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Liban - La situation

Loi électorale : veto respectifs et surplace garanti

Malgré les désaccords, la bonne humeur règne chez les membres de la sous-commission. Photo Samy Ayad

Les heures de discussions s’égrènent comme un long, interminable rosaire au sein de la commission parlementaire restreinte chargée de s’entendre sur un projet de loi électorale. Cependant, au vu des veto respectifs opposés par chacune des parties sur les modes de scrutin à l’étude, le consensus semble désormais aussi facile d’accès... que le pic de l’Everest pour un nourrisson particulièrement frileux. Mais, bon, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir...


La journée d’hier – et avec elle ses nouvelles joutes verbales au sein de la sous-commission – n’a rien apporté de nouveau substantiellement. La commission s’est réunie deux fois, en journée et en soirée, pour discuter du mode de scrutin mixte (vote préférentiel, taille des circonscriptions, etc.). Il faut dire que le temps presse. Le député Georges Adwan (FL) avait d’ailleurs affirmé avant la réunion matinale que cette semaine était « celle de la dernière chance ». Mais, au final, concrètement, les blocages persistent, les veto s’annulent et la perspective d’une nouvelle loi consensuelle continue de s’évaporer... Le Hezbollah ne veut entendre parler que de la proportionnelle, tandis que le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste s’y opposent catégoriquement... ce qui ne laisse donc plus beaucoup de place à la possibilité d’un mode de scrutin panaché. Le député Alain Aoun (CPL) ne s’y est pas trompé, puisqu’à l’issue de la réunion, il a « sonné le glas » de toute possibilité d’un mode de scrutin mixte.

Veto du courant du Futur...
Le président de la commission, Robert Ghanem, qui s’est par ailleurs entretenu avec des experts en marge des réunions, a quelque peu répercuté hier la réalité peu progressive de ces rencontres, en précisant, dans son point de presse, que les positions des différentes parties étaient « déjà connues ». M. Ghanem a par ailleurs refusé de fixer un délai rigide aux discussions s’il s’avère qu’il y a vraiment des possibilités de parvenir à définir un espace commun entre les différentes propositions qui « soit juste et qui assure une représentation saine et équilibrée ».


Mais les veto opposés, et, partant, l’insurmontable obstacle des divisions politiques, empêchent de toute évidence l’émergence d’un tel espace commun. Cela était parfaitement perceptible hier dans les déclarations des membres de la commission. Le député Ahmad Fatfat (courant du Futur) a réitéré son opposition tranchée à la proportionnelle, et donc l’idée d’un mode de scrutin panaché comme le projet de la commission Boutros, exprimant l’attachement de son parti au « développement du mode de scrutin majoritaire ». M. Fatfat a indiqué que le Hezbollah avait directement opposé son veto à la circonscription uninominale, et que cette dernière avait donc à peine été évoquée. Le député du courant du Futur a ajouté, dans un clin d’œil manifeste à l’attachement des partis chrétiens au projet Ferzli, que « la loi électorale ne pouvait pas être adoptée à une majorité de 65 voix, alors que la nomination d’un directeur de la Sûreté générale se fait aux deux tiers... ». « Il faut que nous fassions tous des concessions pour trouver un terrain d’entente, a-t-il dit, ou bien aller vers des propositions radicalement différentes de tout ce qui a été proposé, similaires au projet présenté par le député Akram Chéhayeb en faveur de la création d’un Sénat (...). »

... et du Hezbollah...
Aux antipodes, le député Ali Fayad (Hezbollah) s’en est pris à « ceux qui attaquent la proportionnelle sans interruption par crainte de voir leur véritable envergure politique dévoilée au grand public », pique adressée évidemment au courant du Futur. M. Fayad s’est voulu porteur d’un discours réformiste, prônant les vertus de la proportionnelle « qui permet une meilleure représentation des communautés »... « Il faut être transparent avec l’opinion publique », a-t-il dit... sans toutefois préciser si les fatwas électorales, utilisées par le parti pour mobiliser en bloc monolithique l’électorat chiite en sa faveur contre ses adversaires à chaque consultation électorale, font également partie des « réformes politiques » prônées par le parti...

 

Le député Fayad, qui s’est soudainement intronisé grand porte-voix des partis chrétiens, surenchère oblige, n’a pas manqué de préciser qu’il est attaché à « la saine représentation des électeurs chrétiens »... et à la « proportionnelle ». « Qu’ils nous expliquent comment ils vont améliorer la représentation des électeurs chrétiens avec le projet des 50 circonscriptions au système majoritaire...

