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Culture - Exposition

Quand les pinceaux et la palette de Bahram Hajou sondent le couple

Pour sa deuxième exposition à la galerie Aïda Cherfane, Bahram Hajou entreprend à travers pinceaux et couleurs, par-delà les gestes anodins et intimes au quotidien, une descente au plus profond du couple. Dialogue loin de toute notion pornographique, mais une œuvre d’un humanisme touchant.

Un couple dans sa misère, son désarroi et ses limites.

Pour sonder, explorer et «radioscopier» la relation humaine entre homme et femme, objet de descente aux enfers ou remontée vers la lumière, la nudité absolue, pour des images fortes, sous influence d’un expressionnisme allemand. Normal, puisque l’artiste, allemand d’origine syro-kurde, âgé de soixante ans, installé depuis plus de quarante ans au pays de Goethe et Schiller, a expérimenté l’art germanique. D’abord à travers ses études à Düsseldorf, ensuite lors de la genèse de son œuvre, dans son atelier à Münster où il vit
actuellement.
Le teint hâlé, canotier écru posé sur un crâne totalement rasé, veste beige clair rayée de blanc sur espadrilles, pantalons, chemise et foulard en lin blancs, voilà un peintre tout droit sorti des années 1930, d’une atmosphère très Borsalino. Cigarette poliment grillée en dehors de l’enceinte de la galerie, gourmette en cuir au poignet assortie à une montre au large bracelet, Bahram Hajou a gardé un arabe impeccable. Avec, parfois, pour certaines explications, une expression allemande qui refait timidement surface. Surtout quand il évoque l’influence de l’expressionnisme, à travers Ernest Ludwig Kirchner et Otto Mueller, qui s’est déteint sur ses toiles mais dont il s’en est graduellement éloigné pour retrouver sa propre voix (et voie). Et sa manière à lui de parler, de s’exprimer, de peindre, dans un mélange subtil, conciliant froideur de l’Occident et sensualité levantine, malaise de vivre européen et spontanéité orientale.
«Quand après vingt-trois ans de mariage les digues rompent, cette dérive a besoin d’être analysée. Un écrivain écrit, un musicien compose, moi, peintre, je peins... Et c’est mon paysage intérieur que je présente», confesse Bahram Hajou en toute simplicité.
Tout d’abord on se croirait, dans cet enfermement, ce face-à-face, huis clos d’un couple (de tous les couples avec leurs variantes!), entre lit et chambre, entre nudité et petites flanelles qui découvrent les corps beaucoup plus qu’elles ne les couvrent, devant des visages à la Gauguin... Introspection, fouille, évasion, moment de vérité et d’abandon? Tout cela à la fois que cette mise à nu, cet abandon du masque, sans agressivité, ni amertume, ni acrimonie. Un état des lieux, un témoignage factuel. Ni aseptisés ni pipés. Avec un sens presque clinique, thérapeutique, de la vision à deux de la parité humaine. Dans sa solitude, sa misère, son désarroi, ses limites.
Des lippes, des yeux grands ouverts et des corps indolents. Des corps entre lascivité et retenue, entre pose d’odalisque et dos voûtés tournés, d’épaules offertes aux spectateurs ou de regards vitreux, hagards, inquiets, interrogateurs... Pour couvrir cette nudité, ni insolente ni impudique, ni provocante, des voiles de couleurs. Couleurs vives et phosphorescentes qui couvrent, tels des draps, des écharpes, des bouts de tissus, transparents ou opaques, des corps livrés au vide.
Du rouge sang de bœuf, du cyclamen à faire pâlir les violettes, des jaunes incendiaires que les champs de blé n’ont pas dans leur chant face au vent, du bleu azur plus azur que le plus lointain du firmament...
Des couleurs aux résonances imprévisibles, qui détonnent sur le gris et la grisaille de ces corps qui ne s’enlacent ou ne fusionnent jamais. Et pourtant le désir des corps est là, vibrant, palpable et perceptible. À travers des signes et des clins d’œil évidents du
peintre... Les pulsions sexuelles sont dans ces touffes de poils entre les jambes, la concupiscence est sur ces fesses rebondies et douces, la main se rapproche de ces seins provocants aux tétons déjà durs, ce dos lisse et félin qu’on voudrait effleurer, caresser...
Mais le couple ne se touche pas ou si peu...
«C’est mon histoire à travers ces tableaux, confie Bahram Hajou, en toute sincérité. J’ai déjà eu un grave problème de couple dans ma conjugalité et j’ai été presque détruit. J’ai mis du temps à surmonter une rupture affective qui m’a été imposée. Mais, aujourd’hui, j’ai recomposé le puzzle de ma vie et je suis à nouveau un homme en harmonie avec lui-même. Cette exposition, c’est moi qui regarde le visiteur. Je me pose autant de questions à moi-même qu’à celui qui regarde mes toiles... Ce n’est pas du narcissisme, mais une manière de trouver des réponses en me regardant, en regardant ma compagne et en jetant un regard à ce qui est étranger à mon couple. J’ai voulu montrer le sexe sans tabous...»
Bahram Hajou compte à son actif de très nombreuses expositions de par le monde. Et même s’il «est le plus heureux des hommes quand il est à Beyrouth », comme il le dit avec un grand sourire, son talent d’artiste peintre n’en est pas moins sollicité partout. Pour la saison prochaine, entre janvier et février, les amateurs de peinture le verront à Paris, à Anvers et surtout, moment prestigieux, il sera à Bratislava au Musée d’art du Danube.

* Bahram Hajou à la galerie Aïda Cherfan jusqu’au 30 novembre.
Pour sonder, explorer et «radioscopier» la relation humaine entre homme et femme, objet de descente aux enfers ou remontée vers la lumière, la nudité absolue, pour des images fortes, sous influence d’un expressionnisme allemand. Normal, puisque l’artiste, allemand d’origine syro-kurde, âgé de soixante ans, installé depuis plus de quarante ans au pays de Goethe et Schiller, a...
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