Rechercher
Rechercher

À La Une - Algérie

"Alors, je me suis préparé à mourir" : les rescapés d'In Amenas racontent l'enfer

"Nous cherchons les chrétiens qui tuent nos frères au Mali et en Afghanistan pour piller nos richesses", disaient les assaillants, selon d'ex-otages.

Le Français Alexandre Berceaux, l'un des rescapés de la prise d'otage d'In Amenas, en Algérie, a raconté son calvaire. AFP/JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN

Depuis la fin sanglante de la prise d'otages sur un site gazier d'In Amenas en Algérie, les rescapés commencent à témoigner. Des récits qui racontent le calvaire enduré par les employés, algériens et étrangers, sous la menace d'un groupe islamiste, les "Signataires par le sang".

 

Parmi les rescapé, des Japonais. L'un d'entre eux a raconté son calvaire dans le quotidien en anglais Daily Yomiuri, par le biais d'un porte-parole de la compagnie japonaise JGC Corp pour laquelle il travaillait en Algérie.

 

Mercredi à l'aube : l'employé quitte la base de vie avec d'autres travailleurs dans un convoi de bus. Direction : le site gazier à quelque trois kilomètres. Il fait encore nuit.

 

05H30 : le convoi est attaqué par des hommes armés. Le chauffeur du bus tente de faire un demi-tour en catastrophe pour retourner vers la base de vie. Mais une roue se détache : tout le monde se rue dehors et court vers la base.

Le Japonais s'enferme à double tour dans sa chambre et éteint tout de suite la lumière. Des assaillants défoncent la porte, le menottent et l'embarquent. Peu après, il se retrouve avec d'autres étrangers, otages comme lui.

 

Selon son témoignage rapporté par le porte-parole Takeshi Endo, quelques "militants" parlent en arabe à ses collègues. Peu après, deux d'entre eux sont abattus sous ses yeux. Il ne précise pas leur nationalité.

 

"Alors, je me suis préparé à mourir", a-t-il raconté.

 

On l'emmène avec un Philippin dans un véhicule, conduit par un assaillant. Un autre monte la garde à l'arrière. Le Japonais voit quelques étrangers au sol. Apparemment ils sont déjà morts, selon lui.

Retour vers le site gazier. Les coups de feu repartent. Il se dit que cette fois ce sont peut-être les forces algériennes, ou les agents de sécurité du site qui viennent à leur secours. Le camion est mitraillé, le pare-brise vole en éclats.

Le Japonais se plaque au sol, son collègue philippin, raconte-il, tremble de tous ses membres.

 

Peu après les islamistes abandonnent le véhicule et s'enfuient. Le Japonais en profite pour sortir et se cacher sous un camion tout près de là. Il n'en bougera pas pendant des heures.

Dehors, la bataille fait rage autour de lui. De son abri, il voit passer un bus rempli d'otages, certains portant l'uniforme de la JGC Corp.

 

Finalement, à la nuit tombée, il décide de sortir de sa cachette et s'enfonce dans l'obscurité en direction du désert.

Au bout d'une heure de marche, il sera finalement récupéré par des forces algériennes.

 

Dix-sept salariés (10 Japonais et 7 étrangers) de la JGC Corp sont encore portés manquants et selon des témoins, neuf employés japonais de la compagnie auraient été tués froidement par les islamistes.

 

***

 

Riad travaille également pour la JGC Corp. Cet employé algérien, également rescapé de la sanglante prise d'otage, raconte que les assaillants semblaient bien connaître le complexe d'In Amenas, à quelque 1.300 km au sud-est d'Alger.

 

"Ils ne se sont pas rendus au site de l'algérienne GTP, ni sur celui de Sarpi, italien, vide au moment de l'attaque", raconte à l'AFP Riad, un des otages algériens employé par le japonais JGC.

Les assaillants connaissaient les procédures internes, les numéros de chambres des expatriés et ils ont attaqué les bases de BP et de JGC, les seuls où il y avait des étrangers.

