À l’occasion de la Journée internationale de la femme rurale, l’ONG Fair Trade Lebanon (FTL) a récemment organisé une journée pour souligner le rôle vital des femmes dans l’agriculture. Cet événement, placé sous le signe du « développement du travail coopératif au Liban », a réuni de nombreuses personnalités à la Chambre de commerce de Zahlé. Dans une ambiance conviviale, le directeur du ministère de l’Industrie, le représentant du ministère de l’Agriculture, le directeur de l’Agence française de développement et les membres de coopérative ont procédé à des échanges pour envisager les moyens de réformer le secteur agraire au Liban.
Le représentant de la Chambre d’agriculture de Zahlé, Saïd Gedéon, a ouvert la journée en saluant l’action bénéfique de FTL à Zahlé. Grâce au travail conjoint des agriculteurs et de l’association, le travail rural s’est considérablement professionnalisé. « Le secteur agricole s’est complètement épanoui », a t-il déclaré.
Premier acteur du commerce équitable au Liban, FTL collabore avec près de 450 producteurs. Toutes appartenances communautaires confondues, l’organisation compte aujourd’hui 14 coopératives réparties dans toutes les régions défavorisées du sud et de l’est du pays. Collaborant en majorité avec des femmes, FTL compte cependant deux coopératives entièrement masculines. Par exemple, la coopérative viticole d’Héliopolis, dans la Békaa, emploie environ 250 hommes. Véritables « laissés-pour-compte », lésés par les aides de l’État, les agriculteurs sont bien souvent contraints d’abandonner leurs terres pour s’exiler dans des régions urbaines. En ville, les paysans espèrent trouver un travail fixe et toucher un salaire décent pour subvenir aux besoins de leurs familles.
FTL a vu le jour en 2006, peu de temps après le retrait des troupes israéliennes des régions du Sud. Samir Abdelmalek, président de l’ONG, et Philippe Adaïmé, trésorier, ont à cœur d’améliorer le quotidien des travailleurs agricoles défavorisés. Le président de l’association espère ainsi pouvoir « amener (sa) pierre à l’édifice ».
S’adressant directement aux membres des coopératives présents dans la salle, le responsable des projets de FTL, Benoît Berger, revient sur les objectifs de l’association. « Le but est d’améliorer les conditions de commercialisation de vos produits, en assurant la stabilité des prix et en évitant les fluctuations. FTL souhaite embellir votre avenir, et plus généralement celui de la société », a-t-il expliqué.
(Pour mémoire : Ces femmes libanaises qui font vivre leurs villages)
L’ONG se place en intermédiaire unique entre le producteur et l’acheteur. En limitant au maximum le nombre d’intermédiaires, l’association peut ainsi reverser des salaires honnêtes aux agriculteurs. La tâche principale de l’association consiste à cibler des marchés et des débouchés d’exportation pour les produits. Les producteurs isolés ne seraient pas en mesure de trouver de tels clients.
Mais l’une des plus grandes réussites de l’association s’est jouée sur le terrain « administratif », nous a confié Philippe Adaïmé. Avec persévérance, FTL a gagné une certaine légitimité auprès des administrations libanaises. Acteur incontournable, l’ONG a obtenu la confiance du secteur public. Très concernés par les projets, les représentants des ministères de l’Agriculture et de l’Industrie ont vivement manifesté leur soutien à l’association.
Vers un soutien de l’État aux coopératives ?
Vantant les mérites de FTL, le directeur général du ministère de l’Industrie, Dany Gédéon, a également félicité l’esprit d’initiative des agriculteurs. « Il faut changer les mentalités, ne plus stagner dans une position attentiste et dépendre des aides. Les produits issus du commerce équitable peuvent devenir compétitifs », a t-il déclaré. Confiant, Dany Gédéon a encouragé les coopératives à se doter d’un « permis d’industrie ». Ce certificat est rendu obligatoire pour répondre aux appels d’offres et exporter les produits. Le directeur s’engage à réduire au maximum la lourdeur administrative pour obtenir ce document. Les représentants des coopératives ont attiré l’attention des « officiels » sur les difficultés quotidiennes et les obstacles administratifs qu’ils rencontrent.
