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À La Une - Interview

Wu Zexian à « L’OLJ » : Un consensus national libanais pour contrer les interférences externes

Wu Zexian, l’ambassadeur de Chine au Liban

L’ambassadeur de Chine Wu Zexian est un homme jovial. Avec son large sourire, il ressemble parfaitement à l’image que l’on se fait des un milliard trois cents quatre-vingt-dix millions de Chinois. Parfaitement francophone (il a passé douze ans en France), il avoue se plaire au Liban où il est en poste depuis deux ans. il se veut d’ailleurs conciliant et ouvert à toutes les parties libanaises, allant même jusqu’à résumer la politique étrangère de son pays comme suit : « Nous voulons être les amis de tout le monde et ne pas intervenir dans les affaires internes des autres pays. »
Avant d’être muté au Liban, il savait que c’était un petit pays au bord de la Méditerranée qui avait connu de nombreux conflits. Mais une fois sur place, il a été agréablement surpris par la richesse de ses vestiges, de son passé et de sa culture. Selon lui, le Liban a été gâté par la nature et par le climat. On croirait qu’après tous ces éloges, Wu Zexian va commencer à critiquer les Libanais. Mais non, l’ambassadeur les trouve « gentils et ouverts, toujours prêts à rendre service, chaleureux et hospitaliers ». Peut-être un peu trop hospitaliers? L’ambassadeur rejette cette allusion directe à l’accueil des réfugiés d’abord palestiniens et maintenant syriens. « Ce n’est plus de l’amitié, mais de l’humanité, dit-il, d’autant qu’il s’agit d’un problème géopolitique. Ce que je veux dire, c’est que les Libanais sont spontanément ouverts », précise-t-il.


Depuis qu’il est au Liban, l’ambassadeur a lu beaucoup de livres d’histoire sur ce pays et la région, et il a constaté que l’histoire des peuples se ressemble. Il rappelle ainsi que la Chine a connu des siècles de conflits internes et de guerres. « C’est d’autant plus déplorable que je considère que les êtres humains sont faits pour vivre ensemble en paix, ajoute-t-il. Avec toutes ces conditions favorables, le Liban devrait être l’un des pays les plus riches du monde, ayant des ressources naturelles et humaines. Malheureusement, il y a tous ces problèmes politiques... » Ne serait-il pas préférable de parler de son entourage qui lui cause des problèmes ? « À mon avis, répond Wu Zexian, tout est lié. Il y a une interaction entre les facteurs internes et les facteurs externes. » La conclusion qu’il tire de ses expériences et de ses lectures est qu’ « il faut toujours un consensus national pour pouvoir faire face aux interférences externes ». L’ambassadeur de Chine ajoute qu’après l’accord de Taëf, les Libanais sont conscients de cette réalité, et en dépit de tous leurs conflits et des accrochages qui se produisent de temps à autre, ils tiennent à maintenir une unité de base et ils font preuve de clairvoyance pour ne pas retomber dans la guerre. « Aujourd’hui, ajoute-t-il, je suis plutôt admiratif envers la classe politique libanaise, qui, malgré les conflits, évite de dépasser certaines lignes rouges. Nous en discutons d’ailleurs avec les parties libanaises puisqu’elles sont toutes nos amies. » Parmi ses amis, compte-t-il aussi cheikh Ahmad el-Assir ? « Je ne suis pas entré en contact avec lui. Mais je suis ouvert à tout le monde. C’est notre ligne de conduite : avoir des relations amicales avec tous et ne pas nous ingérer dans les affaires internes des pays », note-t-il.
 
La Syrie...
Dans le conflit syrien, certains pensent toutefois que la Chine a pris parti en faveur du régime ? « Justement, répond l’ambassadeur, ma mission est d’expliquer que la Chine ne prend pas parti dans le conflit syrien. » Elle a quand même utilisé trois fois le droit de veto au Conseil de sécurité ? « C’est la presse dominante, pétrie de concepts dépassés tournant autour de la mentalité des blocs, qui véhicule ce genre d’informations. Nous avons utilisé trois fois le droit de veto, mais nous avons aussi voté en faveur d’autres résolutions. Tout est une question de formulation du texte soumis au vote. Nous autres, nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires internes de la Syrie. Or nous avons estimé que certains textes soumis au vote jetaient de l’huile sur le feu. Nous ne voulons pas être forcés à prendre position.

