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Culture - Exposition

Les abstractions, reflets de la vie, au souffle cadencé de Jamil Molaeb

À soixante-quatre ans, pour sa dernière production picturale, Jamil Molaeb, égal à lui-même et à son inspiration, avec la maturité en plus, offre une vingtaine d’huiles, colorées, d’une fraîcheur décapante, nanties d’un certain mouvement cinétique au souffle cadencé, sur les cimaises de la galerie Janine Rubeiz.*

«Yaoumiyat el-Rif», une des toiles de la nouvelle griffe de l’artiste.

Les cheveux blancs comme neige sous son béret vissé sur la tête, mêlant les tons vert bouteille d’un pull-over au marron brûlé d’une veste en velours côtelé, Jamil Molaeb respire, comme sa peinture, la sérénité et le calme des gens qui aiment la nature et la poésie. Et dont ils s’en inspirent, en toute confiance et jubilation.
Il vit à Bayssour entre ses pins, son verger, son atelier et ses lectures d’Adonis (un ami vénéré), de Mahmoud Darwich, Talal Haïdar et Mohammad el-Maghout... Belle compagnie pour cerner ses couleurs, ses dessins et sa peinture.
Depuis 1966, plus de trente expositions individuelles à son actif et toujours ce retour à Aref Rayess qui l’a tant influencé à ses débuts. Mais, depuis, il y a eu l’éblouissement de Fès, du Maroc, de l’Algérie où il a fait ses études.
De la sculpture à la mosaïque, en passant par le fusain et le pinceau, Jamil Molaeb confesse avoir toujours eu un penchant pour l’art.
«J’ai commencé à dessiner très tôt, c’est-à-dire dès que j’ai touché un crayon...» dit-il sans plus de précision. Aujourd’hui, ses toiles ont pour base, comme toujours d’ailleurs, le dessin.
Lignes, traits et tracés solides, adroits et concis qui charpentent et cimentent son œuvre. Ici, à deux volets. Comme si passé et souvenirs fusionnent avec l’instant présent pour jeter un pont fait de richesse et d’inépuisables découvertes.
D’abord ces femmes. Bahija, Samira et ses camarades...Ces femmes d’une grande pureté, retrouvées au paradis.
«Depuis mes voyages au Maghreb, la femme en blanc m’a toujours fasciné, confie-t-il, et j’ai toujours représenté ma mère, ma sœur, une cousine...» Monde lumineux et tendre qu’on retrouve justement ici, dans des contours parfois fauvistes.
Regard de velours, livre en main et les voiles blanches de ce «Mandil» à la grâce évanescente. Et puis, telle une odalisque pudique sur le lit, vêtue d’une modeste robe d’intérieur, entre carafe, plateaux de fruits secs et un décor évasif, une femme allongée, jambe au repos, la tête (et le grain de la peau, très gauguinienne ») appuyée sur un coude replié.
Mais la nouvelle griffe de l’artiste est plus dans ces mégatoiles (cela va de 230 x 165 cm au 158 x 300 cm, en passant par 165 x 125 cm) d’une savante architecture, faussement abstraite. Abstraction dentelée comme des espaces recouverts d’une fine mosaïque ou le déploiement d’étoffes aux aunes généreuses, empreintes de motifs ethniques (signes pharaoniques ou sumériens) ou représentations détaillées, tirées du cœur même des civilisations levantines et arabo-musulmanes.
Si Jamil Molaeb s’est singularisé par ses retentissants «azurs», ses «mers» lisses, probablement éclats des souvenirs du bleu profond des céramiques de Fès, la ville de Maoulay Idriss, il n’en reste pas moins que toute sa palette a des tons saisissants.
On évoque la force de son cyclamen, son violet (qui parle de la fleur de pois chiche sauvage croisée probablement dans les longues promenades solitaires dans la campagne), de son jaune incandescent (qui lui a été inspiré à l’éclosion des touffes de genêts d’or au printemps) et de son rouge vermeil (né d’un regard sur des coquelicots éparpillés dans une prairie). Tout cela, tout ce tournoiement de couleurs pour cerner le mouvement silencieux, la vibration secrète, la pulsation tranquille des grandes «médinas».
Des «médinas» aux toitures, minarets et dômes patiemment «cousus», comme un immense jeu de cartes, sur une toile fourmillante, grouillante de vie. Vie s’échappant et se dispersant en une uniformité déroutante. Une uniformité fallacieuse, adroitement ajustée, car elle sous-tend, dans la richesse et les débordements de ses détails minutieux, une mobilité sinueuse. Sous la pluie battante, d’un mouvement soigneusement mené, impeccablement reproduit en une cadence sans faille, voilà une saisissante broderie picturale de haut vol.
On s’arrête aussi devant non seulement le frémissant lilas pastel d’une «Ville rose», mais devant les chroniques de la vie de campagne, tout en ton beige clair. Comme la couleur des terres arides et un peu desséchées par le soleil... Là, en rangées de soldats de plomb, défilent objets usuels, accessoires du quotidien, bestiaire et basse-cour des hameaux perdus. Une jarre, une libellule, des glands, une colombe, une poule, un coq, un poisson, une tasse de café, une vieille horloge, autant d’éléments qui reviennent en vagues successives, répétées, sur le rectangle d’une toile. Une toile au chant pur qui n’en finit pas de dire la force, l’éclat et la beauté de la vie. En toute simplicité. Et pour cela, il faut du talent. Celui de Jamil Molaeb.

* L’exposition « Alphabet et réalité » de Jamil Molaeb, à la galerie Janine Rubeiz, se prolonge jusqu’au 26 février.
Les cheveux blancs comme neige sous son béret vissé sur la tête, mêlant les tons vert bouteille d’un pull-over au marron brûlé d’une veste en velours côtelé, Jamil Molaeb respire, comme sa peinture, la sérénité et le calme des gens qui aiment la nature et la poésie. Et dont ils s’en inspirent, en toute confiance et jubilation. Il vit à Bayssour entre ses pins, son verger, son...

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