 

Cela leur permet-il de respecter la parité à laquelle ils sont attachés, qui devrait permettre aux chrétiens d’élire 64 députés ? Évidemment, non. Ce projet ne permettra aux chrétiens d’élire que 14 députés avec des voix chrétiennes pures. Les autres circonscriptions resteront l’otage des blocs islamiques en raison du dualisme qui existe en milieu chrétien. (...) Il faut cesser de mentir à l’opinion publique », a ajouté le député Fayad, avant de noter qu’il a opposé « un veto rapide » au projet des 128 circonscriptions et à la circonscription uninominale. « Il faut cesser de suivre la politique de l’attentisme et de perdre du temps », a-t-il dit, pour justifier son veto.

Les partis chrétiens et... le mariage civil
Quelque peu à l’écart de la polémique, le député Akram Chéhayeb, dont le parti rejette ouvertement la proportionnelle et n’accepte jusqu’à présent pas l’idée de la circonscription uninominale, a continué à défendre sa proposition (création d’un Sénat et décentralisation administrative) « en vue de rapprocher les points de vue ». Le problème est politique, a affirmé Chéhayeb, et non technique, c’est pourquoi les solutions doivent être de répondre aux angoisses politiques des uns et des autres. D’où, encore une fois, la nécessité de s’entendre sur sa proposition pour apaiser les craintes et débloquer la situation.


Quant aux partis chrétiens, ils ont tous les trois mis l’accent sur le principe de base qu’ils défendent depuis le début des discussions : la nécessité de garantir la saine représentation des chrétiens. L’on notera, dans ce cadre, que les députés Samy Gemayel et Georges Adwan (le député Alain Aoun est pour l’instant resté silencieux sur la question) ont tous les deux voulu prouver que leur appui à la loi Ferzli ne s’inscrirait pas dans une portée communautariste étroite... ce qui constituerait un moyen comme un autre de se rétracter par rapport à la proposition – ultracommunautariste – du Rassemblement orthodoxe... Ainsi ont-ils tous les deux applaudi hier à l’initiative de ce couple qui a décidé de contracter un mariage civil...

 

Samy Gemayel a rappelé que le parti avait déjà présenté une proposition de loi sur cette question en 1969, et que, dans les années 1990, une autre proposition, portant sur un statut personnel civil, avait également été présentée à la Chambre. « Nous souhaitons que ces deux propositions soient soumises au vote en Assemblée plénière, et que chaque bloc assume ses responsabilités pour pouvoir emmener notre pays dans une direction différente. Il est temps que nous votions ces deux lois pour poursuivre l’édification d’un État civil, que toutes les lois soient désormais civiles et qu’aucune partie de la vie des Libanais ne soit soumise à des lois religieuses ou communautaires », a-t-il souligné. Même son de cloche chez le député Adwan, qui a parlé de « bond qualitatif en avant », d’« audace » et d’« avant-gardisme » en évoquant l’initiative du couple en question. « Il s’agit d’un saut évolutif au niveau de la manière de penser. Plus nous avançons vers une société civile, plus nous réalisons la citoyenneté, plus les Libanais sentent que la loi est appliquée également à tous, et que la saine représentation est garantie », a noté M. Adwan.


Et maintenant, que vont-ils faire (après avoir joué à faire semblant) ? Un début de réponse est venu de Aïn el-Tiné, où Samy Gemayel s’est entretenu avec le président de la Chambre. Nabih Berry appellera, selon M. Gemayel, la commission conjointe à reprendre ses travaux mercredi pour « ne plus perdre du temps », avec, comme objectif, de parachever l’étude des points non litigieux de la loi électorale – le quota féminin, le comité indépendant de contrôle du scrutin, les bulletins préimprimés –, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas actuellement discutés en sous-commission, donc tout, sauf l’essentiel : le mode de scrutin, le découpage des circonscriptions et le nombre de sièges, sur lesquels le blocage reste entier... Gagner du temps donc, en attendant... Godot, ou un miracle.

 

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commentaires (1)

Triste d 'arriver et de reprendre la philosophie d' Alfred Naccache deux négations ne font pas une nation . Les chrétiens peuvent accepter un Etat civil , les musulmans non . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

05 h 50, le 22 janvier 2013

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Commentaires (1)

  • Triste d 'arriver et de reprendre la philosophie d' Alfred Naccache deux négations ne font pas une nation . Les chrétiens peuvent accepter un Etat civil , les musulmans non . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    05 h 50, le 22 janvier 2013

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