Pour Riad, pas de doute: "ils avaient des complicités à l'intérieur car ils connaissaient les chambres des expatriés et tous les détails sur le fonctionnement de la base".

 

Après être arrivés sur le site, les assaillants se sont rapidement dirigés "vers les chambres des Japonais, ils étaient au courant de toutes nos procédures", poursuit-il, encore sous le choc. "Un terroriste a crié +open the door+ avec un accent nord-américain puis a tiré. Deux autres Japonais sont morts et nous avons trouvé après quatre autres cadavres de Japonais", dit-il, très secoué.

 

S'il n'y a eu aucune image officielle encore dimanche, des employés ont filmé, pris des photos de l'attaque. Les images des corps de cinq des Japonais prises l'un d'entre eux et visionnées par l'AFP sont violentes : balles dans la tête, crânes à moitié défoncés par l'impact. "Ils ont été exécutés sauvagement", dit Brahim, un collège de Riad, la gorge nouée.

 

Abdelkader, un employé du britannique BP, raconte aussi que les islamistes disaient "+Vous les Algériens et musulmans vous n'avez rien à craindre, vous ne nous intéressez pas+". "Nous cherchons les chrétiens qui tuent nos frères au Mali et en Afghanistan pour piller nos richesses", disaient-ils aussi, selon ce quadragénaire qui a été libéré après leur avoir dit être le père de quatre enfants.

  

L'acharnement contre les expatriés est corroboré par le témoignage, anonyme, d'un autre employé algérien dans le Mail on Sunday : Ils sont allés dans un des bâtiments, "ont rassemblé les expatriés, les ont fait mettre en cercle et ils leur ont tous mis des explosifs autour du cou". 

 

***

 

"Je me trouvais à l'extérieur du bureau quand j'ai vu les terroristes arriver", a raconté à l'AFP un Roumain travaillant sur le site gazier. "Ils ont commencé à tirer sur les gardiens", puis "ils sont entrés et ont commencé à prendre des otages. Je me suis barricadé avec un autre collègue dans le bureau, en bloquant la porte avec un meuble", a expliqué cet ex-otage.

 

"C'était un cauchemar inimaginable. Trois minutes ont fait la différence entre la vie et la mort. Si j'avais figuré parmi les otages je ne serais plus ici aujourd'hui", a témoigné un autre Roumain Liviu Floria, rapatrié dimanche dans son pays, devant des télévisions locales.

"Au début, j'ai cru qu'il s'agissait d'un exercice, d'une simulation mais j'ai vite compris que c'était quelque chose de très grave", a-t-il ajouté.

 

***

 

Pour échapper aux assaillants, les employés du site gazier ont trouvé refuge dans de faux-plafonds, d'autres se sont terrés sous leur lit, comme Alexandre Berceaux, un Français resté "caché pendant presque 40 heures" sous un sommier. "J'ai mis des planches un peu partout au cas où, j'avais un peu de nourriture, un peu à boire", a-t-il raconté.

Mais les assaillants étaient visiblement prêts à tout pour débusquer les étrangers qui tentaient de se cacher, comme en a témoigné dans la presse un Algérien employé sur le site qui a réussi à leur échapper.

 

Ils ont pris un Britannique et pointant leurs armes sur lui, "ils l'ont menacé jusqu'à ce qu'il appelle en anglais ses amis en leur disant : + sortez, sortez, ils ne vont pas vous tuer. Ils cherchent des Américains", a raconté ce survivant à la presse. "Quelques minutes après, ils l'ont abattu".

 

 

Lire aussi

Petit à petit, la lumière se fait sur la tragédie d’In Amenas

Depuis la fin sanglante de la prise d'otages sur un site gazier d'In Amenas en Algérie, les rescapés commencent à témoigner. Des récits qui racontent le calvaire enduré par les employés, algériens et étrangers, sous la menace d'un groupe islamiste, les "Signataires par le sang".
 
Parmi les rescapé, des Japonais. L'un d'entre eux a raconté son calvaire dans le quotidien en anglais...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut