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Culture - Exposition

Galentz ou les tourbillons de la vie

La rétrospective des œuvres de Haroutiun Galentz, tirées du musée qui lui est dédié en Arménie, s’installe dans les Souks de Beyrouth pour présenter l’artiste à travers sa production, féconde, diversifiée, magnifique.

Un bas-relief réalisé en 1939 et qui a fait connaître l’artiste internationalement.

L’exposition laisse penser, de prime abord, qu’il s’agit de plusieurs artistes. Trois, peut-être quatre, un naïf, un caricaturiste, un fauviste, le dernier se taillant la part du lion. Mais impossible, si l’on ne le sait pas, de penser qu’un seul peintre peut avoir une production aussi variée.
Des portraits freudiens (à la manière de Lucian Freud), touchés de vert, faits à l’huile, aux paysages fauves de l’Arménie, Haroutiun prouve sa sensibilité artistique en montrant sa perméabilité aux tendances. Une polyvalence qui le rend singulier, de l’impressionnisme du Bain des cochons au cubisme d’un de ses autoportraits. Et la matière importe peu, l’artiste produit des paysages orientaux en aquarelles aussi parfaits que des ponts imaginaires, au crayon ou au fusain.
L’exposition retrace cette carrière étonnante qu’il eut des années 1930 à 1960, dans l’ordre chronologique et qui passe par tous les états. Le cadre intelligent de la galerie Venue des Souks de Beyrouth, aux contours sobres, crus et nus, met la pleine lumière sur les œuvres. L’agencement même est impeccable, à l’image de l’autoportrait à la pipe, dont l’esquisse au crayon se double, dans la perspective de la salle, par la peinture finale, mettant en exergue le travail et la construction de l’œuvre dans tout son dynamisme.
Chaque espace, timidement séparé d’un petit pan de mur, présente les œuvres de Galentz par petits bouts de vie, chacun rythmé par un style, une fantaisie, reflet d’une époque, d’un lieu, constitutif de cet artiste tant influencé par son environnement.
Ainsi les années filent le long des murs, suivant les tourmentes de la vie bousculée de Galentz. Né Haroutiun Harmadayan, orphelin exilé par le génocide arménien à Alep, il apprend la peinture de son seul maître, Onnig Avedissian, alors qu’il travaille dans un atelier de calligraphie. Plus tard, installé à Tripoli, il retrouve ses frères (si bien représentés sur une toile du même nom) et rencontre Claude Michelet, un artiste français disparu en 1942, mettant tristement terme à une forte relation d’amitié entre deux artistes qui s’inspirèrent et apprirent l’un de l’autre.
Rebondissant, le jeune Galentz s’enrichit de ses voyages, s’installe à Beyrouth, se nourrit de l’émulation de la ville et change ses inspirations. Il dessine alors pour le journal En route de la résistance française. Il excelle à nouveau, cette fois en tant que caricaturiste, alliant cynisme et poésie. En 1939, Galentz est l’auteur d’un bas-relief grandiose (exposé au fond de la galerie) pour l’Exposition mondiale. Il voit alors la reconnaissance publique de son talent. Il est aimé et actif. Au Liban, il cofonde les Amis des arts, convaincu des bienfaits d’une solidarités entre les artistes : c’est la leçon de ses amitiés qu’il veut propager. Il est alors devenu maître, à l’image de ceux qu’il a adulés et fréquentés.
Son plus grand tournant intervient alors lorsqu’il décide de revenir dans son Arménie natale, en 1946, malgré sa notoriété au Liban. Il tombe alors dans l’ombre de l’Union soviétique, repoussé par l’art soviétique qu’il refuse lui aussi. Étranger accepté au Liban, il devient étranger dans son propre pays, rejeté par ceux qui n’ont pas fui. Appauvri, presque indésirable, esseulé, il construit sa maison et sa vie avec sa femme Amine et son fils Armen.
Contre toute attente, c’est à cette période qu’il peint si gaiement des personnages pacifiés, pleins de couleurs, avec la sérénité d’un père de famille accompli. Il se reconnecte dans la fin des années 1950 avec la vitalité culturelle de son pays par l’intermédiaire de son nouvel ami et bienfaiteur Artem Alikhanian. L’admiration et la réussite reviennent. De sa persévérance, il reçoit la popularité qu’il a toujours désirée dans son pays natal. Après avoir été reconnu dans son pays d’accueil, il réussit dans son pays d’origine qu’il a toujours aimé, sans jamais renier sa jeunesse libanaise.
C’est cette double réussite qui fait dire qu’il eut deux vies, deux visages, deux arts. Mais autant dire qu’il fut simplement complet : chaque turbulence a fait son art, chaque mouvement a fait son personnage, chaque toile fait de cette exposition une réussite, rétrospective fantastique des œuvres de ce peintre talentueux, éteint d’une crise cardiaque en 1967.
«C’est un génie!» confie volontiers un compatriote. L’Arménie offre ici un de ses trésors, partagé volontiers à Beyrouth qui l’a tant inspiré et où il a vécu les plus belles années de sa vie.
L’exposition itinérante commence ici son voyage et reste ouverte au public jusqu’au 25 novembre. Le voyage de Galentz n’est donc pas encore fini, il est appelé à connaître le succès dans bien d’autres pays.
L’exposition laisse penser, de prime abord, qu’il s’agit de plusieurs artistes. Trois, peut-être quatre, un naïf, un caricaturiste, un fauviste, le dernier se taillant la part du lion. Mais impossible, si l’on ne le sait pas, de penser qu’un seul peintre peut avoir une production aussi variée.Des portraits freudiens (à la manière de Lucian Freud), touchés de vert, faits à...

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