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Santé - Tabac

Le narguilé, aussi toxique que la cigarette

La pipe à eau est un problème global de santé publique, selon l’Organisation mondiale de la santé. Le Liban figure en tête de liste des pays consommateurs de narguilé dans la région. Cette forme de tabagisme, à laquelle les femmes libanaises sont plus dépendantes que les hommes, augmente considérablement les risques de bronchite chronique ou obstructive.

Une étude sur le score libanais de la dépendance au narguilé a montré que les femmes étaient plus dépendantes à la chicha que les hommes: Photo tirée du site parmvoo.blogspot.com

– « Tu es sûre ? Tu ne veux pas que je t’aide dans les préparatifs du dîner ? »
– « Non, merci, ma chérie. Tout se passe bien. »
Confortablement installées dans un fauteuil, Hala et Rita tirent profondément sur leur narguilé. Depuis plus de sept ans déjà, les deux quadragénaires ne manquent pas leur rendez-vous hebdomadaire dans ce café à chicha dont elles sont des habituées. Elles essaient d’ignorer en bonnes fumeuses l’effet délétère du narguilé sur leur santé, préférant jouir des moments de convivialité passés autour de la chicha.
Le narguilé est en fait aussi dangereux que la cigarette. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’il s’agit d’un « problème global de santé publique ». Un problème d’autant plus grave au Liban où la consommation de la pipe à eau est la plus élevée dans les pays de la région, comme le montrent des chiffres de l’organisation onusienne. En effet, 25 % des écoliers libanais fument le narguilé contre 9 à 16 % dans les pays du Golfe. Selon l’OMS également, près de 28 % des universitaires au Liban en consomment contre 6 % dans les pays du Golfe et 15 % en Syrie. De même, 15 % des adultes au Liban fument le narguilé contre 4 à 12 % dans les pays du Golfe et 9 à 12 % en Syrie.
« Le narguilé est tout aussi nocif pour la santé que la cigarette, affirme le Dr Mirna Waked, pneumologue et épidémiologue. Les personnes qui ont développé une dépendance au narguilé ont des risques similaires que les fumeurs de cigarettes de souffrir d’une bronchite chronique ou d’une bronchite pulmonaire chronique obstructive (BPCO). »
Au Liban, une étude conduite par le Dr Waked et des collaborateurs sur la prévalence de la BPCO a montré que 10 % des personnes âgées de plus de 40 ans en souffrent. L’étude a été menée sur un échantillon de 2 201 individus représentatif de cette tranche de la population libanaise. Ils ont été soumis à un questionnaire et à une spirométrie, c’est-à-dire un test qui mesure le volume d’air maximal que l’on peut expirer de ses poumons. Cinquante deux pour cent des personnes de cet échantillon étaient soit des ex-fumeurs soit des fumeurs actuels de cigarettes. Trente-trois pour cent seulement étaient des non-fumeurs. Le reste de l’échantillon était formé de fumeurs exclusifs de chicha ou de fumeurs mixtes, c’est-à-dire cigarettes et narguilé.
« La prévalence la plus haute de BPCO a été observée chez les fumeurs mixtes », insiste le Dr Waked, qui explique : « La BPCO est une maladie pulmonaire chronique qui se développe lentement. Elle est étroitement liée au tabagisme. Dans un premier temps, elle se manifeste par un essoufflement lors de grands efforts. Mais avec la progression de la maladie, le patient perd de sa capacité respiratoire jusqu’à ce qu’il atteigne un stade où il s’essouffle lors d’un moindre effort, comme le fait de s’habiller. Souvent des attaques ou d’exacerbations pulmonaires avec ou sans fièvre accompagnent cette détérioration de l’état du patient. »