 

Chaque fois que nous avons utilisé le droit de veto, nous avons expliqué notre position, mais la presse n’a pas mentionné ces explications », explique-t-il. Autrement dit, la Chine ne fait pas bloc avec la Russie sur le dossier syrien? « Nous étudions les textes. Pour l’instant, il apparaît que les Russes adoptent les mêmes principes que les Chinois. Je voudrais aussi rappeler qu’on ne parle pas beaucoup de l’accord de Genève que la Chine avait approuvé. La Chine n’est ni pour ni contre aucune partie. » Mais concrètement, cette position se traduit différemment ? « Non, la Chine n’a rien fait pour appuyer une partie en particulier. Elle aide plutôt à trouver une solution politique. Elle a présenté récemment une initiative qui prévoit un cessez-le-feu par étapes et par zones, selon l’idée de l’émissaire Lakhdar Brahimi, dont nous soutenons d’ailleurs les efforts et la mission, et la participation de toutes les parties à un dialogue national. Nous voulons donner un push au processus de paix, mais nous n’avons ni de conditions préalables ni de préférences. Notre politique c’est d’être amis avec tout le monde. C’est ce que je dis à mes interlocuteurs libanais auxquels je tiens d’ailleurs le même langage. Mais il faut aussi penser à une autre dimension. Le dossier syrien n’est pas tout et nous avons de bonnes relations avec les pays arabes indépendamment de ce dossier. » La Chine compte-t-elle reconnaître la structure de l’opposition unifiée ? « Ce n’est pas là la question. Nous voulons avant tout qu’une solution politique conforme aux aspirations de la population soit trouvée par le biais d’une période de transition. »
 
Obama et les États-Unis
 La Chine doit être soulagée de la réélection d’Obama, alors que son rival considérait ce pays comme un ennemi ? « Pendant chaque élection présidentielle américaine, les candidats cherchent à diaboliser des pays pour renforcer leur image de défenseurs des États-Unis. Mais ils savent au fond d’eux que la Chine ne menace pas les États-Unis. Ils font simplement semblant d’avoir peur... Le président Obama a été réélu et je crois qu’il va gérer les relations sino-américaines. Je voudrais préciser qu’en 2011, le volume des échanges commerciaux entre nos deux pays a été de 447 milliards de dollars. Il est vrai que dans ce chiffre les États-Unis ont exporté vers notre pays l’équivalent de 122 milliards de dollars alors que le reste constitue les importations chinoises vers les États-Unis. Les États-Unis sont le second partenaire commercial de la Chine après l’Europe. Nos relations économiques sont donc très fortes. Mais il faut rappeler que certaines entreprises américaines (comme Apple) sont établies en Chine et leurs importations vers les États-Unis font partie de ce chiffre. Tout cela profite au final au consommateur américain, d’autant que les produits chinois sont bon marché. » Cela ne se fait-il pas aux dépens des droits de l’homme ? « Cela dépend des entreprises. Pour comprendre la Chine, il faut s’y rendre. Certains ouvriers se plaignent, d’autres non, mais la presse ne parle que des premiers. Il ne faut pas non plus penser que tout ce que disent les autorités est de la propagande. Dans nos rapports officiels, nous évoquons les problèmes de notre pays, notamment la lutte contre la corruption. On nous accuse d’inonder les marchés avec nos produits pas chers. Mais la Chine achète des Airbus et des Boeing. Combien faut-il vendre de chaussures pour acheter un avion ? De plus, les ouvriers de Boeing et d’Airbus ne se plaignent-ils jamais? Enfin, nous ne cherchons pas à être l’usine du monde. Nous avons aussi des produits performants en matière de technologie et d’énergie solaire, mais les entreprises américaines et européennes nous boycottent... »


Pense-t-il que ce qui se passe actuellement dans la région est une lutte pour l’énergie entre d’une part les États-Unis et leurs alliés, et d’autre part la Chine et la Russie? « Les États-Unis, déclare l’ambassadeur, sont de plus en plus autosuffisants en matière d’énergie, alors que la Russie est un pays exportateur. Seule la Chine est obligée d’importer du Moyen-Orient en particulier. Mais notre politique diplomatique n’est pas basée sur cette considération. Nous essayons de développer de bonnes relations avec tout le monde. En 2011, en dépit des troubles, le volume commercial entre la Chine et le Moyen-Orient a augmenté de 34 %. » Que représente le Liban dans ce volume ? « Le Liban est un pays très dynamique. Le volume de nos échanges commerciaux atteint 1,7 milliard de dollars. Le problème est dans le fait que ce sont surtout les hommes d’affaires libanais qui importent des produits de la Chine. Mais nous étudions la possibilité de rembourser un prêt accordé par la Chine au Liban avec l’huile d’olive libanaise et nous sommes intéressés par des projets d’infrastructure... »

L’ambassadeur de Chine Wu Zexian est un homme jovial. Avec son large sourire, il ressemble parfaitement à l’image que l’on se fait des un milliard trois cents quatre-vingt-dix millions de Chinois. Parfaitement francophone (il a passé douze ans en France), il avoue se plaire au Liban où il est en poste depuis deux ans. il se veut d’ailleurs conciliant et ouvert à toutes les...

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