Pour mieux comprendre les contours de la prochaine étape, il faudrait sans doute déchiffrer les véritables conditions dans lesquelles le Premier ministre Nagib Mikati a présenté la démission de son gouvernement. M. Mikati s’est empressé, certes, de dire qu’il a pris sa décision à la suite d’un cumul de faits internes qui l’ont convaincu du fait que ce gouvernement ne pouvait plus remplir la mission qu’il s’était fixée. Mais des sources du 8 Mars préfèrent lier les motifs de la démission aux derniers développements régionaux, qui ont évidemment des répercussions sur la scène interne.
Selon les sources du 8 Mars, le plus simple serait de dire que le gouvernement actuel a été formé à un moment précis pour permettre au Liban de rester à l’écart de la crise syrienne avec un minimum de stabilité. Mais presque deux ans après la formation du gouvernement, la situation régionale et le contexte global ont changé. La démission est donc intervenue à un moment particulier où un plan international, arabe et régional est en train d’être exécuté pour resserrer l’étau autour de la Syrie, tout en cherchant à affaiblir ses alliés, en particulier l’Iran et le Hezbollah au Liban. Les pays voisins de la Syrie sont donc en première ligne. Les pressions américaines ont ainsi augmenté sur l’Irak, par le biais de la visite du secrétaire d’État John Kerry à Bagdad. Ce dernier a demandé au Premier ministre Nouri al-Maliki de fouiller strictement les avions iraniens qui survolent l’espace aérien de l’Irak en direction de la Syrie, pour intercepter les armes.
En même temps, l’administration américaine a augmenté ses pressions sur la Jordanie pour l’obliger à intervenir directement dans le conflit syrien à travers la création de camps d’entraînement pour les combattants de l’opposition syrienne et à travers l’ouverture des frontières à ces mêmes combattants, moyennant l’octroi de 200 millions de dollars au royaume hachémite, officiellement en guise d’aide aux déplacés syriens. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que la province de Deraa (à la frontière avec la Jordanie) s’est brusquement embrasée, après être restée calme pendant des mois. Dans le même esprit, l’Arabie saoudite, qui a acheté des armes sophistiquées en Croatie, souhaite les remettre à l’opposition syrienne, via la frontière jordanienne.
De plus, la démission du gouvernement Mikati est intervenue alors que le président américain en visite dans la région a qualifié à plusieurs reprises le Hezbollah d’organisation terroriste et au moment où certaines informations diplomatiques affirment que la France serait désormais prête à accepter de placer le Hezbollah (ou sa branche militaire) sur la liste des organisations terroristes en se basant sur les résultats de l’enquête sur l’attentat en Bulgarie.
Tous ces développements, qui se sont produits presque simultanément, poussent les sources proches du 8 Mars à estimer que le gouvernement actuel ne pouvait pas rester en fonction, sa position devenant de plus en plus délicate. C’est d’autant plus probable qu’en dépit des efforts du Premier ministre Mikati et de l’influence du bloc dit centriste (formé des ministres du président Sleiman, ceux du Premier ministre et ceux de Walid Joumblatt), le Hezbollah et ses alliés y restent largement majoritaires. Dans ce contexte d’escalade au niveau du dossier syrien, le Liban serait donc appelé par la force des choses à jouer un rôle plus actif, sur le plan politique, mais aussi sur le terrain, notamment à travers ses frontières, mais aussi au niveau de l’accueil des déplacés syriens, dont le nombre pourrait augmenter en raison des combats autour de Damas. Et pour lui permettre de remplir ce rôle, il est nécessaire d’affaiblir le Hezbollah et de ne pas lui laisser la haute main sur le gouvernement.
Les sources proches du 8 Mars ajoutent qu’à la veille du sommet américano-russe en juin prochain, ceux qui veulent la tête du régime syrien auraient décidé de lancer une grande opération qui devrait permettre à l’opposition de marquer des victoires sur le terrain pour renforcer la position du président Obama dans d’éventuelles négociations. Soit le régime tombe et Obama pourra alors poser ses conditions, soit il est sérieusement affaibli et les discussions seront à l’avantage des États-Unis et de leurs alliés. Les mêmes sources précisent qu’il y a deux scénarios possibles : soit l’opposition syrienne se sent assez forte pour lancer la bataille de Damas, soit elle se contente de prendre le contrôle de nombreuses provinces de manière à isoler le régime dans sa capitale. Mais en tout état de cause, les deux prochains mois s’annoncent difficiles et le Premier ministre Nagib Mikati, qui suit de près les développements, aurait compris que son gouvernement dans sa forme actuelle ne pourrait pas gérer une situation aussi complexe.
Deux scénarios sont désormais possibles : soit dans un sursaut national, les parties libanaises parviennent à s’entendre sur un gouvernement d’union nationale où toutes les parties seraient représentées, et là Mikati se considère comme un candidat plausible pour présider un tel gouvernement ; soit chaque partie continue de camper sur ses positions, un œil sur les développements en Syrie, l’autre sur les élections législatives. Dans ce dernier cas – qui reste hélas le scénario le plus probable – un nouveau Premier ministre pourrait être désigné, mais le processus de formation du gouvernement serait long...Et le gouvernement actuel continuera de gérer les affaires courantes, sans avoir à assumer toutes les responsabilités de l’exécutif.
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commentaires (5)
Les hommes politiques au Liban ne sont plus dignes depuis longtemps de cette terre ni du peuple libanais ni de son histoire, quoi qu' elle fasse cette classe politique elle ne fait qu aggraver la situation.... Il n y a plus un homme ou une femme d ETAT qui sort du lot, ils pensent avoir été et pensent l'être encore...c est simplement de l'ignorance.
CBG
15 h 40, le 04 avril 2013