Un plus grand nombre de femmes
Une autre spécificité de l’usage du narguilé au Liban reste le fait que cette forme de tabagisme attire plus les femmes que les hommes. « En général, les hommes sont plus nombreux que les femmes à fumer, constate le Dr Waked. En étudiant toutefois les sous-groupes, on trouve que le nombre des femmes qui sont dépendantes du narguilé est plus important que celui des hommes. »
Une étude sur le score libanais de la dépendance au narguilé a été menée sur 1 066 hommes et 1 134 femmes. 42,9 % des femmes et 58,7 % des hommes interviewés dans le cadre de cette étude fumaient la cigarette. 6,7 % des femmes et 6,9 % des hommes consommaient le narguilé. Publiée dans la revue Women and Health, l’étude a montré que 57,5 % des hommes contre 49,1 % des femmes étaient dépendants à la cigarette. Par contre 35,9 % des hommes contre 51,6 % des femmes l’étaient au narguilé.
« L’étude a montré que les femmes étaient plus dépendantes au narguilé dans les différents domaines identifiés, poursuit le Dr Waked. Ainsi, elles sont plus dépendantes à la nicotine du narguilé que les hommes. Elles sont plus nombreuses à le fumer soit pour décompresser, soit par plaisir. »

Fausses idées
Quels sont les effets du narguilé sur la santé ? « Il est aussi nocif que la cigarette, répond le Dr Waked. Il est confirmé qu’il augmente les risques de BPCO et de bronchite chronique. En fait, le concept selon lequel le tabac du narguilé est filtré dans l’eau est faux. En effet, une étude que nous avons menée “en direct” sur des fumeurs de narguilé et de cigarettes et sur des non-fumeurs dans un café de Beyrouth le prouve. Nous avons mesuré le taux de monoxyde de carbone (CO) dans l’air expiré et le taux de nicotine dans la salive des personnes qui étaient présentes en début et en fin de soirée. Nous avons trouvé, en fin de soirée, le même taux de nicotine dans la salive des fumeurs de cigarettes et de narguilé. Chez les fumeurs de cigarettes, le taux de CO a augmenté de 60 %, une heure après la consommation des cigarettes. Chez les fumeurs de narguilé, il a augmenté de 300 % ! Quant aux non fumeurs, ils affichaient un taux de CO élevé, égal au taux dans l’environnement enfumé. »
Et le Dr Waked d’indiquer : « Il est important pour la précision scientifique de définir le genre de tabac consommé dans le narguilé. Généralement, le tabac est utilisé dans le narguilé à l’état pur. Donc, théoriquement, il est plus nocif que les tabacs auxquels des arômes ont été ajoutés. Ce n’est pas vrai non plus. Dans nos sociétés le tabac miellé est le plus consommé. Or celui-ci est très délétère, parce que lorsque le sucre brûle, dans ce cas le miel, il dégage une grande quantité de monoxyde de carbone, comme l’a d’ailleurs montré l’étude susmentionnée. »
Par ailleurs, le Dr Waked note que dire qu’un narguilé est l’équivalent de quarante cigarettes est « une notion non prouvée scientifiquement qui a été malheureusement largement utilisée dans la littérature scientifique et dans les médias, aucune vraie étude n’ayant été effectuée dans ce sens en direct, mais seulement expérimentalement ».
En ce qui concerne les effets sur la santé du tabagisme passif provenant du narguilé, le Dr Waked affirme que « la pollution environnementale du narguilé est très élevée, mais elle n’a pas été étudiée ». « Toutefois, toute forme de tabagisme est une pollution de l’environnement, ajoute-t-elle. Un narguilé fumé dans un espace clos est tout aussi nocif que la cigarette. »
– « Tu es sûre ? Tu ne veux pas que je t’aide dans les préparatifs du dîner ? »– « Non, merci, ma chérie. Tout se passe bien. »Confortablement installées dans un fauteuil, Hala et Rita tirent profondément sur leur narguilé. Depuis plus de sept ans déjà, les deux quadragénaires ne manquent pas leur rendez-vous hebdomadaire dans ce café à chicha dont elles sont des...

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