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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

L’autre bout du monde

Premier pape jésuite, premier pape natif des Amériques, premier à choisir pour son pontificat le nom de François, en référence au saint homme d’Assises qui renonça à ses immenses biens pour vivre dans la pauvreté. Par voie de conséquence, Jorge Mario Bergoglio est aussi le premier pape à manifester, à peine installé sur le trône de Saint-Pierre, une aussi singulière humilité que celle qui le porte à aller régler en personne sa note d’hôtel ou à dédaigner la papamobile blindée, lui préférant l’anonyme minibus affecté aux déplacements en groupe des cardinaux.

 

(Lire aussi : Pourquoi François?)


Trop beau pour être vrai est néanmoins le tableau pour certaines âmes chagrines, tant il est vrai qu’en ce bas-monde nul n’est parfait. D’aucuns font déjà valoir qu’à 76 ans, l’ancien archevêque de Buenos Aires, qui de surcroît succède à un vieillard cédant aux atteintes de l’âge, n’est pas exactement, à son tour, de prime jeunesse. Certains autres se préoccupent des séquelles éventuelles d’une ablation partielle du poumon subie il y a des décennies de cela. Plus malignement encore, d’autres évoquent les rapports ambigus qu’il aurait entretenus avec la dictature argentine des années 70/80, lui reprochant en somme d’avoir réussi à obtenir la libération de deux prêtres jésuites séquestrés et torturés par la junte.

Il en faudra plus sans doute pour vaincre l’évidente volonté de cet homme, dont le souci des déshérités est entré dans la légende, d’œuvrer à une Église catholique plus proche de ce peuple dont il sollicitait lui-même les prières le soir de son élection. Une telle révolution – car c’en est bien une –, c’est avec doigté cependant, dans le constant souci d’équilibre entre simplicité et rituel, entre dénuement des premiers chrétiens et ors liturgiques, que le nouveau pape devra la conduire, du moins dans les formes. Depuis des temps immémoriaux en effet, les chatoiements du décorum n’ont cessé d’en imposer aux fidèles de diverses croyances. Les cinéphiles penseront irrésistiblement à ce sketch du film italien de 1978 Les Nouveaux Monstres, où l’on voit un superbe Vittorio Gassman de monsignore, immobilisé par une panne d’automobile dans un village perdu, reprendre en main, par le seul prodige de son verbe et de ses emphatiques effets de manche, une population ouvrière et anticléricale qui avait laissé tomber en ruines l’église du lieu...

Quant au fond, le souverain pontife devra s’attaquer à une série de dossiers sensibles, allant de la réforme de la curie au dialogue entre religions. Il a déjà fait part de son souhait de contribuer au progrès des relations entre catholiques et juifs. Il ne manquera sans doute pas de formuler le même vœu à l’adresse, cette fois, des musulmans, qui n’ont pas tous oublié le discours vivement controversé que prononçait Benoît XVI en 2006 à l’université de Ratisbonne. Que son Amérique du Sud natale, réservoir humain des catholiques, soit au centre des préoccupations du pape que l’on s’en est allé chercher, selon ses propres dires, au bout du monde, est naturel, bien sûr. Mais bien plus proche de Rome que la Patagonie demeure cet Orient arabe où toutes sortes d’extrémismes étendent leur menace sur le berceau même de la chrétienté. C’est par ce bout du monde qu’il serait juste de commencer.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb
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P-S : Dans le cadre de l’année de la coopération internationale sur l’eau du Moyen-Orient décrétée par l’ONU, une conférence des médias se tiendra au début de la semaine prochaine à Istanbul, réunissant de nombreux organes de presse, dont L’Orient-Le Jour, aux côtés de spécialistes mondiaux des questions hydrauliques. Cette rencontre est organisée par le groupe de presse turque Zaman, en collaboration avec le groupe de réflexion international Strategic Foresight et les Agences helvétique et suédoise pour le développement et la coopération. Le prochain éditorial sera donc daté du samedi 23 mars.

Premier pape jésuite, premier pape natif des Amériques, premier à choisir pour son pontificat le nom de François, en référence au saint homme d’Assises qui renonça à ses immenses biens pour vivre dans la pauvreté. Par voie de conséquence, Jorge Mario Bergoglio est aussi le premier pape à manifester, à peine installé sur le trône de Saint-Pierre, une aussi singulière humilité que...
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