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Liban - Télécommunications

Aoun s’invite dans le bras de fer Mikati-Sehnaoui sur les données téléphoniques

La polémique relative aux données téléphoniques se poursuit entre le Premier ministre Nagib Mikati et le ministre aouniste des Télécoms Nicolas Sehanoui qui refuse de souscrire à ses demandes, polémique relayée d’ailleurs depuis hier par le chef du bloc du Changement et de la Réforme le député Michel Aoun.
Dans les faits, le Premier ministre a transmis vendredi au ministre des Télécommunications, après l’avoir signée, une demande conjointe des ministres de l’Intérieur et de la Défense, dont l’objet est d’obtenir des données téléphoniques exigées par l’armée et les Forces de sécurité intérieure. Sehnaoui a marqué son refus, ce qui a poussé le Premier ministre à préciser que c’est à lui que revient la décision finale sur la question. Intervenant à son tour, le chef du CPL a précisé au contraire que c’est le ministre qui fait la loi dans son ministère.
À ce propos, une source judiciaire explique à L’Orient-Le Jour que la procédure adoptée par Mikati est prévue par la loi 140 du 27 octobre 1999, relative à la protection des données téléphoniques, selon laquelle l’interception d’une communication, y compris l’exploitation des données techniques de communication (plus communément appelée all data, ou la circulation des appels) s’effectue par une décision du ministre de l’Intérieur ou du ministre de la Défense. Cette décision devient exécutoire à partir du moment où elle est signée par le Premier ministre. Autrement dit, dans le cas actuel, le ministre des Télécommunications refuse de procéder à l’application d’une mesure exécutoire qui lui a été transmise par le Premier ministre.

Sehnaoui s’explique...
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur les motifs de son refus, Nicolas Sehnaoui a centré le débat sur la question de savoir « si le Premier ministre est en mesure d’imposer à un ministre quelque démarche ou décision ». « La réponse à cela est énoncée clairement par la Constitution, poursuit-il, qui place sur un pied d’égalité le Premier ministre et le ministre, le chef du gouvernement n’étant pas le président des ministres. » En la forme, il invoque ainsi la suprématie de la Constitution sur la loi pour refuser la mise en œuvre de la mesure exigée.
Cet argument donne au débat une dimension juridique intéressante, que L’OLJ a évoquée d’une part avec un constitutionnaliste, et d’autre part avec la source judiciaire précitée. Le premier a donné raison au ministre des Télécoms sur le fait que le Premier ministre n’est pas le président des ministres, avant de préciser néanmoins que « c’est le Conseil des ministres qui exerce une force contraignante sur le ministre ». Or, dans le cas présent, et comme l’a rappelé le porte-parole du Premier ministre à L’OLJ hier, la mesure a déjà été décidée lors du dernier Conseil des ministres.
Le constitutionnaliste a ajouté que « si le ministre juge illégale ou inconstitutionnelle la décision du Conseil des ministres, il devrait démissionner s’il décide de ne pas la mettre en œuvre ». Or, « la Constitution bloque la révocation d’un ministre, qui doit être approuvée par les 2/3 du Conseil », a-t-il déploré.
Un autre point soulevé dans le cadre de la polémique est la question de la compétence de la commission judiciaire chargée de trancher sur les demandes présentées par les services de sécurité en matière de communications téléphoniques et présidée par le juge Chucri Sader. Ce dernier s’était rendu en France à la tête d’une délégation judiciaire et sécuritaire chargée d’étudier les modalités d’application de la loi 140, calquée d’ailleurs en grande partie sur la loi française. Selon le rapport de la délégation, la commission ne détient qu’une compétence consultative en la matière. Autrement dit, une fois la mesure devenue exécutoire avec la signature du Premier ministre, elle est transmise à la commission qui donne un avis sur la légalité de cette mesure. Ayant une nature consultative, la commission n’est pas un organisme judiciaire. Même si elle devait appuyer l’illégalité ou l’inconstitutionnalité de la mesure, son avis ne saurait constituer un motif de droit susceptible de justifier le refus du ministre de mettre en œuvre la mesure exécutoire, comme l’explique la source judiciaire à L’OLJ.

L’avis du Grand Sérail
Le seul cas interdit par la loi 140 est la remise du contenu de données téléphoniques non ciblées, c’est-à-dire relatives à l’ensemble des citoyens et non à un suspect déterminé. La commission s’était d’ailleurs prononcée sur l’inconstitutionnalité de pareille mesure, en vertu du respect de la vie privée. Or, le ministre Sehnaoui a précisé à L’OLJ que les Forces de sécurité intérieure et l’armée réclament « le contenu des données de l’ensemble des citoyens tout au long de l’année dernière. Ils n’en ont jamais suffisamment et réclament tout ». Les milieux du Grand Sérail affirment en revanche que « la demande porte sur le mouvement des télécommunications uniquement ».
Cet état des lieux se transpose sur les discours politiques. Ainsi, le chef du bloc du Changement et de la Réforme Michel Aoun a opposé au Premier ministre « la question des compétences constitutionnelles en matière des données téléphoniques, chaque ministre étant seul responsable de son ministère » et le ministre d’État aouniste Fady Karam a refusé « l’autoritarisme du Premier ministre ». Ce dernier a invoqué pour sa part l’article 9 de la loi 140, qui lui accorde le pouvoir des décisions en la matière. Toutefois, une source du Grand Sérail a veillé à amoindrir les tensions autour de toute cette polémique. Elle a répondu par la négative à la question de savoir si le Conseil des ministres, qui se tiendra aujourd’hui à Baabda, connaîtra un débat houleux sur l’affaire des télécommunications. La source a précisé que cette question ne fait pas partie de l’ordre du jour.
Quoi qu’il en soit, aucune nouvelle décision ne sera prise « puisque le Conseil des ministres s’est déjà prononcé sur la question ». La source a démenti enfin l’information selon laquelle le Premier ministre se serait réuni en début de soirée avec le chef du bloc de la Fidélité à la résistance, le député Mohammad Raad, pour discuter de la question, en veillant à ne pas écarter toutefois l’éventualité de pareille rencontre.
Dans les faits, le Premier ministre a transmis vendredi au ministre des Télécommunications, après l’avoir signée, une demande conjointe des ministres de l’Intérieur et de la Défense, dont l’objet est d’obtenir des données téléphoniques exigées par l’armée et les Forces de sécurité intérieure. Sehnaoui a marqué son refus, ce qui a poussé le Premier ministre à préciser...
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