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Moyen Orient et Monde - Le point

Du rêve à la réalité

Relire le discours prononcé en janvier 2008, au soir de la primaire du New Hampshire relèverait d’un insoutenable masochisme. À l’époque, souvenez-vous, ce morceau d’anthologie, ponctué par la fameuse anaphore, était annonciateur d’une aube nouvelle. Idem pour le discours d’investiture du 20 janvier 2009, qui a tant marqué les esprits et les cœurs. Aujourd’hui, note un éditorialiste, le « Yes we can » pourrait être remplacé par « If only... », si seulement. Lassitude ? Désappointement ? Résignation plutôt et surtout constat d’impuissance. Non, l’Amérique n’est pas en mesure de relever les défis, à tout le moins pas tous les défis, pas seule, pas dans un avenir immédiat.
La rhétorique ronronnante a fini par fatiguer et avec cette lassitude, il s’est installé un sentiment de rage impuissance. Nul pourtant ne pourra reprocher au 44e président des États-Unis de ne pas avoir prévenu ses concitoyens. 20 janvier 2009 toujours : « Quarante-quatre Américains ont maintenant prêté le serment présidentiel. Ils l’ont fait alors que gonflait la houle de la prospérité sur les eaux calmes de la paix. Mais il arrive de temps à autre que ce serment soit prononcé alors que s’accumulent les nuages et que gronde la tempête. »

 

(Lire aussi : Obama exhorte les Américains à l’union dans son discours d’investiture)


Avec deux guerres (en Afghanistan dès le 7 octobre 2001, en Irak à partir du 20 mars 2003), une crise financière qui pointait déjà à l’horizon, l’inexorable montée en puissance de la Chine, la situation était porteuse de lendemains qui ne chantaient guère. Ces jours-ci, les perspectives sont moins inquiétantes peut-être mais toujours aussi peu brillantes. Avec un peu de chance, on pourrait espérer un simple report de la fameuse « falaise » (cliff) fiscale, la fin du désengagement à Kaboul et un semblant d’amélioration sur le marché de l’emploi. Il est vrai qu’en ce début d’année, les chiffres du ministère du Travail sont proprement inquiétants : le chômage stagnerait à 7,8 pour cent et sur l’ensemble de l’année 2012, il aura été de 9,1 pour cent.


Le changement en profondeur, il est désolant de le constater, Barack Obama en a toujours rêvé sans le réussir. Certes, la faute en incombe à une conjoncture mondiale et interne défavorable. Mais des voix s’élèvent ici et là pour mettre en cause le style de l’homme, sa manière de gérer les crises, son penchant à s’écouter parler plutôt qu’à s’adresser au peuple. On rappelle à cet égard que si l’homme de la rue continue de porter un regard nostalgique sur l’ère Reagan (peu de qualités de véritable homme d’État mais quel great communicator !), il est forcé de constater que son lointain successeur a été incapable, passés les premiers mois, de soulever la même ferveur.


À l’unisson, les analystes rappellent ces temps-ci que rarement un second mandat est meilleur que le premier. À cela s’ajoute ce qu’ils appellent la malédiction des quatre nouvelles années : sans remonter trop loin dans l’histoire, ils rappellent que Lyndon Johnson a dû affronter la guerre du Vietnam, alors à son paroxysme, Richard Nixon a été forcé de boire jusqu’à la lie le calice du Watergate, Bill Clinton a frôlé de très près la catastrophe de la destitution pour l’affaire Monica Lewinsky et Bush fils a eu son lot de malheurs avec les retombées de l’ouragan Katrina.


Sagement, « l’homme au drôle de prénom », ainsi que lui-même se définit, s’est fixé une feuille de route aux ambitions modestes. Il lui faut impérativement aboutir à un compromis avec le Congrès sur un nouveau plafonnement de la dette publique, fixé depuis août dernier à 16 394 milliards de dollars. Le procédé n’a rien d’inhabituel au pays de l’Oncle Sam où congressmen et sénateurs y ont eu recours 78 fois depuis 1960. En deuxième lieu, il devrait s’attaquer à l’interdiction de certains types d’armes, une mesure réclamée par une majorité d’Américains après la multiplication des massacres à grande échelle commis par des déséquilibrés. Selon Jessie Klein, auteur d’un livre paru l’an dernier*, on a pu dénombrer quelque 191 tueries dans des écoles entre 1979 et 2011. Une nouvelle loi sur l’immigration et la réglementation sur le réchauffement climatique figurent également en bonne place parmi les priorités, en plus des multiples crises dans le monde arabe et du programme nucléaire iranien.


Dans un ciel grisâtre, une lueur d’espoir : grâce au pétrole et au gaz de schiste, le pays, qui produit actuellement 6,2 millions de barils par jour, sera exportateur d’or noir dès 2017, alors qu’il est déjà autosuffisant en matière de gaz.
Ce n’est certes pas à cela, encore moins en pensant aux réalisations passées, mais à la première cérémonie d’investiture, avant-hier dimanche, que Sasha, la plus jeune des deux filles du président, a lancé à son père : « Good job, daddy. » Et qu’il a répondu : « I did it. » Pour la suite, attendons voir.

(*) « The bully society : school shootings and the crisis of bullying in America’s schools » (la société des brutes, les tueries à l’école et la crise de la brutalité dans les écoles américaines) – 318 pages, mars 2012, NYU Press.

Relire le discours prononcé en janvier 2008, au soir de la primaire du New Hampshire relèverait d’un insoutenable masochisme. À l’époque, souvenez-vous, ce morceau d’anthologie, ponctué par la fameuse anaphore, était annonciateur d’une aube nouvelle. Idem pour le discours d’investiture du 20 janvier 2009, qui a tant marqué les esprits et les cœurs. Aujourd’hui, note un...

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