Distorsion et fantaisie
Le collage, pourquoi ? « D’abord parce que j’aime collectionner des morceaux de magazines vieux et nouveaux, et assembler des photographies, des objets et des journaux », affirme Maria, les yeux pétillants. Héritière des pionniers Georges Braque et Pablo Picasso, elle soutient que son créneau est la distorsion d’images dans une virée fantaisiste illogique, lui permettant d’aliéner, de défigurer des personnages et de traiter à sa guise un sujet. « Ce qui m’intrigue, c’est l’assemblage d’éléments, qui, de prime abord, ne vont pas ensemble, mais qui, lors de la composition finale, servent un sens global. » Maria cite Godard pour expliquer que ce qui compte, ce n’est pas d’où on prend les choses, mais où on les emmène.
Le son a lui aussi sa place. Musique d’ambiance, électro : Maria ressent le besoin de traduire une composition, car « l’on peut faire une œuvre à la fois visuelle et musicale », justifie-t-elle.
Inspirée par de nombreux artistes, notamment surréalistes, dadaïstes, comme Man Ray, Max Ernst, Hanna Höch, des cinéastes comme Jan Svankmajer, Jiri Trnka, ou encore des photographes : André Kertész, Bill Brandt ou Edward Steichen, Maria a collaboré avec le peintre et poète Semaan Khawam pour son recueil de poèmes. Elle travaille aussi sur des couvertures de CD pour des musiciens locaux et internationaux, comme Liliane Chlela, Jawad Nawfal alias Munma ou encore Sary Moussa, radio KWM.
« Je me concentre en ce moment sur le collage à la main et digital qui demande de la précision et qui est une traduction rythmée d’émotions », poursuit-elle. Son thème de prédilection actuel est celui de la sexualité des genres qu’elle envisage sous le couvert de la poésie et de la sensualité.
Surélévation contre suffocation
C’est en étudiant la base du graphisme que Maria s’intéresse progressivement au collage. Diplômée de la LAU en graphisme et en arts, elle s’essaie professionnellement aux entreprises publicitaires, maisons d’édition, pour se lancer enfin dans la création de son atelier de design, The Sofyasunshine.
Ce qui inspire l’artiste, c’est son état personnel par rapport à la ville et son architecture. « J’essaie de me surélever et de mettre sous portrait la suffocation générée par le chaos de la vie politique et sentimentale, mais aussi de mes rapports à la ville et son architecture », confie-t-elle. Dans les années 90, sa famille quitte Beyrouth pour Montréal, une ville qui la marque. « J’ai adoré la liberté qui y était et les choix qui m’étaient offerts », se souvient-elle.
En 2010, à New York, ses œuvres sont présentées au collectif titré Home-land. En 2011, elle exhibe ses collages en solo à la galerie de Joanna Seikaly. Maria vient tout récemment d’exposer au 6:05 Dépêchemode, au Palladium du centre-ville de Beyrouth.
Maya SOURATI