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Économie - Enquête

Le personnel prend l’eau, les touristes le large

Le personnel du secteur hôtelier subit directement les conséquences de la désertion des touristes depuis plusieurs mois. Licenciements, heures supplémentaires non payées, coupes drastiques dans les salaires... Les grands hôtels de la capitale n’hésitent plus à recourir à toutes sortes de pratiques, parfois à la limite du légal, pour réduire leurs coûts.

« Aujourd’hui, les jeunes diplômés n’ont aucune chance de se faire embaucher, sinon dans des conditions de travail désastreuses, au noir, sans contrat et surtout sans aucune garantie de pérennité du poste », raconte une jeune salariée.

Cela peut ressembler à une mauvaise blague, et pourtant c’est écrit noir sur blanc : le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis (EAU), cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyan, a formellement déconseillé à ses concitoyens de se rendre au Liban pour les fêtes de fin d’année. C’est le magazine Arabian Business qui le premier a relayé l’information dimanche dernier, évoquant « une situation politique sensible et difficile », selon le communiqué de presse des autorités officielles des EAU.
Cette annonce tombe mal, très mal, en cette période de fêtes, ultime espoir pour limiter la casse économique qu’aura provoquée l’année 2012. Le secteur hôtelier a été l’un des premiers à subir de plein fouet la désertion des touristes, effrayés par les crises politiques et les incidents sécuritaires à répétition depuis le début de l’année. À la fin de l’été, période censée représenter la plus grande part du chiffre d’affaires des hôtels, Pierre Achkar, le président du syndicat des hôteliers, expliquait à L’Orient-Le Jour que ces trois mois d’été avaient été « les pires depuis 1945 ».
Selon M. Achkar, le taux d’occupation des hôtels de la capitale est d’environ 40 % aujourd’hui, en pleine période de fêtes, avec des annulations qui tombent en masse depuis quelques jours, surtout de la part des ressortissants arabes. « Dans un tel contexte de crise, les hôtels sont obligés de travailler en “management de crise”, c’est-à-dire de fermer une partie de leurs bâtiments, de ne garder en service qu’un seul restaurant ou même de licencier des employés qui ne s’avèrent pas complètement indispensables », explique-t-il. « Aucun chiffre officiel n’est disponible sur le nombre de licenciements dans le secteur, mais, selon mes estimations, il y a environ 30 % de salariés en moins dans les hôtels depuis la fin du ramadan, qui s’est révélé catastrophique en termes d’activités touristiques », ajoute-t-il.

Les employés payent le prix fort de la crise
Cela fait sept ans que Diana (son prénom a été changé) travaille dans l’un des hôtels les plus luxueux de la capitale, comme responsable du service clientèle. Quand elle obtient son diplôme d’hôtellerie, la jeune étudiante n’a aucun problème pour trouver un emploi fixe et elle gravit rapidement les échelons. « Aujourd’hui, les jeunes diplômés n’ont aucune chance de se faire embaucher, ou sinon dans des conditions de travail désastreuses, au noir, sans contrat et surtout sans aucune garantie de pérennité du poste », affirme Diana. Elle explique que pour faire des économies, la direction de l’hôtel n’hésite plus à faire travailler de jeunes diplômés pendant trois mois, l’équivalent à la période d’essai ordinaire, puis à les remercier et à réembaucher d’autres et ainsi de suite. « Cela fait plusieurs mois que les taux d’occupation des chambres ont drastiquement chuté, mais les mesures injustes à l’égard des employés se sont réellement fait sentir depuis cet été », confie Diana. « Du jour au lendemain, la direction a expliqué à tous les employés de l’hôtel qu’ils allaient désormais être payés trois semaines par mois et que la quatrième semaine allaient être considérée comme faisant partie d’un congé non payé, mais qu’ils devraient quand même travailler », explique la jeune salariée. Pour se protéger, « ils nous ont fait signer un document qui stipule que nous consentons pleinement à travailler une semaine par mois sans être payés, poursuit Diana, et celui qui refuse peut directement prendre la porte de sortie ».
Et les difficultés ne s’arrêtent pas là. « Il y trois mois, la direction nous a annoncé qu’elle supprimait l’assurance à laquelle avaient droit tous les employés de l’hôtel en plus de leur inscription à la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS). Dans le cas d’une hospitalisation, c’est donc à nos frais qu’on devra régler 20 % du prix de l’intervention qui n’est pas pris en charge par la sécu », indique Diana. « Les années précédentes, Noël et le Nouvel An étaient synonymes d’un 13e mois, d’un repas, d’une fête et de coffrets cadeaux pour les employés. Aujourd’hui, tout cela a disparu, il faut même travailler davantage pour remplacer tous les journaliers dont la direction a gelé l’embauche. Le tout pour un salaire parfois divisé par deux », s’indigne-t-elle. « Les licenciements se font également de plus en plus nombreux, prétextant une faute professionnelle souvent inventée », s’inquiète la jeune salariée, consciente tout de même des difficultés financières que traverse son hôtel qui affiche un taux d’occupation des chambres de 30 % au plus haut de la saison des fêtes. « Parmi les anciens de ma promotion à la fac, un tiers a changé de métier, un tiers est au chômage et l’autre tiers qui travaille toujours dans l’hôtellerie rame pour arrondir ses fins de mois. » La solution ? Diana n’est pas très optimiste. « De plus en plus de mes collègues partent travailler dans les pays du Golfe, et même s’ils n’ont pas forcément d’énormes salaires, ils sont au moins sûrs d’avoir un poste fixe. »
Prendre le large donc, quand tous les horizons semblent bouchés, telle semble être malheureusement la seule issue de secours pour les employés d’un secteur en mal de touristes.
Cela peut ressembler à une mauvaise blague, et pourtant c’est écrit noir sur blanc : le ministre des Affaires étrangères des Émirats arabes unis (EAU), cheikh Abdallah ben Zayed al-Nahyan, a formellement déconseillé à ses concitoyens de se rendre au Liban pour les fêtes de fin d’année. C’est le magazine Arabian Business qui le premier a relayé l’information dimanche...

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