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Ersal : « crime prémédité » ou « méprise »

Le commandant Bechaalany et l’aspirant Zahraman, dont les obsèques ont eu lieu hier, auraient été torturés avant d’être tués.

Le cercueil du commandant Bechaalany porté à bout de bras par ses camarades à son arrivée à Mreyjet. PhotoDanielle Khayat

À Mrayjet dans la Békaa, hier, comme à Kata au Liban-Nord samedi, le spectacle et l’ambiance étaient les mêmes : des cercueils blancs drapés du drapeau libanais portés à bout de bras, deux foules accablées, une immense tristesse et une colère plus ou moins retenue. Les deux villages ont fait chacun ses adieux aux deux militaires tués vendredi à Ersal, dans une embuscade, mais l’affaire est loin d’être terminée, au niveau politique, mais aussi sur le terrain. L’armée et le président Michel Sleiman notamment affichent une détermination sans équivoque, pour démasquer les coupables et les traduire en justice.


Dans le Akkar, le cortège funèbre de l’aspirant Ibrahim Zahraman grossissait au fur et à mesure qu’il traversait les localités de Hekr el-Cheikh, Halba, Khreybet el-Jendi et Koucha, avant d’arriver à Kata où les prières ont été récitées à la mosquée cheikh Omar, en présence des députés Khaled Zahraman et Nidal Tohmé, du colonel Zakhia Khoury, représentant le ministre de la Défense, Fayez Ghosn, et le commandant en chef de l’armée, le général Jean Kahwagi, du mufti du Akkar, cheikh Zeid Bakkar Zakariya et de plusieurs notables de la région. Cheikh Zakariya a réclamé « une enquête sérieuse et transparente ». « Et que chacun assume ses responsabilités », a-t-il ajouté, au moment où le colonel Khoury affirmait que « l’armée n’aura de cesse jusqu’à ce que les assassins soient sanctionnés ».


Hier, le cortège funèbre du commandant Pierre Bechaalany s’est arrêté à Ballouneh, lieu de résidence de l’officier, avant de poursuivre sa route pour Mreyjet. L’évêque maronite de Zahlé, Mgr Mansour Hobeika, a célébré les obsèques en l’église Saint-Georges du village, en présence de l’ancien chef d’état major de l’armée, le général Chawki Masri, représentant le président Michel Sleiman, du général Adnane Yassine, représentant le ministre Fayez Ghosn et le commandant en chef de l’armée et d’un grand nombre d’hommes politiques et de notables de la région.
Dans son homélie funèbre, Mgr Hobeika a demandé à l’État de sanctionner les coupables, un engagement que le général Yassine a pris dans l’allocution qu’il a prononcée au nom de M. Ghosn et du général Kahwagi et une requête que le père du commandant Bechaalany a aussi formulée.


Le général Kahwagi, qui a interrompu une visite officielle en France, s’est rendu à Mreyjet pour présenter ses condoléances à la famille de l’officier, suivi dans l’après-midi par le chef de l’État, qui a assuré que « le commandement de l’armée est déterminé à arrêter les personnes qui ont attaqué l’unité militaire à Ersal ». Le président a aussi mis l’accent sur « la nécessité de se rallier autour de l’institution militaire et de rejeter l’extrémisme et le terrorisme ». Il a jugé tout aussi nécessaire de ne pas « donner refuge à des éléments armés ». « Il faut, a insisté M. Sleiman, que l’État et l’armée tranchent. Nous espérons que le droit prévaudra et que les assassins seront arrêtés. »


Le président qui a pris connaissance du directeur des services de renseignements de l’armée, le général Edmond Fadel, des détails de l’embuscade et des données recueillies, s’est révolté contre « les atteintes répétées contre l’armée et l’État par n’importe qui ». Il a expressément demandé au commandement de l’armée de ne pas « faire montre d’indulgence à l’encontre de ceux qui attaquent ses officiers et ses soldats » et invité les services de sécurité à « intensifier leurs investigations pour les localiser, les arrêter et les traduire en justice ».

