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Culture - Initiative

Da Vinci et les aberrations du temps

Le Platea de Jounieh accueille, pour la première fois au Liban, l’exposition itinérante « Les machines de Da Vinci », composée de reconstitutions d’inventions du génie italien, selon ses plans.

La bicyclette.

Un vieil aphorisme dit qu’il faut donner du temps au temps.
Les machines sont présentées de la même manière que des voitures lors d’un Salon de l’automobile: dans un grand hall, un lieu d’exposition polyvalent, aux plafonds tubulaires et aux murs préconstruits, avec des conduits de climatisation visibles. Le tout est recouvert de pièces de tissu rapidement assemblées, des couleurs simples: noir et rouge. L’éclairage se fait par des spots aux lumières chaudes et mobiles. Les stands et les panneaux forment un parcours de découverte, parsemé de jeunes et charmantes hôtesses. Dans la manière, il ne fait aucun doute que c’est de l’innovation qu’on expose, du nouveau, de l’époustouflant, du spectaculaire, on espère même du jamais vu.
Et pourtant, les «Codici» dont sont tirés les plans de Leonardo Da Vinci datent de la fin du quinzième siècle. Rien dans la salle que des concepts et des idées que chacun utilise au quotidien: une machine pour transformer une impulsion rectiligne en une force circulaire: c’est ce qui fait fonctionner les stores vénitiens. Une roue crantée qui fait s’élever une tige: c’est un cric, pour changer un pneu. Un système de transport des poids en hauteur: c’est une grue, comme celles qui couvrent le ciel beyrouthin.
Cela dit, personne ne peut pour autant rester de marbre face aux machines exposées, chacun se trouvant fasciné devant ce qui semble si logique, mais si complexe à inventer. Il faut s’imaginer être «ad hoc» face au projet insensé de devoir amener un poids de plusieurs tonnes sur le toit du «Duomo» de Florence. De Vinci est l’inventeur face aux défis, au service de sa propre ambition, aidé de ses talents hors normes.
Alors on se met à jouer entre les machines de bois, reconstituées avec les matériaux de l’époque, à échelle réduite bien sûr. Le défi consiste simplement à comprendre comment celle-ci fonctionne ou à quoi sert l’autre.
Le visiteur est ainsi mis face à son paradoxe: du bout du doigt, une bonne sœur immortalise tout naturellement sa présence à l’exposition grâce à son smartphone tactile dernière génération, et envoie aussitôt l’image à un parent, sur un autre continent, d’un délicat balayage sur l’écran. Et, aussitôt, elle s’émerveille et s’interroge devant un pont arqué, un poids à poulies multiples, un mécanisme autobloquant. L’imagination chassée par l’admiration, elle se sent minuscule face à cet ingénieux amas de bois.
La technologie s’est à tel point immiscée dans notre vie qu’elle n’y est plus visible. L’ingéniosité de milliers d’inventeurs se cache derrière la coque plastifiée du dernier gadget en vogue. Face à ce constat, cette exposition est une piqûre de rappel, en même temps qu’un hommage ludique et bien exécuté à cet inventeur comme aux autres.
Cette exposition nous montre les aberrations du temps. Pour Gaby Layoun, ministre de la Culture, il s’agit d’un «retour dans le passé pour aller de l’avant», une sorte de volonté de corriger la direction, ou de s’assurer qu’elle est la bonne, un coup d’œil dans le rétroviseur. De ses propres mots, le Liban vit une époque à laquelle le temps va très vite, à laquelle on préfère communiquer vite au danger de mal communiquer, à laquelle on préfère «au bon, le fast-food».
Mais sans mélancolie hâtive, sans jugement de valeur, il est certain que le temps a prouvé dans cette exposition, apportée de Firenze par l’atelier qui en a construit les maquettes, Niccolai Teknoart SNC, qu’il est plus difficile à saisir qu’il n’y paraît. Apporter cette leçon au Liban est une initiative particulièrement intéressante du fait du rythme effréné qu’y prend la vie.
L’exposition, parrainée à la fois par l’Institut culturel français, L’Instituto italiano di Cultura et le ministère libanais de la Culture, se poursuivra jusqu’au 7 décembre, avant d’ajouter un nouveau nom à sa liste des quinze pays qu’elle a déjà traversés.
Un vieil aphorisme dit qu’il faut donner du temps au temps.Les machines sont présentées de la même manière que des voitures lors d’un Salon de l’automobile: dans un grand hall, un lieu d’exposition polyvalent, aux plafonds tubulaires et aux murs préconstruits, avec des conduits de climatisation visibles. Le tout est recouvert de pièces de tissu rapidement assemblées, des couleurs...

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