Le représentant du ministère de l’Agriculture, Ibrahim Haoui, a ensuite pris la parole. Conscient de l’ampleur de la crise qui frappe le secteur agraire libanais, le porte-parole du ministère a décortiqué les points principaux de la réforme envisagée. D’ici à cinq ans, le ministère envisage de restructurer ce secteur si longtemps négligé. Prévoyant la construction de barrages et de lacs artificiels, le « projet vert » est au cœur du dispositif. Le ministère prévoit également la création de « centres de services régionaux ». Composées de vétérinaires et d’ingénieurs, ces structures étatiques décentralisées assisteront les agriculteurs, notamment dans les démarches administratives fastidieuses pour obtenir la carte d’agriculteur.
Soutenus par le ministère, les projets de FTL s’annoncent très encourageants. Forte de son succès, l’association envisage d’ouvrir une coopérative laitière à Zahlé. Cette structure fédératrice réunirait au minimum 2 ou 3 unités de production travaillant les mêmes produits. Présentant de nombreux avantages, la « coopérative de coopérative » permettrait avant tout aux collaborateurs de rentabiliser les efforts mais surtout de faire jouer le mécanisme des économies d’échelle. « Au début, les producteurs se sont montrés méfiants envers un tel système, en raison de son caractère innovant et inhabituel, mais la confiance s’est rapidement installée », ont expliqué les organisateurs.
Le commerce équitable, un marché en plein essor
Suivant les préoccupations environnementales mondiales et l’engouement pour le commerce « éthique », FTL a trouvé de nombreux marchés. Les produits libanais ne rencontrent que très peu de concurrence au Moyen-Orient. À l’heure actuelle, seule la Palestine connaît une organisation de commerce équitable.
L’association s’impose sur le marché mondial, avec notamment l’huile d’olive comme produit phare. La France et l’Allemagne constituent les principaux partenaires européens. Quant au vin de la coopérative d’Héliopolis, il a trouvé un écho très favorable au Japon. Les produits sont commercialisés sous l’appellation « terroir du Liban ».
Respectant les 7 engagements du commerce équitable – un salaire juste reversé aux travailleurs, un commerce le plus direct possible, gestion démocratique où chaque participant a un droit de parole, une transparence totale, un engagement à long terme, des produits de qualité respectueux de l’environnement –, FTL a pu obtenir la prestigieuse certification « Fair Trade International ».
Respectueuse de l’environnement, FTL propose des produits issus de l’agriculture biologique. Engrais et pesticides chimiques sont proscrits.
En l’espace de 10 ans, le marché biologique est passé de 15,2 milliards de dollars en 1999 à 60 milliards en 2010 selon les chiffres de l’agence biologique repris par les intervenants.
Cependant, les normes du marché européen demeurent très exigeantes, et certains produits laitiers ne peuvent être exportés en Europe, selon l’une des participantes. Pour élargir les débouchés, FTL s’est alors tournée vers les marchés arabes où les produits « verts » enregistrent une forte hausse. Très prochainement, FTL envisage d’exposer au Salon agroalimentaire d’Abou Dhabi (SIAL).
Depuis peu, l’association se focalise sur le marché libanais. En multipliant les Salons et les points de ventes, FTL espère convertir les citoyens à ce commerce plus éthique. Pour Noël, l’association exposera ses produits aux marchés de Noël organisés dans la capitale, notamment à l’Espace des lettres de l’Institut français du Liban, à partir de demain mercredi, et à Zeitouneh Bay.
En guise d’ultime argument, le délicieux buffet préparé par les femmes de Deir el-Ahmar a fait succomber les participants à la cause du commerce équitable. La journée s’est achevée sur cette note gourmande.
Pour mémoire
Une certification Fairtrade pour une huile du Liban-Sud
« La Quinzaine du commerce équitable » pour soutenir les petits producteurs libanais