Israël a ouvert les « portes de l’enfer » à Gaza

Israël a lancé hier une vaste offensive aérienne contre des activistes palestiniens de la bande de Gaza, tuant notamment le chef militaire du Hamas, et a menacé d’envoyer ses troupes au sol dans le territoire côtier, sur le point de basculer dans une nouvelle guerre. Cette soudaine campagne de raids aériens, qui a fait au moins neuf morts dont trois enfants, selon les Palestiniens, a été déclenchée au lendemain d’une trêve conclue sous médiation égyptienne après cinq jours de violences, marqués par des tirs de roquettes palestiniennes et des bombardements israéliens. L’opération « Pilier de défense » a débuté par une frappe ciblée sur le véhicule dans lequel circulait Ahmad Jaabari, chef des Brigades Ezzeddine al-Qassam, la branche armée du Hamas. Quelques instants plus tard, de puissantes explosions retentissaient dans Gaza. L’aviation israélienne a ainsi mené plus de vingt raids avant le coucher du soleil, semant la panique parmi la population. Des chars israéliens ont en outre bombardé des secteurs frontaliers de Gaza et la marine a tiré sur une position du Hamas. Le mouvement islamiste a tiré en représailles au moins quatre missiles Grad sur la ville israélienne de Beersheva, ce qu’il a qualifié de riposte initiale. Les autorités israéliennes ont fait état de dégâts mais pas de victimes.

Cette journée a ravivé le souvenir de l’opération « Plomb durci », entre fin 2008 et début 2009, qui avait fait 1 400 morts du côté palestinien et 13 du côté israélien. « Aujourd’hui, nous avons envoyé un message clair au Hamas et aux autres organisations terroristes », a dit le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, ajoutant : « Et si cela est nécessaire (les forces israéliennes de défense) sont prêtes à élargir l’opération. Nous continuerons de tout faire pour protéger nos citoyens ». Une allusion à peine voilée à une intervention terrestre. La radio du Hamas a aussitôt lancé des appels à la vengeance. « L’occupant a ouvert les portes de l’enfer », a réagi la branche armée du mouvement islamiste. D’autres groupes palestiniens ont promis des représailles. « Israël a déclaré la guerre à Gaza et va devoir en subir les conséquences », a notamment déclaré le Jihad islamique.

Le Premier ministre du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, a dénoncé une « campagne barbare » et invité les pays arabes, au premier rang desquels l’Égypte, à intervenir pour y mettre fin. L’Égypte a rappelé son ambassadeur en Israël et le président Mohammad Morsi a convoqué le représentant israélien au Caire pour protester contre ces bombardements. Le diplomate israélien a quitté l’Égypte en compagnie du personnel de l’ambassade, a-t-on par la suite appris de source aéroportuaire au Caire. M.Morsi a en outre réclamé une réunion du Conseil de sécurité, tout comme l’Autorité palestinienne qui a évoqué, dans une lettre au président du Conseil, « des agissements criminels et illégaux ». Le ministre qatari des Affaires étrangères, Hamad ben Jassem al-Thani, a pour sa part jugé que « ce crime atroce ne doit pas rester impuni ». Et conformément à une demande du président palestinien Mahmoud Abbas, la Ligue arabe va se réunir en urgence samedi, a dit un diplomate arabe. Au niveau occidental, la France a appelé Israéliens et Palestiniens à éviter « l’escalade ». Aux États-Unis, le Pentagone a indiqué « surveiller de près la situation », affirmant le droit d’Israël à se « défendre contre le terrorisme ». Selon son cabinet, le président israélien Shimon Peres a informé son homologue américain Barack Obama au sujet de cette opération. Et à Londres, le Foreign Office a appelé « toutes les parties à la retenue ».

D’autre part, quatre explosions ont secoué le sud d’Israël, près de la frontière égyptienne, selon une source de la sécurité israélienne qui soupçonne des tirs de roquettes en provenance du désert du Sinaï. Ces explosions n’ont pas fait de blessé, a précisé cette source qui avait auparavant fait état d’une roquette tirée du Sinaï égyptien sur Bnei Netsarim. L’armée israélienne n’a pas confirmé l’information.

Renverser Abbas
Parallèlement, Israël intensifie ses menaces contre l’Autorité palestinienne à 15 jours de la présentation à l’Assemblée générale de l’ONU d’une demande de porter la Palestine au statut d’État non membre des Nations unies. « Renverser le régime d’Abou Mazen (Mahmoud Abbas) serait la seule option dans ce cas », affirme un document d’orientation politique du ministère israélien des Affaires étrangères. « Toute autre option (...) signifierait lever le drapeau blanc et reconnaître l’échec des dirigeants israéliens à relever ce défi », juge ce projet de document, qui doit être entériné par le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman avant d’être soumis au gouvernement. Un haut responsable israélien a indiqué, sous le couvert de l’anonymat, que l’État hébreu envisageait également d’abroger tout ou partie des accords de paix d’Oslo de 1993.

Le négociateur palestinien Saëb Erakat a balayé ces avertissements. « Même si les Palestiniens avaient une mère Teresa pour président, Thomas Jefferson comme président du Parlement et Montesquieu comme Premier ministre, il se trouverait encore un Lieberman pour dire que ce ne sont pas des partenaires et qu’il faut les tuer », a-t-il ironisé. Au sujet des accords d’Oslo, il a dit « croire aux menaces israéliennes, elles ont déjà été mises à exécution. Oslo était censé s’achever en 1999 », après discussions sur le statut final.

Manifestations pour les 24 ans de la déclaration d’indépendance palestinienne