiront par provoquer cent et une spirales.
Un homme a eu cette semaine des mots métalliques mais aussi des mots du cœur pour parler, en plein Palais de Verre devant les ambassadeurs des Quinze, au nom du Liban. Un homme qui a fait le boulot de tous les responsables libanais, à commencer par le très remplaçable Adnane Mansour – à l’exception notable du ministre sortant des Affaires sociales, Waël Bou Faour, qu’il a d’ailleurs judicieusement cité. Au nom de tous ceux qui ont souffert, qui souffrent et qui risquent de continuer à souffrir longtemps, je vous dis : stop ! Usez de votre influence, aujourd’hui et pas demain, pour sauver le peuple syrien et toute la région d’un désastre annoncé. Ce cri est celui du représentant du Liban à l’ONU, Nawaf Salam. Un cri adressé aux Quinze, et à travers eux au monde – un cri, naturellement, dans le désert.
À moins qu’à Mousseitbé, on ne l’entende. Que le bon cousin Tammam n’ait la lumineuse idée d’insister pour l’avoir, même pour quelques mois, au palais Bustros. Pour effacer des années de malfaçons absolues, entre Ali Chami, Mahmoud Hammoud, Fawzi Salloukh et le dernier, le plus aguerri, des ministres des Affaires étrangères iranien bis, Adnane Mansour himself. Tarek Mitri étant (très) occupé en Libye, Nawaf Salam, bien plus que tous les Jean Obeid ou les Mohammad Chatah du Liban, serait exactement the right man at the right place dans ce palais Bustros rouge de honte et dans lequel entrent chaque jour, presque à reculons, des ambassadeurs extrêmement gênés et emplis de pitié. Ou de condescendance. Même le Russe. Même le Syrien...

 

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