Un crime prémédité, selon Kahwagi
À Mreyjet, le général Kahwagi avait également promis que « le sang de Pierre et d’Ibrahim n’aura pas été versé inutilement ». Il s’est ensuite rendu au chevet des militaires blessés à l’Hôpital militaire et à l’Hôpital Rizk.
Il a été plus incisif dans l’ordre du jour qu’il a adressé hier aux militaires. Son discours ainsi que celui du chef de l’État détonnaient avec celui plus conciliant du chef du gouvernement, Nagib Mikati. « En ce jour triste, nous disons à ceux qui cherchent à prendre pour cible l’armée : “Ceux qui considèrent comme une faiblesse notre réaction sage aux événements et ceux qui pensent que notre lutte contre le terrorisme qui essaie de porter un coup à la stabilité de notre société et à la coexistence entre les Libanais pourrait s’arrêter pour des considérations quelconques ou pour faire plaisir à une partie déterminée, quel que soit son poids local ou régional, se trompent énormément”, a asséné le général Kahwagi après avoir rendu un vibrant hommage à la troupe qui fait face avec bravoure aux tentatives de plonger notre pays dans le chaos régional alors que l’armée s’efforce de le lui épargner. »


« Nous promettons que le baptême du sang versé pour faire face à la discorde se poursuivra. Nous ne nous tairons pas et nous n’acceptons aucune concession au détriment du sang de nos deux martyrs, le commandant Pierre Bechaalany et le sergent Ibrahim Zahraman. Nous rejetons toute tentative, quel que soit son auteur, pour atténuer l’impact et l’horreur du crime commis avec préméditation contre l’armée et par des moyens barbares qui n’ont rien à voir avec nos croyances chrétiennes et islamiques », a affirmé le commandant en chef de l’armée avant de poursuivre : « L’armée ne reculera pas, coûte que coûte, jusqu’à ce que les criminels soient sanctionnés, quelles que soient leur identité et leur appartenance et même si ceux qui les défendent élèvent encore davantage leur voix. »


« Nous promettons aux deux martyrs, à leurs familles et à leurs camarades que les auteurs (de l’embuscade meurtrière) et leurs complices auront la sanction qu’ils méritent, quel que soit le prix que nous aurons à payer en faveur de l’unité, de la sécurité et de la stabilité du Liban », a-t-il conclu.


À Yarzé, le Premier ministre, qui s’est rendu auprès de M. Ghosn pour lui présenter ses condoléances, a exprimé son soutien à la troupe et souligné la nécessité, pour le commandement en chef de l’armée, de régler « l’incident de Ersal le plus vite possible ». Jugeant tout aussi nécessaire que « que les tireurs soient remis aux forces régulières », M. Mikati a fait état d’une « entente sur une série de mesures que nous essaierons d’appliquer ».
En répondre à une question, il a indiqué qu’il ne souhaite pas « jeter de l’huile sur le feu ». « Laissons l’armée régler l’affaire grâce à sa sagesse loin de toutes susceptibilités. Nous n’acceptons pas qu’une partie des Libanais se sente particulièrement visée. Cette opération ne peut pas s’étendre, surtout que l’armée est le rempart du pays », a encore dit M. Mikati, avant d’appeler « les sages de Ersal à coopérer avec l’armée et les médias à cesser les provocations confessionnelles ».


Le Premier ministre, qui s’est aussi entretenu avec M. Berry, a vivement dénoncé les atteintes à l’armée, quels que soient leurs auteurs, et exprimé son opposition à l’usage des armes en dehors du cadre de l’autorité légale. « Ce qui s’est passé à Ersal est inadmissible. Nous prendrons les mesures judiciaires et de sécurité qui s’imposent », a-t-il poursuivi.

 

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