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À La Une - La situation

Brouillard sur toutes les rives

S’il est une chose sûre, c’est que la foire d’empoigne en cours autour de la loi électorale n’a réussi jusqu’ici qu’à semer le trouble au sein des groupements politiques établis dans le pays, sinon à fausser carrément le jeu des alliances.
Mais contrairement à ce qu’on pouvait croire il y a quelques jours à peine, ce constat ne concerne pas que le 14 Mars. Le 8 Mars avait beau paraître tirer les marrons du feu dans ce dossier, il commence lui aussi à glisser sur ses propres peaux de banane. À preuve les récentes déclarations à un journal local de Sleiman Frangié, affirmant que la proposition du Rassemblement orthodoxe est « un piège tendu aux chrétiens du 8 Mars ».


Si ce retournement soudain est surprenant de la part d’un responsable dont le représentant au sein du comité de
Bkerké avait formellement avalisé cette proposition, il y a trois semaines, aux côtés des trois autres grandes composantes chrétiennes, il reste que sur le fond, l’attitude du chef des Marada n’a rien d’étonnant. Après tout, M. Frangié est un leader d’audience locale, pas nationale, et de ce fait, il est clair que la loi électorale actuelle, qui le rend maître du jeu au moins dans sa ville et son caza, est de loin préférable pour lui qu’une formule qui noierait sa base et son leadership dans un ensemble bien plus vaste et dont la tête serait à Rabieh, pas à Zghorta.

 

(Lire aussi : Sleiman appelle à une nouvelle loi électorale mixte, à partir du projet du gouvernement)


Or, on sait combien le chef des Marada est jaloux de son influence dans sa circonscription et, corollairement, au Liban-Nord. Lors de la campagne de 2009, le chef du CPL, le général Michel Aoun, n’avait pas caché son souhait de voir M. Frangié prendre sur sa liste à Zghorta un candidat aouniste (sur trois au total). Mais le dernier avait sèchement rejeté cette demande, déclarant publiquement qu’il était très satisfait de ses alliances au plan national, mais qu’il n’avait « besoin de personne » chez lui pour l’aider à vaincre l’adversaire.


Finalement, les résultats du vote donnèrent raison à M. Frangié, qui réussit un trois sur trois. Il en irait tout autrement si le système électoral était fondé sur la proposition « orthodoxe ». Dans ce cas, non seulement sa part pourrait être réduite à deux sièges au lieu de trois à Zghorta, mais – plus grave encore – il devrait son propre siège à la grâce d’autrui.


Une autre « glissade » dans les rangs du 8 Mars, encore plus conséquente, quoique plus discrète que la précédente, est celle suggérée dans les propos tenus hier par un député du Hezbollah, Nawaf Moussaoui. « Nous aspirons à une loi électorale qui jouirait d’un consensus, car dès le début nous disons que le pluralisme libanais est à l’origine d’une démocratie consensuelle », a lancé M. Moussaoui dans un discours.
Il n’est nul besoin d’une analyse de texte très poussée pour lire entre ces mots une oraison funèbre en règle du projet « orthodoxe ». Il est en effet notoirement exclu que ce projet puisse voir le jour par consensus, vu la position du président de la République, du courant du Futur, du PSP et des chrétiens indépendants du 14 Mars à son égard.
Que ces propos du député de Tyr soient une nouvelle manifestation de l’ambivalence dans le discours du Hezbollah, y compris à l’égard de ses alliés chrétiens, est une évidence. Les aveugles d’esprit la nieront.

« Provocation »
Du côté du 14 Mars, la cacophonie n’est pas moins une réalité ces jours-ci et la tendance est loin d’être à l’harmonisation. Au trouble semé à l’origine par l’adhésion des Forces libanaises et des Kataëb à une proposition qui ne pouvait en aucun cas recueillir l’aval du courant du Futur, parce qu’elle est tout simplement de nature à le saborder, s’ajoute à présent la dispersion des rangs pour ce qui est de la démarche à suivre dans les jours qui viennent.
Certes, il serait exagéré et même déplacé de parler dans ce cas de rupture d’alliance, mais il est clair qu’au moins jusqu’à la fin des batailles en cours sur la loi électorale, c’est l’image de Waterloo, pas d’Austerlitz, qui continuera de planer sur le public du 14 Mars (vue d’une perspective napoléonienne, bien sûr).
Un nouveau péril guette en effet la cohésion de l’alliance à ce sujet : la réunion des commissions parlementaires conjointes, convoquée pour mercredi par le président de la Chambre, Nabih Berry, avec un « piège » au menu, la présence de membres du gouvernement.


Hier, le Premier ministre, Nagib Mikati, qui s’est entretenu à ce propos avec M. Berry, a confirmé à la presse que « les ministres concernés » prendront part à cette réunion.
Samedi, les services du président de la Chambre avaient annoncé la convocation à une réunion commune, mercredi à 11 heures, des commissions de l’Administration et de la Justice, des Finances et du Budget, des Affaires étrangères et des Émigrés, de la Défense nationale, et de l’Intérieur et des Municipalités.

 

(Eclairage : Entre une manœuvre et l’autre, le flou persiste)


D’ores et déjà, le courant du Futur sort ses griffes. Ahmad Fatfat, député de Denniyé, a déclaré hier à L’Orient-Le Jour que sa formation est disposée à ne pas se rendre à la réunion « au cas où des membres du gouvernement seraient présents », et ce en harmonie avec la décision prise par le 14 Mars en octobre de boycotter toute séance en présence du cabinet.
« C’est une provocation politique », a lancé M. Fatfat, qui en a imputé la responsabilité à M. Berry. Selon lui, ce dernier cherche dans cette affaire, avec M. Mikati, à « briser l’étau » que le 14 Mars avait dressé autour du gouvernement.
C’est un autre son de cloche que l’on entend chez les FL. « Nous continuons à boycotter le gouvernement, mais nous faisons une exception pour ce qui est des activités touchant à la loi électorale », a expliqué à L’OLJ le député Georges Adwan, vice-président du parti.
Dont acte : les FL iront à la réunion des commissions mixtes, même en l’absence du Futur. M. Adwan a toutefois ajouté que des concertations étaient en cours au sein du 14 Mars pour coordonner les positions, ainsi qu’avec M. Berry.

Report ou pas ?
Il reste à parler du ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, qui continue d’alterner le chaud et le froid, y compris dans une même journée, au sujet de la possibilité ou non d’un report « technique » des élections législatives, prévues en juin.


Ainsi, dans une interview au journal an-Nahar publiée hier, M. Charbel affirmait que les préparatifs de son ministère en vue du déroulement des élections sont « quasiment achevés sur la base de la loi de 1960 », mais que si les divers protagonistes s’entendaient sur une nouvelle loi en avril ou en mai, le ministère ne serait pas prêt à temps, ce qui nécessiterait un ajournement. Pour l’éviter, « toute nouvelle loi qu’ils voudraient mettre en œuvre devrait être avalisée tout de suite », ajoutait-il.


Samedi soir, pourtant, dans une allocution prononcée lors d’un dîner dans les environs de Jbeil, M. Charbel mettait plus volontiers l’accent sur la nécessité de la tenue des élections à la date prévue, affirmant cette fois-ci que le ministère de l’Intérieur avait achevé « tous (et non plus “quasiment”) les préparatifs » en vue de l’organisation du scrutin selon les modalités de la loi en vigueur, c’est-à-dire celle de 1960.

 

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