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Débordée à Majdel Anjar, MSF tente de gérer une situation ingérable

Réfugiés libanais et syriens, une même misère

Des promesses, c’est tout ce qu’a obtenu une famille libanaise réfugiée de Syrie, installée dans un taudis à Marj, dans la Békaa.

Dans ce taudis à Marj dans la Békaa vivent 27 réfugiés, dont 13 enfants, libanais dans leur grande majorité.

À l’entrée d’un champ agricole de la localité de Marj, un taudis abrite quatre frères et sœurs réfugiés de Syrie avec leurs familles, 27 personnes au total, parmi lesquelles une femme âgée et 13 enfants. Dehors, du linge sèche au soleil. Devant ce qui leur sert de logement, coincé entre la rue principale et des amoncellements de terre jonchée de poubelles, les plus jeunes jouent avec ce qu’ils trouvent. Pieds nus ou chaussés de pantoufles trop grandes pour leurs pieds, sales et décoiffés, ils jouent dans la boue au milieu des poubelles, se disputent un vieux vélo fatigué et un clavier d’ordinateur démantelé. Les adolescents, plus soignés, dorment, regardent la télévision, ou restent assis, à ne rien faire. Les adultes, eux, sommairement installés à l’entrée de leur « maison », partagée en quatre pièces sans meubles, sirotent un léger café à la cardamome.


Depuis leur arrivée au Liban, il y a sept mois, les membres de cette grande famille vivent dans cette remise agricole désaffectée, prêtée par un proche. Après leur avoir fourni un réfrigérateur, un ventilateur et un petit réservoir d’eau, ce dernier réclame aujourd’hui 300 dollars qu’ils devront payer avant le mois d’avril. Une somme énorme pour ces réfugiés qui n’ont pas la moindre rentrée financière et ne bénéficient d’aucune aide, hormis quelques milliers de livres qu’ils récoltent du tri des poubelles. Sans parler de l’état de dégradation avancée de la bâtisse, impropre à l’habitat, aux portes et fenêtres sans vitres, aux murs rongés par l’humidité et l’eau de pluie, aux toilettes sommaires, aux douches inexistantes, à la saleté ambiante.


Ils trient les poubelles pour survivre
Cette famille de réfugiés de Syrie ressemble à toutes les familles syriennes démunies qui ont trouvé refuge au Liban. Sans instruction, elle vit dans la même misère extrême, traverse les mêmes difficultés, supporte sans broncher l’exploitation et le manque d’aide. Et pourtant, les membres de cette famille sont en grande majorité libanais. Des Libanais de Syrie. Après avoir grandi et travaillé là-bas, dans la région damascène de Barazé en tant que chauffeurs ou petits commerçants, les voilà de retour dans leur pays d’origine, pour avoir été menacés de mort. « Les membres de l’Armée syrienne libre ont donné 72 heures aux Libanais, aux Palestiniens et aux Jordaniens pour quitter la région », raconte un des hommes, père de quatre enfants. « Nous voilà ici sans ressources, avec les affaires que nous avons pu emporter, et quelques matelas en éponge et couvertures que la mosquée al-Azhar a bien voulu nous offrir à notre arrivée », renchérit l’autre homme, dont la femme, enceinte de sept mois, est d’une maigreur inquiétante. « Regardez ces bâches données à la hâte par une voiture de l’ONU de passage dans la région. Elles sont censées protéger notre abri de l’eau de pluie », poursuit-il, dégoûté.


Les deux frères ont bien tenté de trouver du travail, mais ce qu’on leur propose ne dépasse pas 6 000 LL par jour, selon leurs propos. Pour survivre, ils trient les poubelles dans une ancienne étable attenante à leur taudis et revendent tout ce qui peut leur rapporter de quoi nourrir leur famille. « Nous n’avons parfois rien à donner à manger à nos enfants, déplore le plus âgé d’entre eux, 37 ans, montrant du doigt un petit plat de pâtes de la veille, précieusement gardé de côté. Nous avons revendu le seul bon de mazout que nous a offert une association, pour acheter de la nourriture. » Pas question donc pour eux de se chauffer. Le poêle qui leur a été offert est cassé. Ils n’ont pas de quoi le réparer. Ils se contentent alors de ramasser de vieilles branches de bois mort et de les faire brûler.

Trois enfants sur treize sont scolarisés
La situation de cette famille, qui tient à ne pas révéler son nom, n’a rien d’enviable. Déboutée par le HCR, pour la simple raison qu’elle est libanaise, elle attend toujours l’assistance promise par le ministère des Affaires sociales depuis déjà six mois. « On nous avait pourtant assuré que l’aide interviendra en début d’année. Mais toujours rien. » Repérée par Médecins sans frontières, elle garde l’espoir, même si elle n’a pas les moyens de se rendre au dispensaire de l’organisation : pour le futur bébé qui doit bientôt naître et qui arrivera au monde dans le plus grand dénuement, sans vêtements, sans couches, sans chauffage, sans hygiène ; pour les enfants dont seulement trois vont à l’école, car il faut payer l’inscription et les frais d’autocar. Mais aussi pour les adultes malades, cardiaques, hypertendus ou dépressifs.


Sans compter que les enfants de la branche syrienne de la famille, s’ils ont été enregistrés auprès du HCR, n’ont pas été admis à l’école publique de Marj, malgré les recommandations fermes du ministère de l’Éducation. « On m’a dit que je m’étais prise trop tard et que mes enfants ne pouvaient être admis », déplore la sœur des deux hommes, épouse d’un Syrien et mère de cinq enfants, dont trois adolescents. « J’ai juste tardé de quelques jours », assure cette ancienne femme de ménage, assise au chevet de son mari alité, qui avoue tristement que ses enfants ne vont plus à l’école depuis bientôt deux ans.
Y aura-t-il quelqu’un pour écouter ou voir la grande misère de cette famille ?

 


À l’entrée d’un champ agricole de la localité de Marj, un taudis abrite quatre frères et sœurs réfugiés de Syrie avec leurs familles, 27 personnes au total, parmi lesquelles une femme âgée et 13 enfants. Dehors, du linge sèche au soleil. Devant ce qui leur sert de logement, coincé entre la rue principale et des amoncellements de terre jonchée de poubelles, les plus...