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À La Une - Analyse

Irak : Maliki navigue à vue, hypothéquant un prompt retour à la normale

Le Premier ministre chiite fait face à un vaste mouvement de grogne sunnite.

Des milliers de sunnites ont manifesté récemment en Irak pour demander le départ du Premier ministre Nouri el-Maliki. Azhar Shallal/AFP

Le mouvement de grogne sunnite n'est pas la première épreuve que doit affronter le Premier ministre irakien, Nouri el-Maliki, un chiite confirmé à son poste en décembre 2010 après neuf mois de tractations. "C'est la énième crise depuis qu'il a été reconduit. Il y a eu (la tentative d'organiser) un vote de défiance, la crise avec le Kurdistan, la condamnation à mort (du vice-président Tarek) al-Hachémi...", énumère pour l'AFP Crispin Hawes, directeur du service Moyen-Orient au sein d'Eurasia Group, institut spécialisé dans le risque pays.

 

Mais la crise actuelle est potentiellement bien plus dangereuse pour le Premier ministre, selon M. Hawes. L'étincelle provient cette fois de l'arrestation, fin décembre, de gardes du corps du ministre des Finances, le sunnite Rifaa al-Issawi. Depuis, les manifestations n'ont cessé dans les bastions sunnites que sont les provinces d'Anbar et Salaheddine, et dans la capitale irakienne.

Les sunnites affluent par milliers pour dénoncer leur "marginalisation" et les lois antiterroristes dont ils estiment faire les frais.

En outre, depuis début janvier se mêlent à ces slogans des mots d'ordre inspirés du Printemps arabe, exhortant M. Maliki à la démission.

 

"Revendications légitimes"

En retrait, le chef du gouvernement applique les mêmes remèdes que ceux auxquels il avait pu avoir recours par le passé. S'en tient à de lapidaires communiqués dans lesquels il loue "les revendications légitimes des manifestants", il préfère envoyer son vice-Premier ministre Hussein Chahristani en première ligne.

 

Crispin Hawes estime que M. Maliki "n'a pas de stratégie adaptée à chaque situation. C'est toujours la même approche : +je donne un peu, je reprends. J'attends. Si nécessaire, je fais arrêter quelques personnes+".

 

Ainsi, le vice-Premier ministre Chahristani, qui a choisi les influentes tribus sunnites comme interlocutrices, a annoncé mardi lors d'une réunion avec des chefs tribaux "une amnistie en faveur des femmes incarcérées", revendication-phare des manifestants. Mais le lendemain, la colère gouvernementale s'abattait sur un leader tribal, Ahmed Abou Richa, qui s'est vu retirer ses 35 gardes du corps, payés par les autorités.

 

Pour Azhar al-Janabi, l'un des organisateurs des manifestations à Anbar interrogé par l'AFP, la commission ad-hoc chargée d'écouter les doléances des protestataires et dirigée par M. Chahristani "n'est que de la poudre aux yeux, elle ne fait rien".

 

Aucune marge de manœuvre

Pour dénouer cette nouvelle crise, M. Maliki se garde bien d'appeler à un dialogue national comme l'avait fait le président Jalal Talabani lorsque l'appareil politique irakien était déjà totalement grippé, au début de l'année dernière.

 

Pour Pierre-Jean Luizard, chercheur au CNRS à Paris et spécialiste de l'Irak, Nouri el-Maliki n'a aucune marge de manoeuvre. "Il est coincé entre ses ambitions personnelles qui le poussent à établir une alliance avec les dirigeants sunnites, et sa base sociale qui est communautaire et qui le pousse dans le sens inverse, vers la confrontation", estime M. Luizard lors d'un entretien avec l'AFP.

 

Conséquence de cette crise : dans ce régime parlementaire, il est difficile pour les élus de débattre et voter des lois d'importance lorsque le Premier ministre est en permanence pris dans la tourmente. Une grande législation régissant l'exploitation des hydrocarbures se fait par exemple toujours cruellement attendre.

 

Pour s'en sortir par le haut, Nouri el-Maliki, estime l'analyste politique irakien Issam al-Fayli, "devrait annoncer qu'il ne briguera pas de troisième mandat" l'an prochain. "Le prochain Premier ministre devra être un technocrate", conclut-il.

 

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