Dans la course aux points que se livrent la majorité et l’opposition au sujet de la loi électorale, l’avantage est désormais... à l’ambassadrice des États-Unis Maura Connelly. Dans une réédition d’une attitude à la « Jeffrey Feltman » en 2005, l’ambassadrice des États-Unis a réussi lundi à redistribuer les cartes, en lisant un communiqué à partir de Aïn el-Tiné, pour bien montrer la solennité de son attitude, dans lequel elle a réclamé la tenue des législatives à la date prévue.
On se souvient qu’en 2005 et en dépit de la volonté de certaines parties libanaises, dont Walid Joumblatt, de reporter l’échéance électorale en raison de la confusion qui régnait après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, les États-Unis, par la voix de leur ambassadeur à Beyrouth Jeffrey Feltman à l’époque, avaient insisté sur la tenue des élections législatives à la date prévue. Cette position ferme avait été écoutée, précipitant la conclusion de la fameuse alliance quadripartite (entre le PSP, le courant du Futur, le Hezbollah et Amal) qui avait permis la victoire du 14 Mars aux élections de mai-juin 2005. Aujourd’hui, l’ambassadrice des États-Unis, selon les sources du 8 Mars, tente de pousser les parties libanaises à organiser le scrutin législatif à la date prévue, quitte à devoir se baser sur la loi de 1960, faute de l’adoption d’une nouvelle loi. Chaque camp peut interpréter l’attitude de Mme Connelly à sa manière, mais les voix du 8 Mars commençant déjà à dire que les États-Unis veulent garantir une victoire du 14 Mars à travers la loi de 1960, par crainte d’un changement dramatique des rapports de forces internes en relation avec les développements en Syrie, alors que les sources du 14 Mars préfèrent penser qu’au contraire, il s’agit de ne pas laisser le 8 Mars remporter les élections alors que le régime syrien va tomber au cours du mandat du nouveau Parlement.
Ce qui est sûr, c’est que l’ambassadrice des États-Unis a choisi Aïn el-Tiné pour annoncer la position officielle de son pays, au moment où de plus en plus de pays européens sont en train d’évoquer la possibilité d’un report du scrutin, pour des raisons techniques ou autres. À ce sujet, certains estiment que le président de la Chambre était au courant du contenu du communiqué lu par l’ambassadrice, d’autres, au contraire, croient qu’il a été pris de court, comme tout le monde. Mais, en réalité, il s’agit là d’un détail. L’élément le plus important pour Berry est que les États-Unis cherchent à imposer leur point de vue et que la signature par le chef de l’État et le Premier ministre du décret de convocation du corps électoral sur la base de la loi actuellement en vigueur va dans ce sens. Selon les proches du chef du législatif, il serait assez irrité par la signature par le président de la République et par le Premier ministre du décret de convocation, alors qu’ils sont censés travailler de concert avec lui, pour tenter de trouver une issue à la crise.
Toutefois, au moment où le 8 Mars (pour simplifier l’équation) croyait avoir marqué un point avec l’adoption du projet dit orthodoxe par les commissions conjointes, Mrs Connelly a rappelé tout le monde à l’ordre. Elle est donc désormais entrée en campagne en faveur de la tenue des législatives à la date prévue... sur la base de la loi de 1960, puisqu’on voit mal comment après des mois de débat, les blocs parlementaires pourraient en deux semaines s’entendre sur une nouvelle loi et l’adopter au Parlement.
Une source du 8 Mars estime, à ce sujet, que la situation a changé depuis 2005 et que les États-Unis, qui sont aujourd’hui en position de régression dans le monde et qui se retirent de plus en plus de l’avant-scène, ne sont pas en mesure d’imposer la tenue des élections au Liban à la date prévue. La position de Mrs Connelly va donc, poursuit la même source, dans le sens du report des élections, qui, au fond, convient à toutes les parties locales. Faute de s’entendre sur une nouvelle loi électorale, celles-ci sont donc quasiment d’accord pour reporter l’échéance électorale. Et les propos de l’ambassadrice des États-Unis visent essentiellement à court-circuiter l’éventuelle convocation d’une séance plénière par le président de la Chambre qui aurait abouti au vote en faveur du projet « orthodoxe ».
Désormais, si Berry convoque le Parlement à une réunion pleinière, les députés des Forces libanaises et des Kataëb devraient, en toute logique, soit ne pas y assister, soit ne pas voter en faveur de ce projet. Dans ce cas, le projet dit orthodoxe n’obtiendrait plus la majorité des voix des députés. Il faut noter à cet égard que l’adoption d’une loi électorale – qui est une loi ordinaire – se fait à la majorité des députés présents au sein de l’hémicycle au moment du vote, sachant que l’ouverture de la séance exige un quorum de la majorité des députés (65). Ce qui faciliterait la tenue d’une séance et c’est la raison pour laquelle, ajoutent des sources majoritaires, l’ambassadrice des États-Unis serait intervenue à travers son communiqué.
La nouvelle équation serait donc la suivante : ni projet « orthodoxe » ni loi de 1960 et comme il n’y a pas de compromis en vue, les élections se dirigent forcément vers le report. Mais aucune partie n’ose pour l’instant se déclarer en faveur de ce report et le scénario d’une justification plausible n’a pas encore été trouvé.
Mais, comme par hasard, l’état de la sécurité s’est brusquement dégradé, du Nord à Saïda au Sud, en passant par Beyrouth, comme s’il y avait pour tous ces débordements sécuritaires un même chef d’orchestre, le fameux « maestro des crises » qui reprend du service au Liban.
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commentaires (7)
Pour le scénario, l'équipe est au complet !
SAKR LEBNAN
19 h 43, le 06 mars 2013